Règlement XVII : l’Ontario suscite la discussion
ABRAM-VILLAGE – La Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard (CSLF) étudiera les excuses proférées par le gouvernement de l’Ontario à la communauté franco-ontarienne pour le Règlement XVII, mercredi 2 mars, selon une information rapportée par le journal La Voix Acadienne.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
« Il ne s’agit pas de dire que nous allons demander des excuses à notre gouvernement, mais c’est une discussion que je voulais que nous ayons, pour voir si nous voulons faire quelque chose ou non. J’ai donc décidé de l’ajouter à l’agenda de notre rencontre », explique le président de la CSLF, Émile Gallant, à #ONfr.
Sans bien connaître l’histoire de la communauté franco-ontarienne, explique-t-il, M. Gallant a suivi avec attention les excuses officielles prononcées par la première ministre de l’Ontario Kathleen Wynne, lundi 22 février.
Car les choses n’ont pas toujours été faciles non plus pour les francophones et les Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard en matière d’éducation. Bien que la première école de langue française dans la province date de 1815, la loi scolaire de 1877 a nui au développement de l’éducation en français en définissant les écoles publiques de l’Île-du-Prince-Édouard comme non-confessionnelles et de langue anglaise.
« À partir des années 1860, ces écoles (les écoles acadiennes – ndlr) perdent le statut spécial que leur accordait depuis longtemps le gouvernement provincial; elles deviennent alors des écoles publiques neutres et, à toutes fins pratiques, anglaises », écrit l’historien Georges Arsenault dans son livre, L’éducation chez les Acadiens de l’Île-du-Prince-Edouard : 1720-1980, ou, La survivance acadienne à l’Île-du-Prince-Edouard.
Sans s’opposer au français de manière aussi frontale que le Règlement XVII, la loi provinciale de l’époque a favorisé l’assimilation, selon la professeure de sociologie à l’Université de Moncton, Michelle Landry, spécialiste de la francophonie canadienne.
« L’enseignement du français à l’Île-du-Prince-Édouard a ensuite été très restreint jusque dans les années 1980-1990. Cela a causé beaucoup de torts à la communauté francophone et acadienne, un tort comparable au Règlement XVII en Ontario, en favorisant l’assimilation. Aujourd’hui, la conséquence, c’est que vous rencontrez beaucoup de gens à l’Ile-du-Prince-Édouard qui ont un nom francophone mais qui ne parlent plus le français. »
De 60 écoles à une seule
On compte toutefois encore une soixante d’écoles acadiennes dans les années 1960, mais celles-ci dispensent au mieux un enseignement bilingue. Et la consolidation du système scolaire, décidée par la province à partir de 1950, entraîne la disparition de la majorité d’entre elles.
« À la fin des années 1970, l’école Évangéline était la seule école de langue française à l’Île-du-Prince-Édouard et nous avons dû attendre jusqu’en 1980 pour voir une autre école française ouvrir ses portes, à Charlottetown. Les écoles d’immersion qui ont été mises en place pour compenser la fermeture de nos écoles françaises ont beaucoup nui à notre communauté », explique M. Gallant.
Il aura fallu attendre le 1er juillet 1990 pour que le gouvernement provincial reconnaisse finalement à la CSLF la responsabilité de gérer et de promouvoir l’éducation française d’un bout à l’autre de la province. D’autres litiges judiciaires conduiront la Cour suprême du Canada, en 2000, a statué sur le droit à l’éducation en français pour tous les ayants droit de la province. Aujourd’hui, la commission scolaire compte six écoles pour plus de 800 élèves.
« Mais les défis demeurent pour lutter contre l’assimilation et pour avoir des écoles de qualité équivalentes au système scolaire anglophone », note Mme Landry.
Rappeler l’histoire
La professeure à l’Université de Moncton pense donc que des excuses du gouvernement provincial pourraient avoir leur importance.
« Même si ce ne serait qu’un geste symbolique, cela permettrait que soit reconnu l’impact des décisions du gouvernement et les ravages qu’elles ont causé pour les Acadiens et les francophones. Cela permettrait de rappeler à la communauté son histoire et son passé. »
M. Gallant voudrait davantage de concret.
« C’est bien d’avoir des excuses, mais celles-ci doivent aussi s’accompagner de ressources pour corriger la situation, sinon ça ne sert à rien ».
Le président de la CSLF ne fait donc pas de ces excuses une priorité.
« Nos centres de petite enfance et le développement de nos écoles, voilà quelles sont nos priorités! Des excuses ne vaudraient la peine que si elles font une différence dans la vie de nos enfants et si elles favorisent leur éducation en français! »
Jointe par #ONfr, la Société Saint-Thomas d’Aquin refuse de se prononcer sur la pertinence ou non de demander des excuses, expliquant que ce dossier concerne avant tout le domaine de l’éducation.