Salon du livre de Toronto : la satisfaction de voir des jeunes lire en français, selon Valery Vlad

À gauche: Le président du conseil d'administration, Valery Vlad. À droite: des jeunes participants du Salon du livre de Toronto en 2017. Crédit image: Salon du livre de Toronto.

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Valery Vlad est le président du conseil d’administration du Salon du livre de Toronto depuis 17 ans. Il a notamment remporté le prix Jean-Baptiste Rousseau 2022, décerné par la Société d’Histoire de Toronto, pour son implication dans la promotion de la culture francophone.

LE CONTEXTE :

Le 30e Salon du livre de Toronto a lieu jusqu’à dimanche dans les locaux de l’Université de l’Ontario français (UOF). Le thème de cette année est Lettre à la Terre.

L’ENJEU :

Les organisateurs veulent rejoindre les familles francophones de Toronto et intéresser les jeunes à la lecture en français. Cet événement littéraire doit rester pertinent tout en faisant face à différents défis économiques et post-pandémiques.

« Quelle est l’importance du Salon du livre de Toronto dans la communauté francophone?

C’est très complexe. Selon moi, le plus important c’est l’attraction que le salon constitue pour les jeunes. On a de 4 000 à 5 000 jeunes chaque année (chiffres d’avant la pandémie). Si au moins une partie découvre la lecture en français, c’est gagné.

Cette année, on a une invitée de 14 ans, Sophia Leopold Muresan. Elle n’était même pas francophone il y a sept ans. On l’a accueillie au salon. Elle a découvert le français. Elle a continué ses études en français dans une école d’immersion. Et aujourd’hui, elle écrit en français. Et elle va lire un poème lors de l’activité Sur le chemin de la consécration, où l’on accueille des auteurs débutants. De plus, on l’invite samedi dans une activité familiale pour raconter aux enfants comment elle est arrivée à écrire en français avec des parents dont la langue maternelle n’est pas le français.

Comment soulignera-t-on le 30e anniversaire?

On va faire une soirée spéciale vendredi. Il y aura une partie littéraire, une partie musicale avec Patricia Cano et Robert Paquette, et une partie de souvenirs et d’anecdotes. Pour la partie littéraire, on a invité les lauréats de nos prix au fil des ans. Au début, c’était le prix du Salon du livre de Toronto. Après quelques années, c’est devenu le prix Christine Dumitriu Van Saanen, d’après le nom de la directrice de l’époque.

Et depuis trois ans, ça s’appelle le prix Alain-Thomas. Alain Thomas a été le président du comité du prix pendant des années. Il nous a malheureusement quittés il y a trois ans. Donc, dans ce volet littéraire de la soirée, les auteurs vont venir faire des lectures des œuvres qui ont gagné par le passé.

Quels sont les autres faits saillants de la programmation?

Citer quelques faits saillants serait faire injustice aux autres! Samedi, il y a la soirée Lettre à la Terre. C’est d’ailleurs le thème du Salon du livre. Dimanche, il y a l’activité autour de Guy Mignault, notre président d’honneur. On invite ses amis et il y aura des surprises pour lui. Il a été le directeur artistique du Théâtre français de Toronto pendant une vingtaine d’années, donc il a beaucoup d’amis ici.

Quelle est la signification du thème Lettre à la Terre?

On a imaginé tout ce qui peut polluer la Terre, pas seulement pour le côté environnemental. Par exemple, on a une table ronde : « Le racisme, d’un océan à l’autre », parce qu’on pense que le racisme pollue la Terre. On a aussi une table ronde sur la terre ancestrale. Parce qu’on vit sur une terre qui ne nous appartient pas.

Et puis, évidemment, cette guerre en Ukraine. Une des activités auxquelles je tiens beaucoup, c’est qu’on va lancer une lettre aux auteurs russes. Parce qu’on espère qu’ils vont sortir de leur mutisme assourdissant. Tous les participants du salon vont être invités à écrire. On va publier cette lettre collective dans les médias et on espère que quelques auteurs russes vont se réveiller.

Combien de gens visitent le Salon du livre par année?

Je ne sais pas ici, car c’est la deuxième année qu’on fait l’événement à l’UOF. L’an dernier, un mois avant, on ne savait pas si on pouvait le faire en présentiel. Donc, ça a été vite fait avec une dizaine d’exposants. Cette année, on a quelque 30 maisons d’édition, dix exposants communautaires… Donc, ça commence à avoir l’allure d’un salon du livre.

Quels sont les défis d’organiser un événement francophone à Toronto?

Ils sont nombreux. On ne peut pas se comparer avec d’autres salons. Ici, il y a un patchwork de francophones. Ce n’est pas cette fierté locale qu’on retrouve ailleurs en Ontario. Les activités qui sont proposées pour les francophones de Toronto sont très variées. Donc, il faut les attirer avec un événement de qualité et non pas avec des considérations idéologiques.

Un autre défi majeur, ce sont les coûts. Par exemple, nous payons la nuitée pour les auteurs. Pour une nuitée, il faut payer entre 400 $ et 550 $. Ça n’a pas de sens. Le problème c’est que, cette année, il y a aussi un congrès des compagnies minières ou quelque chose comme ça en même temps. Les prix ont explosé. C’est un défi économique énorme.

Qu’est-ce qui vous motive à vous impliquer comme président du conseil d’administration depuis 17 ans?

C’est la satisfaction suprême de voir des milliers d’enfants dévorer des livres. Quand on voit ça, on se dit que tout n’est pas perdu. Parce qu’ici, à Toronto, le français survit tant bien que mal. Les gens lisent de moins en moins, parlent anglais de plus en plus. Donc, si on ne fait rien, on va être complètement écrasé par ce rouleau compresseur qu’est la culture anglophone de masse. Ce serait dommage. »