Saturation des services d’urgence pour enfants : comment en est-on arrivé là?

Les services d’urgence des hôpitaux, surtout ceux dédiés aux enfants sont submergés. Source: Canva

Les officiels ontariens se sont succédé ces derniers jours afin d’insister sur la forte recommandation de porter le masque dans les lieux publics. Et pour cause, une série de facteurs se croisant en même temps a fait flamber le nombre d’admissions dans les services d’urgence des hôpitaux, surtout ceux dédiés aux enfants qui affichent d’ores et déjà un taux d’occupation maximal. De plus, la situation n’ira pas en s’arrangeant durant les prochaines semaines selon le premier ministre, Doug Ford.

C’est reparti pour un autre tour! À huitième vague de COVID-19, huitièmes mesures ou plutôt recommandations.

En début de semaine, après une sortie médiatique de Doug Ford dans ce sens, c’était au tour du Dr Kieran Moore, médecin-hygiéniste en chef de l’Ontario de recommander vivement le retour au port du masque dans les lieux publics.

Cette montée en puissance aux pupitres est due à un afflux massif de patients qui submergent les services d’urgence des hôpitaux pour enfants, dont ceux des grandes villes qui sont aujourd’hui à 100 % de taux de remplissage, à en croire le médecin-hygiéniste.

Situation critique

Pire, l’affluence dans certains établissements pédiatriques dépasse largement leur capacité maximale d’admission, à l’instar de l’hôpital SickKids de Toronto dont, d’après un récent communiqué de sa direction, l’unité de soins intensifs dépasse la capacité de 127 % depuis plusieurs jours déjà, ce qui a poussé ses responsables à annuler les opérations chirurgicales « non urgentes » depuis le 14 novembre dernier.  

Le docteur Santiago Perez Patrigeon est spécialiste des maladies infectieuses au Centre des sciences de la santé de Kingston. Gracieuseté

Même embouteillage constaté à l’hôpital général de Kingston où travaille le Dr Santiago Perez Patrigeon, spécialiste des maladies infectieuses. 

« Tout l’hôpital est plein, et pas seulement les services d’urgence. Cette situation est le résultat de plusieurs facteurs. Il y a non seulement celui de la COVID-19 dont les cas n’ont jamais vraiment baissé, mais aussi l’influenza et maintenant le virus respiratoire syncytial (VRS) qui touche beaucoup d’enfants. Ce sont trois virus qui coïncident en même temps », explique ce dernier.

Une épidémie de grippe plutôt que de COVID-19

L’Agence de la santé publique du Canada vient de déclarer que tout le pays est entré dans une « épidémie de grippe, les cas augmentant au-delà du seuil saisonnier ».

À l’échelle de la province, et selon les derniers chiffres disponibles de Santé publique Ontario, le taux de positivité des tests de grippe A effectués est passé de 1,1 % durant la semaine du 2 au 8 octobre, à 14,5 pendant celle du 30 octobre au 5 novembre 2022, alors que pour la même référence temporelle, le taux de positivité des tests de la COVID-19 n’a glissé que de 13,5 % à 14,2 %.  

« Certes, il y a un phénomène de saisonnalité, car on voit tous les ans des hospitalisations liées au VRS et à l’influenza qui tue beaucoup de personnes. Mais, cet automne en particulier, le phénomène est amplifié », constate le Dr Patrigeon.  

Source : Santé publique Ontario

Au-delà de ce triple facteur fait de la COVID-19, de la grippe et du VRS, ce professeur associé au département de médecine de l’Université Queens avance d’autres éléments d’explications peu ou pas évoqués par les autorités de tutelle.  

« Il y a aussi une composante qu’on oublie souvent de mentionner et qui réside dans le fait que le système de santé était déjà stressé avant cet automne », fait-il remarquer.

Les arriérés de la COVID-19

Par ailleurs, le professeur impute également cette situation aux retards de soins et d’opérations chirurgicales qui se sont accumulés à cause de la pandémie, les restrictions et le manque de personnel qui vont avec.

L’autre effet cumulatif invoqué par le scientifique concerne l’augmentation du plateau de la population d’individus qui peuvent être contaminés.  

« Il faut aussi prendre en considération le fait qu’on n’a pas vu de VRS et d’influenza pendant pratiquement les deux ans de la pandémie grâce aux mesures sanitaires, ce qui fait que la population susceptible d’être touchée par ces virus est élevée aujourd’hui. Ce à quoi on assiste aujourd’hui est la combinaison de tous ces éléments », explique-t-il.

Du reste, l’expert en maladies infectieuses estime que l’actuelle conjoncture sanitaire était prévisible : « Non seulement elle l’était, mais on a prévenu à maintes reprises qu’on se dirigeait vers ce cas de figure. »