Sonia LeBel, le nouveau visage de la francophonie du Québec
[LA RENCONTRE ONFR]
QUÉBEC – Candidate vedette de la Coalition Avenir Québec (CAQ) lors des dernières élections provinciales dans la Belle Province, Sonia LeBel a sans surprise été nommée ministre en octobre dernier. #ONfr s’est entretenue avec celle qui a notamment la charge du dossier de la Francophonie canadienne.
« Vous êtes la nouvelle ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne. Qu’est-ce que cette nomination signifie pour vous?
Ça fait toujours plaisir d’être nommée ministre et c’est une grande fierté, bien sûr. Je vois ça comme un honneur et un privilège d’occuper cette fonction. Le dossier de la francophonie canadienne me touche particulièrement, car comme Québécoise, j’ai une vision très canadienne de la francophonie. Ça a une signification particulière pour moi.
Pour quelle raison?
Du côté de ma mère, nous avons beaucoup de famille qui vient de l’Acadie. Du côté de mon père, beaucoup de mes oncles ont vécu à travers le pays, notamment dans l’Ouest, dans des communautés francophones en situation minoritaire, car ils étaient dans les Forces armées canadiennes. J’ai donc déjà une bonne compréhension de la francophonie canadienne et connais l’existence et la réalité de ces communautés très actives et dynamiques.
Le fait de cumuler la fonction de ministre responsable de la Francophonie canadienne, en plus d’être ministre de la Justice et ministre responsable de la Condition féminine, ne risque-t-il pas de nuire à votre capacité d’action?
Rassurez-vous, je ne vais rien négliger! Pour l’instant, je prends les choses un jour à la fois. Ma priorité était d’abord de bâtir mon équipe, car il s’agissait de bien s’entourer. Je suis consciente du travail qu’il y a à faire, mais ça va être un travail d’équipe. Mon rôle sera de partager ma vision et de donner l’impulsion.
Votre prédécesseur, Jean-Marc Fournier, était souvent loué pour sa vision de la francophonie canadienne et pour sa volonté de rapprochement. Quelle est votre vision?
Ma vision est pancanadienne. Historiquement, on sait que depuis la fin des années 60 et les États généraux du Canada français, il y a eu une fracture entre le Québec et le reste du Canada et entre les francophones du Québec et les francophones qui vivent en situation minoritaire.
Je rêve que la réalité de la francophonie canadienne transcende nos frontières, tout en respectant les réalités et particularités de chaque communauté francophone. Nous avons une réalité commune : celle de parler notre langue dans un océan anglophone et alors que l’anglais est souvent la langue des affaires. Le Québec est la seule province unilingue francophone et je pense qu’une francophonie québécoise forte bénéficie à toute la francophonie canadienne, de la même manière qu’une francophonie forte à l’extérieur du Québec profite à notre province.
Quelles seront vos priorités dans le dossier de la francophonie canadienne?
Ce que je veux, c’est établir des partenariats et travailler en collaboration. La francophonie fait partie de l’histoire canadienne et on doit travailler ensemble pour la faire prospérer et non pas être en opposition. C’est dans notre intérêt à tous!
Aujourd’hui, cette francophonie est diversifiée et elle doit accueillir toutes celles et tous ceux qui parlent le français, veulent le garder actif et aiment cette langue, peu importe que ce soit leur langue maternelle ou non.
Le Québec a toujours voulu être un partenaire et aider la francophonie canadienne. Nous avons une politique en matière de francophonie québécoise qui date de 2006. Ma priorité est d’élaborer une nouvelle vision dans les semaines et les mois à venir.
Cet automne, on a beaucoup parlé de francophonie en Ontario et au Nouveau-Brunswick, du fait de décisions controversées. Que pensez-vous de l’action du gouvernement progressiste-conservateur envers les francophones?
Ce n’est pas un secret de dire que ça préoccupe notre gouvernement. D’ailleurs, le premier ministre François Legault a fait part de sa déception au premier ministre Doug Ford quand ils se sont rencontrés. Pour ma part, j’étais à la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la justice et de la sécurité publique à Terre-Neuve-et-Labrador avec la procureure générale et ministre des Affaires francophones de l’Ontario, Caroline Mulroney. J’ai donc eu l’occasion de l’interpeller.
Au Québec, nous avons, nous aussi, une communauté de langue officielle en situation minoritaire. Celle-ci dispose d’universités fortes et nous savons donc bien l’importance de ce genre d’institutions pour une communauté minoritaire.
Quel rôle êtes-vous prête à jouer dans ce dossier?
Au Québec, nous avons voté une motion de soutien aux Franco-Ontariens, avons hissé le drapeau franco-ontarien devant le parlement… Ce sont des gestes symboliques forts, mais on doit aussi veiller à respecter les compétences de chaque gouvernement. On garde tous les canaux de communication ouverts et sommes prêts à collaborer dans la mesure de nos moyens. On veut être des partenaires et sommes solidaires des communautés francophones. Notre rôle est de dénoncer, d’apporter notre support et de faire comprendre l’importance de la francophonie au Canada.
Concrètement, comment le Québec compte-t-il intervenir auprès des communautés francophones en situation minoritaire?
Le Québec est toujours prêt à venir en aide aux communautés francophones à travers le pays et ça ne va pas changer. On intervient déjà avec des programmes et allons continuer, sans jamais dicter aux communautés francophones en situation minoritaire comment et quoi faire. On veut les écouter et les supporter pour dynamiser la francophonie à travers le pays.
La décision de votre gouvernement de remplacer le président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, Denis Desgagné, a suscité la déception de plusieurs intervenants de la francophonie canadienne. Pourquoi avoir pris cette décision?
Nous voulions donner un nouveau souffle au Centre de la francophonie des Amériques. M. Desgagné a fait un travail extraordinaire ces huit dernières années, mais nous pensions que pour apporter une nouvelle vision, il fallait aussi de nouvelles personnes.
Qu’est-ce que vous entendez par « nouveau souffle » pour le Centre de la francophonie des Amériques?
Je veux que le Centre de la francophonie des Amériques devienne le catalyseur de la francophonie canadienne et des Amériques, qu’il réunisse tout le monde et contribue à dynamiser la francophonie. Le Centre de la francophonie des Amériques a développé une expertise très importante et a des antennes partout. Il doit donc servir à promouvoir la francophonie et lier les francophones entre eux. On doit se voir tous ensemble comme une grande communauté.
Certains s’inquiètent du recul de la place du français au Canada, notamment à travers ces deux exemples, mais aussi de la situation du français au Québec. Qu’en pensez-vous?
C’est sûr qu’il faut toujours rester vigilant. Il est sain d’avoir cette crainte d’un effritement du français, car même si au Québec, il y a une masse critique de francophones, il ne faut pas baisser la garde. Sans être alarmiste, je pense que c’est le seul moyen d’éviter les reculs. C’est quand on pense que c’est sécurisé que ça recommence à reculer. »
LES DATES-CLÉS DE SONIA LEBEL :
1991 : Admise au Barreau du Québec
1991 : procureure du Directeur des poursuites criminelles et pénales
2011 : Procureure à la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (commission Charbonneau)
2012 : Procureure en chef à la commission Charbonneau
2017 : Directrice adjointe au Cabinet du chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ), François Legault
2018 : Élue députée provinciale de Champlain pour la CAQ
2018 : Nommée ministre de la Justice, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne et ministre responsable de la Condition féminine
Chaque fin de semaine, #ONfr rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.