D’anciens candidats se souviennent de leur campagne

De gauche à droite, Marilissa Gosselin, Raphaël Morin, Sylvie Fontaine et Thomas Gallezot. Crédit photo: Montage #ONfr

[ONVote2018]

Ils sont des centaines à avoir tenté de devenir député à Queen’s Park. Certains ont gagné, d’autres échoué, les plus acharnés ont recommencé. #ONfr a retrouvé quatre d’entre eux qui ont décidé de faire le saut une fois. Malgré la défaite électorale, ils acceptent aujourd’hui de nous partager leur expérience.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Marilissa Gosselin (Parti progressiste-conservateur, Glengarry-Prescott-Russell, 2011)

Le défi est grand pour Marilissa Gosselin lorsqu’elle se présente sous la bannière progressiste-conservatrice dans Glengarry-Prescott-Russell en 2011. La circonscription est détenue par les libéraux depuis 1981. Bien que non-candidat à sa propre succession, Jean-Marc Lalonde bénéficie d’un fort capital de sympathie dans ce comté majoritairement francophone.

Après une campagne dynamique, dominée par son opposition au projet de centre de recyclage dans le canton de Russell, Mme Gosselin échoue près du but. Trois points seulement la séparent du vainqueur, Grant Crack. « Ce dont on parlait en 2011 est encore pertinent, aujourd’hui », souligne-t-elle. « Les libéraux promettent toujours des choses qu’ils ne font pas. »

Parmi les instants marquants de sa campagne, Mme Gosselin se souvient bien entendu des débats avec M. Crack, « un grand parleur, mais un petit faiseur », mais aussi de moments plus émouvants. « Une dame m’avait appelé pour me dire qu’elle utilisait un timer sur son réfrigérateur pour qu’il fonctionne moins longtemps, et ainsi économiser de l’énergie. Il y a une gang de monde qui n’était pas capable de joindre les deux bouts. Et je pense que c’est toujours pareil. »

Marillissa Gosselin, candidate dans Glengarry-Prescott-Russell en 2011. Crédit image : Facebook

Sept ans plus tard, Mme Gosselin, toujours résidente de Forest Park dans l’Est ontarien, dit n’avoir pas tourné le dos à l’engagement. « Je suis bénévole pour la Fondation des maladies du cœur, et je m’implique dans les activités de l’école de mes enfants. J’essaye d’améliorer ma petite communauté. »

Experte-comptable de formation, l’ancienne candidate voit toujours rouge lorsqu’elle observe les chiffres du budget. « L’économie de l’Ontario n’est pas compétitive. C’est frustrant. » Le 7 juin prochain, elle votera sans surprise pour Amanda Simard, candidate progressiste-conservatrice.

Thomas Gallezot (Nouveau Parti démocratique, Eglinton-Lawrence, 2014)

Thomas Gallezot vient tout juste de prêter serment à la Reine Elizabeth II lorsqu’il se lance dans la campagne de 2014. Le nouveau citoyen canadien veut changer les choses. Ancien sympathisant socialiste en France, son pays d’origine, il choisit naturellement le Nouveau Parti démocratique (NPD).

L’expérience tourne au vinaigre. M. Gallezot n’obtient que 7,34 % des voix. La fin de campagne est même laborieuse. « J’ai été laissé un peu à moi-même. Quand ils ont vu que j’étais en train de perdre, ils ont transféré mes bénévoles dans l’autre circonscription d’un député néo-démocrate qui avait plus de chances. »

Thomas Gallezot, lors des élections provinciales en 2014. Crédit image : Facebook

Malgré les remous, l’ancien candidat veut aujourd’hui voir le bon côté des choses. « J’ai cogné à plus de 10 000 portes. J’ai rencontré beaucoup de gens et même plus de francophones que je ne le pensais. Pour moi, le fait d’être candidat francophone doit primer. C’est dommage, car je trouve que les francophones ne se regroupent pas autour de leur communauté, comme les Sikhs peuvent le faire par exemple autour de Jagmeet Singh. »

Quatre ans après, le néo-canadien se montre toujours aussi fasciné par la politique ontarienne. « En France, il y a beaucoup trop d’apparatchiks de la politique, et il en devient difficile d’avoir une pensée indépendante. Le porte-à-porte par exemple n’existe pas ou très peu. »

Cette année, son projet de repartir au front pour le parti orange dans la même circonscription est tombé à l’eau. « Le parti n’a pas voulu que je sois leur candidat. Si c’est ainsi, je vais me chercher un nouveau parti (…) Personne n’est tenu d’appartenir à un parti idéologiquement. »

Sylvie Fontaine (Parti libéral, Timmins Baie-James, 2014)

La directrice générale de la Corporation de développement économique de Hearst, Sylvie Fontaine, n’est pas tout à fait une inconnue quand elle défend le Parti libéral dans Timmins Baie-James, en 2014. Elle peut s’appuyer sur la notoriété de son père, René Fontaine, député de Cochrane-Nord dans les années 80 sous le gouvernement Peterson.

Très vite, les choses ne vont pas si bien. La nomination de Mme Fontaine intervient alors que la campagne est lancée depuis plusieurs jours. Elle se heurte, de plus, à l’expérience de Gilles Bisson qui règne en maître dans cette circonscription de plus de 250 000 km2 (la taille du Royaume-Uni) depuis 1990.

« Je me souviens du premier débat. Je n’en avais jamais fait de ma vie. À côté de moi, Gilles Bisson en était à 200 débats, et le candidat conservateur était l’ancien maire de Timmins [Steve Black]. En fait, je suis une personne intègre. J’ai passé le temps à répondre directement aux questions, ce que, eux, ne faisaient pas. »

Sylvie Fontaine, candidate dans Timmins Baie-James en 2014. Crédit image : Twitter

Le 12 juin 2014, la défaite est sans appel. Gilles Bisson est réélu triomphalement avec plus de 50 % des voix. Deuxième avec 24,32 %, Mme Fontaine sauve l’honneur. « J’avais axé ma campagne sur le retour des jeunes dans la région, les programmes de financement pour les entreprises (…) Les enjeux étaient très différents entre Hearst, ville francophone, et Timmins, plus anglophone et minière. Faute de temps, je n’ai malheureusement pas eu la chance d’aller dans le Grand Nord. »

Dans une circonscription divisée pour 2018 entre Timmins et Mushkegowuk-Baie James, Mme Fontaine, 60 ans, a choisi de ne repartir au combat. « Je suis trop vieille maintenant. Place aux jeunes! »

Raphaël Morin (Parti vert, Ottawa-Vanier, 2016)

Le contexte est particulier à l’automne 2016 quand Raphaël Morin, étudiant, est investi par le Parti vert de l’Ontario dans Ottawa-Vanier. Il s’agit ici d’une élection partielle pour trouver le successeur de Madeleine Meilleur. Les projecteurs sont braqués sur la circonscription d’autant que le progressiste-conservateur André Marin, fort en gueule, promet de mettre fin aux 45 ans de règne des libéraux.

« Je ne m’attendais pas à gagner », fait part M. Morin. « J’ai tenté de partager plus mes idées sur l’environnement et le développement durable. Que les gens aillent voter est selon moi plus important que pour qui les gens votent. »

M. Morin n’en est pas à sa première campagne électorale. En 2015, il avait déjà cogné aux portes dans la circonscription voisine d’Orléans au palier fédéral. « Comme il s’agissait d’une élection partielle à Ottawa-Vanier, c’était beaucoup plus axé sur les enjeux provinciaux du moment, comme le continuum d’éducation sexuelle, et les coûts d’électricité. »

Le score obtenu le jour du scrutin par M. Morin est finalement peu mirobolant : 3,22 %. Un résultat en dessous de ceux des précédentes élections. « Ça reste de belles opportunités de parler avec les résidents de la communauté », avoue l’ancien étudiant, aujourd’hui dans l’immobilier.

Désireux de faire de la politique autrement, M. Morin regarde toujours avec circonspection le système électoral excluant les Verts des bancs de Queen’s Park. « Le système produit des résultats qui ne représentent pas la population. »

Aux dernières élections provinciales en 2014, le Parti vert avait obtenu 4,84 % des suffrages dans la province. Sa deuxième meilleure performance historique.