Tensions en éducation : une quinzaine de députés expulsés à Queen’s Park
TORONTO – Hécatombe dans les rangs de l’opposition ce mercredi : une quinzaine de députés ont été raccompagnés vers la sortie, y compris leur chef intérimaire, Peter Tabuns, et le porte-parole aux affaires francophones, Guy Bourgouin, alors que les débats ont essentiellement tourné autour de la grève en éducation. Cela représente la moitié du caucus néo-démocrate.
Tandis que l’Ontario se rapproche d’une grève de travailleurs en éducation, sous la houlette du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), l’opposition est montée aux barricades ce mercredi pour exhorter le gouvernement à renoncer à une loi spéciale pour faire avorter le mouvement de contestation.
Le gouvernement Ford a déposé lundi dernier un projet de loi pour empêcher les travailleurs de soutien dans le milieu de l’éducation de faire la grève, une mesure rarement utilisée, et jugée « extrême » par le Nouveau Parti démocratique (NPD).
« Ce gouvernement est en train d’endommager notre système d’éducation et les enfants en payent le prix », a lancé en chambre Peter Tabuns, le chef intérimaire de l’opposition officielle, demandant au gouvernement d’abroger le projet de loi 124 et de se rasseoir à la table des négociations.
« Mais nous sommes à table des négociations », a rétorqué Doug Ford, inflexible. Le premier ministre a déclaré « faire (son) possible pour garder les élèves en classe », après avoir proposé « une entente juste, la meilleure au pays ». Et de réclamer le retrait du mandat de grève du SCFP.
Une contre-offre sur la table
Le syndicat, qui représente 55 000 agents d’entretien, bibliothécaires et éducateurs de la petite enfance, compte passer outre cette loi spéciale et projette toujours un débrayage ce vendredi, à moins que le gouvernement n’accepte sa contre-offre déposée mardi.
L’essentiel des questions a gravité autour du dossier de l’éducation et de la menace de grève imminente, créant des remous sur les bancs du NPD. M. Tabuns lui-même a été expulsé au motif de propos non constitutionnels, après avoir accusé Doug Ford de « mentir aux Ontariens ».
Son porte-parole aux affaires francophones, Guy Bourgouin, a écopé de la même sentence au même motif, lorsqu’il a abordé le dossier de la pénurie de main-d’œuvre.
De nombreux autres députés, à l’image de Marit Stiles (Davenport), Catherine Fife (Waterloo), Wayne Gates (Niagara Falls), Chris Glover (Spadina-Fort York), Jamie West (Sudbury) Terrence Kernaghan (London Centre-Nord), Jill Andrew (Toronto-St. Paul), Jeff Burch (Niagara Centre), Jennie Stevens (St. Catharines), Lisa Gretzky (Windsor Ouest) ou encore Jessica Bell (University-Rosedale) ont été sortis de la chambre législative par le président, dont les avertissements n’ont eu aucun effet.
Perturbations à prévoir dans les écoles vendredi
« On ne devrait pas se trouver ici. On préfère négocier, mais s’il y a grève, alors on va aller de l’avant avec notre mesure législative », a martelé en chambre le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce.
Les autres syndicats de travailleurs en éducation, incluant l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO), demeurent pour le moment à la table des négociations. Les écoles francophones risquent toutefois d’être affectées.
Dans l’Est et à Ottawa, certains conseils scolaires prévoient de fermer leurs classes et de basculer en apprentissage à distance. Idem pour le Conseil scolaire MonAvenir, dans le Sud de la province.
Le Conseil scolaire Viamonde croit en revanche « avoir la capacité de garder ses écoles ouvertes pendant quelques jours », indique-t-il dans une lettre adressée aux parents d’élèves.
La majeure partie des conseils scolaires du Nord ontarien envisagent également de rester ouverts, sauf le Conseil scolaire public du Nord-Est de l’Ontario (CSPNE) qui, en cas de grève fermera ses classes.
Trudeau doit agir, dit Singh
Pendant ce temps à Ottawa, Jagmeet Singh qualifie « d’attaque claire sur les droits des travailleurs » la décision du gouvernement Ford d’utiliser cette clause. Il demande à Justin Trudeau d’agir sur le champ dans ce dossier évoquant la possibilité de créer un nouveau projet de loi ou encore d’attendre le renvoi à la Cour suprême, comme a indiqué le ministre de la Justice David Lametti mardi.
« Ce qu’on veut voir est que le gouvernement prenne au sérieux cette question et s’engage à trouver des solutions. S’il est question d’un projet de loi pour protéger les travailleurs, on est prêt à appuyer. Si c’est une question d’un renvoi à la Cour suprême, on est prêt à appuyer une telle mesure », a soutenu le chef néo-démocrate.
Comme il l’a soutenu mardi, Justin Trudeau a réitéré mercredi que son gouvernement regardait toutes les options possibles.
« C’est inacceptable qu’un gouvernement utilise la clause nonobstant de façon préventive, parce que ça empêche les cours de même pouvoir regarder si c’est constitutionnel ou non. Ça enlève les conséquences politiques de l’utilisation de la clause dérogatoire. On est en train de suspendre les droits fondamentaux des Canadiens sans avoir de conséquence et ça, ça me préoccupe. »
Une motion du député de Hamilton-Centre Matthew Green demandant un débat d’urgence à Ottawa sur la question a été refusée par le Président de la Chambre des communes.
Article écrit avec la collaboration de Pascal Vachon.