Trois souhaits pour la francophonie canadienne en 2017

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[CHRONIQUE]

Mes souhaits pour la nouvelle année sont la nomination d’une ou d’un commissaire aux langues officielles qui renoue avec le développement des communautés, la mise en valeur des savoirs des organismes communautaires et non le moindre, des provinces investies dans le respect des obligations qu’elles se sont données.

REMI LÉGER
Chroniqueur invité
@ReLeger

Commissariat aux langues officielles

Le mandat de Graham Fraser est à échéance depuis le 15 décembre dernier. La commissaire adjointe, Ghislaine Saikaley, occupe désormais le poste par intérim.

Pendant une décennie, M. Fraser a fait du très bon travail. Plus disposé à la négociation tranquille que la confrontation ouverte, il a appuyé le travail sérieux sur des enjeux clés, dont notamment l’accès à la justice et la petite enfance.

En 2017, je nous souhaite une ou un commissaire qui carbure davantage au développement des communautés.

À mon sens, le développement des communautés est l’un des trois piliers du régime linguistique, les deux autres étant le bilinguisme institutionnel et l’éducation dans les deux langues officielles. Pourtant, le développement des communautés vient au second plan, le fédéral étant davantage préoccupé par le statut et la place des langues officielles en son sein et l’éducation dans la langue de la minorité.

De plus, le modèle de développement des communautés mis en place il y a deux décennies, qu’on a nommé ententes Canada-communautés pendant un certain temps, qu’on nomme depuis accords de collaboration, est désuet. Des études ont montré que les organismes communautaires sont contraints d’accorder plus de temps à la gestion de la relation avec le fédéral qu’à la réalisation d’activités et l’offre de services sur le terrain.

La nouvelle ou le nouveau commissaire devra donc faire du développement des communautés un vecteur de son action.

Les savoirs des organismes communautaires

Cela m’amène directement à mon deuxième souhait : la mise en valeur de l’expertise et des connaissances développées dans le monde associatif.

À Ottawa et de plus en plus dans les provinces, la participation des minorités francophones a fait son chemin. Les travaux de recherche ont rendu compte de l’émergence d’une gouvernance linguistique, mettant le gouvernement en relation avec la société civile, en opposition à la planification linguistique, qui est une approche exclusivement du haut vers le bas.

Pourtant, la participation est un mot qui revêt plusieurs sens. En matière de langues officielles, elle est trop souvent synonyme de consultation. Le gouvernement prend le pouls des minorités francophones et ensuite développe des politiques et des programmes.

Il faut revoir cette relation inégale.

De manière précise, une participation qui met en valeur les savoirs des organismes communautaires peut prendre deux formes. Elle peut engager les organismes communautaires dans la formulation ou encore la mise en œuvre des politiques publiques. Cela nous éloigne de l’instrumentalisation des savoirs en promouvant la participation soutenue et continue des organismes communautaires.

Une participation respectueuse des savoirs peut aussi exiger un transfert de responsabilités vers les organismes communautaires. En francophonie canadienne, les organismes communautaires ont développé une réelle expertise en développement des communautés depuis les années 1990, voire même depuis les années 1970.

Souhaitons-nous que le nouveau plan d’action sur les langues officielles soit davantage axé sur les savoirs développés dans le monde associatif.

Des provinces sérieuses

Depuis décembre 2013, pas moins de la moitié des provinces canadiennes se sont soit données de nouvelles obligations en matière de francophonie, soit ouvert la porte à une révision en la matière.

D’une part, l’Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba et Terre-Neuve-et-Labrador ont des nouvelles loi ou politique sur les services en français. D’autre part, des pourparlers furent entamés en Alberta, en Nouvelle-Écosse et en Ontario, le dossier évoluant rapidement dans « l’autre belle province ».

Malheureusement, ces développements positifs en termes législatifs ne s’accompagnent pas toujours d’une action publique. Par exemple, la Société Saint-Thomas d’Aquin, l’organisme porte-parole de la communauté acadienne et francophone à l’Î-P-É, ainsi que l’ancien agent aux plaintes pour les services en français, accusent le gouvernement d’un manque de volonté politique dans la mise en œuvre de la nouvelle loi provinciale.

Des enjeux similaires autour de la mise en œuvre des lois et des politiques sur les services en français perdurent dans d’autres provinces, notamment en Saskatchewan.

En guise de conclusion, je nous souhaite donc, en 2017, des provinces sincèrement investies dans le respect des obligations qu’elles se sont données.

Rémi Léger est professeur en sciences politiques à l’Université Simon Fraser, à Vancouver.

Note : Les opinions exprimées dans les chroniques publiées sur #ONfr n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.