Un 32e Salon du livre de Toronto sous le signe de la sauvegarde de la francophonie ontarienne

TORONTO – Pendant quatre jours, du 27 février au 2 mars, le Salon du livre de Toronto, qui se déroulait dans les locaux de l’Université de l’Ontario français, a mis en avant la diversité de la culture littéraire franco-ontarienne avec pour thème central l’inclusion.
Dans un contexte politique particulier depuis les dernières élections américaines et le retour de Donald Trump au pouvoir de l’autre côté de la frontière, il était important pour toute l’organisation du salon de mettre en avant les valeurs d’inclusion et d’accessibilité, incontournables au sein d’une communauté franco-torontoise très diversifiée.

Au moment de tirer un bilan de cette 32e édition, le président Valéry Vlad a insisté sur cette mission que s’était donnée l’événement cette année.
« On voulait que la communauté, que les auteurs, les éditeurs, les éditrices, les autrices prennent conscience de l’importance de l’inclusion et de l’accession. Non seulement par rapport à ceux et celles qui lisent les livres, mais surtout par rapport au monde qui nous entoure, pour réaffirmer, si on veut bien, nos valeurs. Nos valeurs d’inclusion, nos valeurs identitaires, nos valeurs de diversité, de toutes sortes. »
Pour remplir cette mission, le salon a d’abord accueilli la jeunesse pour des ateliers lors des deux premières matinées jeudi et vendredi. Des étudiants de l’UOF, Glendon et le Collège Boréal ont également pris part à un concours, le Prix Jeune talent littéraire, remporté par l’Université de l’Ontario français.
Lors de l’après-midi du deuxième jour, les ateliers jeunesse ont cédé la place aux aînés qui se sont essayés à la création poétique. Les deux jours suivants ont permis de mettre l’accent sur le thème de cette année avec des tables rondes sur les littératures queer et autochtones, sur la culture d’annulation, l’écriture inclusive ou encore littérature et handicap lors de la dernière journée.
Abordé ce thème cette année semblait impératif pour Valéry Vlad, le président du conseil d’administration, inquiet de l’avenir de la francophonie en Ontario.
« Je suis convaincu que si on n’agit pas, il est possible que dans quelques années, on va avoir un dernier panel qui ne s’appellera plus En route vers le mois de la francophonie mais En route vers le mois de la francophobie. Ce sont ceux qui nient la francophonie au Canada et son droit d’exister au Canada, ailleurs qu’au Québec, qui vont fêter leur victoire contre la francophonie ontarienne. Donc il faut qu’on affirme et réaffirme fort quelles sont nos valeurs. »
Et d’ajouter : « Les anglophones ne se rendent pas compte que si nous, les francophones, perdons nos valeurs, c’est le Canada qui n’existera plus. Nos valeurs sont communes. La diversité, c’est une valeur canadienne, que ce soit anglophone ou francophone. À l’inverse, de l’autre côté de la frontière, on commence à l’interdire. Donc, il faut se défendre. Au-delà du danger économique qui est sûr et certain, il y a ce danger culturel qui nous guette. »
Des inquiétudes face au nombre décroissant de librairies francophones
Présente au salon, la librairie d’Oakville Il était une fois est désormais, depuis la fermeture du Children’s French Book Corner, la dernière librairie francophone de la région du Grand Toronto. Une preuve du recul dangereux de la langue française dans la région.
« À l’époque où j’ai découvert le salon, il y avait trois librairies, dont une très grande ici, sur Queen East. Trois librairies francophones, confie Valery Vlad qui président le salon depuis 18 ans. Je comprends l’argument de l’Internet, de l’achat en ligne, mais est-ce qu’on peut apprendre aux enfants le goût du français, le goût du livre, en leur disant « Allez en ligne »? Ici, au Salon du livre, on fait venir les jeunes pour les mettre en contact avec le monde du livre. »

Le brunch littéraire pour rapprocher les auteurs et le public
Le salon s’est conclu par une nouveauté rapprochant le grand public des auteurs : le brunch littéraire. Parmi les auteurs présents, Didier Leclair tout juste lauréat du Prix Alain-Thomas 2025 a pu partager un passage de son roman Le Prince africain, le traducteur et le nazi.
La journée de dimanche a été aussi marquée par la présence d’Édith Dumont, la lieutenante-gouverneure de l’Ontario, venue assister à la remise des récompenses. L’organisation a également tenu à souligner l’engagement sur l’intégralité du salon de la présidente d’honneur Djemila Benhabib qui s’est livrée sur son parcours lors d’une entrevue de près de 30 minutes dimanche après-midi.
