Un balado pour « amplifier la voix des jeunes francophones minoritaires »
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Janie Moyen et Ahdithya Visweswaran sont les fondateurs du balado, les Francos oublié.e.s.
LE CONTEXTE :
Lancé le 7 janvier, ce nouveau balado, qui porte sur les francophones vivant à l’extérieur du Québec, s’adresse principalement aux jeunes. Le premier épisode, disponible sur différentes plateformes comme Spotify, Apple podcast et Google podcast entre autres, a été mis en ligne le 12 janvier dernier.
L’ENJEU :
Avec les Francos oublié.e.s, Janie Moyen et Ahdithya Visweswaran, qui ont tous les deux 19 ans, veulent donner une voix à cette jeunesse de la francophonie minoritaire qui peine à s’entendre et à se faire entendre, estiment-ils.
« Comment est né le balado, les Francos oublié.e.s?
Ahdithya Visweswaran (AV) : Tout vient de notre rencontre au Forum pancanadien jeunesse, en 2019. Nous avions suivi un atelier de Sarah Anne Leroux sur les podcasts et ça m’a tout de suite donné l’envie d’en faire un. En 2020, Radio-Canada a lancé un concours de balado pour les 19-30 ans. Dans le mien, j’avais fait une entrevue avec Janie sur les jeunes et la francophonie. Je n’ai pas réussi à gagner sur les 122 participants, mais ça nous a donné envie de faire quelque chose de notre côté, ensemble, un projet indépendant.
Janie Moyen (JM) : Nous avons tous les deux un amour de la langue française, même si nos parcours sont différents. Moi, je suis une Québéco-Fransaskoise, Ahdithya, lui, est né aux États-Unis, a appris son français au Manitoba et vient de l’immersion. Je trouve que ça représente bien la francophonie canadienne. Et puis, ça répond à un besoin. En francophonie minoritaire, on entend beaucoup parler des Franco-Ontariens et des Acadiens. Mais il y a un gros besoin pour l’Ouest, Terre-Neuve-et-Labrador, les endroits où le bassin est plus petit. On espère donner du baume au cœur aux francophones qui ne sont pas représentés.
De quoi parlera ce balado?
AV : Dans le premier épisode, on se présente. On parle de notre parcours, de notre amitié, du but du balado… On parle aussi des accents et de la langue, car on voit qu’il y a des relations parfois difficiles entre les élèves de l’immersion et ceux des écoles de langue française. On veut aussi parler de la fermeture de la communauté, parfois, aux nouveaux francophones. J’en ai fait l’expérience moi-même, mais je suis sorti de ma zone de confort et me suis impliqué. On veut vraiment créer un pont entre ces deux communautés.
JM : Mais on ne veut pas juste parler de francophonie! On veut aussi aborder des enjeux de société, sans s’enfermer dans un secteur spécifique, car on ne voit pas cet espace pour les jeunes en français. On va essayer de publier au moins chaque semaine et on ne s’interdira pas non plus une certaine flexibilité, si on veut réagir avec des éditions spéciales sur un sujet de l’heure, comme les propos de M. Blanchet [le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet a laissé entendre que le nouveau ministre des Transports Omar Alghabra avait des penchants islamistes], parce que ça nous affecte. On veut aussi parler des erreurs de la colonisation, de la responsabilité des francophones vis-à-vis des peuples autochtones pour qu’on avoue enfin nos torts… Quand on voit une injustice, on veut en parler!
Pourquoi avoir choisi un balado plutôt qu’un autre format?
JM : Le podcast reste quelque chose de nouveau et ça offre beaucoup de liberté. On n’est pas obligé de nous identifier selon notre couleur de peau, notre apparence… Les gens écoutent et peuvent s’identifier.
Il y a quand même beaucoup de balados qui se font. Comment se démarquer?
JM : En moins de deux semaines, on a déjà eu pas mal de partages des organismes jeunesse francophones. Les médias ont aussi parlé de nous. Je pense qu’on répond vraiment à un besoin.
Vous vivez chacun dans une province différente, l’Alberta et la Saskatchewan. Ce n’est pas trop difficile à organiser?
JM : Au début, oui! Mais on a trouvé un moyen de se faciliter la tâche avec Zoom. On est fiers de partager ce projet, aussi bien ses réussites que ses difficultés.
AV : Et puis, ces derniers mois, on s’est tous habitué à la vie en ligne! (Il rit)
Que comptez-vous accomplir avec ce balado?
AV : On veut montrer qu’on existe et donner à la jeunesse un espace pour inciter leur fierté d’être francophone, y compris pour celles et ceux dont c’est la langue seconde. Leur montrer que le français est un cadeau dans nos vies qui nous permet d’aller plus loin. On est fiers d’avoir embauché une artiste franco-albertaine de 15 ans [Alexie Johnson] pour faire notre cover art. On veut unir toutes ces voix contre l’injustice, parler de sujets lourds, mais aussi drôles, parfois, comme les francophones sur TikTok. Des choses pertinentes… Pour l’instant, c’est un projet personnel, mais dans le futur on pourrait s’affilier avec des partenaires. »