Un bilan francophone 2022 contrasté entre un déclin et des acquis solides
Des figures francophones fortes qui s’imposent, des élections qui rebattent les cartes linguistiques ou encore un recensement pour les francophones à la baisse. Si on peut parler d’un recul de la francophonie, c’est sans compter sur une résilience et une combativité renforcées. L’essentiel de 2022 avec une personnalité, une date, un chiffre, un lieu et une citation.
Une personnalité : Michelle O’Bonsawin
Le parcours de Michelle O’Bonsawin marque une vraie représentation de la francophonie au sommet. Siégeant auparavant à la Cour supérieure de justice de l’Ontario depuis 2017, la Franco-Ontarienne, originaire de la communauté abénakise d’Odanak, devient en 2022 la première juge autochtone à accéder à la plus haute magistrature canadienne.
Lors de son assermentation officielle, le 28 novembre dernier, Michelle O’Bonsawin a été saluée en sa qualité de femme, de francophone et d’autochtone. Ses expériences et son point de vue uniques ont été reconnus comme atouts participant à l’amélioration de la justice canadienne.
Outre les critères d’aptitudes et d’expériences personnelles, d’intégrité et d’engagement requis pour les nominations, le gouvernement met un point d’honneur à nommer des juges complètement bilingues de façon à ce que la Cour suprême instruise des appels en français et en anglais, interagisse avec les avocats plaidant dans la langue officielle de leur choix et utilisant des documents écrits dans l’une des deux langues également.
Une citation : « Monfort fermé, jamais. »
La disparition de Gisèle Lalonde le 27 juillet 2022 a ébranlé tout l’Ontario francophone. Elle s’est éteinte à l’âge de 89 ans à l’Hôpital Montfort d’Ottawa.
La capitale, dont les drapeaux de l’hôtel de ville restent en berne, est en deuil. Montfort, un dernier lieu de vie symbolique pour cette militante dans l’âme connue pour le combat S.O.S Monfort qu’elle mène en 1997, alors âgée de 63 ans, pour la survie du seul hôpital francophone de l’Ontario. « Montfort fermé, jamais », une citation qui aura marqué l’ère de résistance de cette géante de la francophonie ontarienne.
Après l’annonce de la fermeture par le gouvernement provincial, 10 000 Franco-Ontariens la suivent dans les rues protestant leur opposition, avant d’obtenir gain de cause cinq ans plus tard. Avant d’être décorée des plus hautes distinctions – chevalier de l’Ordre de la Pléiade de l’Assemblée internationale des parlementaires de langue française, membre de l’Ordre des francophones d’Amérique et dame chevalier de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, chevalier de la Légion d’honneur, membre de l’Ordre du Canada, membre de l’Ordre de l’Ontario -, elle est également la première mairesse de Vanier, fondatrice et présidente de l’Association française des municipalités de l’Ontario (AFMO).
Reconnue pour son implication dans les domaines de l’éducation, elle dédie sa vie à la défense, à la protection et la reconnaissance des droits des francophones d’Ontario et du Canada dont elle restera à jamais dans les mémoires.
Une date : 24 octobre
Le 24 octobre 2022, jour des élections municipales, voit émerger de nouveaux maires franco-ontariens avec un élan majeur dans le Nord de l’Ontario. Michelle Boileau, conseillère municipale, est élue première mairesse franco-ontarienne à Timmins tandis que Paul Lefebvre devient maire de Sudbury et le premier Franco-Ontarien à la tête de la plus grande ville du Nord, dont 22,5% de la population a pour langue officielle le français. Matthew Shoemaker, parlant couramment le français, s’impose quant à lui à Sault-Sainte-Marie. Un pied de nez à la déclaration de ville unilingue anglophone de 1990.
Si la nouvelle mairesse de Nipissing Ouest Kathleen Thorne-Rochon s’exprime bien en français, elle est également entourée de huit conseillers municipaux dont six élus francophones. L’ancien président de l’AFMO, Roger Sigouin, est réélu à Hearst pour son 6e mandat. À Moonbeam, l’ancien conseiller municipal Éric Côté l’emporte.
Alors que le Sud-Ouest ontarien demeure majoritairement anglophone, dans l’Est ontarien, malgré une démission de la mairesse francophone de Cornwall, Bernadette Clement, nommée au Sénat en juin 2021, le bastion francophone reste présent. Yves Laviolette s’impose à Alfred-Plantagenet où le français a pignon sur rue. La francophone Geneviève Lajoie est élue première mairesse à Casselman.
Le français reste toutefois une de ses priorités, bien qu’elle ne parle pas couramment, avec un pourcentage de 75% d’habitants francophones. Robert Lefebvre prend la tête de la mairie de Hawkesbury tandis que Francis Brière est élu à La Nation. Le nouveau maire d’Ottawa Mark Sutcliffe, qui est bilingue, promet de maximiser le bilinguisme et l’usage du français dans la capitale.
Un chiffre : 3,4%
Les données du Recensement de 2021, partagées en août par Statistique Canada, indiquent que le poids des francophones est à la baisse en Ontario, le nombre de personnes ayant le français pour première langue officielle unique parlée passant de 3,8% en 2016 à 3,4% en 2021. Le nombre absolu est aussi le plus bas depuis 1996, passant à 484 425 Ontariens utilisant le français comme première langue officielle contre 504 130 en 2016.
À noter cependant que le nombre d’Ontariens bilingues est en hausse passant de 92 940 à 98 270 en 2021. Les prévisions du ministère des Affaires francophones, qui rappelle que l’Ontario représente la plus grande communauté francophone du Canada en dehors du Québec, sont quant à elles optimistes avec une croissance envisagée de 5,9 % d’ici à 2028, en grande partie due à l’immigration.
À l’échelle du pays, hors Québec, le nombre d’habitants dont le français est la première langue officielle parlée a diminué en nombre absolu et en pourcentage, de même que le nombre d’habitants pour qui le français est la seule langue maternelle. En revanche, les personnes ayant appris le français dans l’enfance en même temps qu’une autre langue sont en augmentation : 1,1 million de personnes ont pour langue maternelle le français en combinaison avec une autre langue, soit 36 000 de plus par rapport à 2016.
Un lieu : La Place des Arts de Sudbury
Il aura fallu 14 ans pour que La Place des Arts, premier centre artistique et culturel du Nord de l’Ontario, voie enfin le jour. Résultat d’un travail acharné de sept organismes culturels francophones de Sudbury réunis sous l’égide du Regroupement des organismes culturels de Sudbury (ROCS). Un grand pas pour la francophonie du Nord mais aussi pour la culture, figurant parmi les meilleures salles de spectacles de l’Ontario.
C’est en plein cœur du centre-ville de Sudbury le 29 avril dernier que l’ouverture et l’inauguration officielles ont eu lieu en grande pompe avec la présence de divers élus et représentants de la francophonie ontarienne.
L’édifice comprend notamment une salle de spectacle, qui pourra être louée par des artistes francophones et anglophones, une galerie d’art contemporain, un centre artistique de la petite enfance et un bistrot. Le projet, chiffré à 30 millions de dollars, est un accomplissement architectural en soi d’une superficie de 40 000 pieds carrés sur 4 étages. Le pilier du bâtiment est composé de 15 000 photos empilées, concept de l’artiste visuelle Lise Beaudry.
Mille et un détails à l’intérieur et à l’extérieur de cette structure moderne rappellent son héritage culturel franco-ontarien, notamment le revêtement extérieur en acier Corten, un matériau symbolique qui, selon l’architecte Louis Bélanger, s’apparente aux minerais typiques du Nord ontarien.