Un budget « très décevant » pour les francophones
OTTAWA – Le gouvernement conservateur de Stephen Harper cherchait un budget équilibré. Il a tout en cas provoqué la colère des francophones en milieu minoritaire, lors du dépôt du document, le mardi 21 avril.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz
Et pour cause, le pavé de 588 pages ne comporte aucune mention directe à la francophonie, attisant du coup les inquiétudes des différents organismes.
« On voulait un gros coup de barre et des réponses du gouvernement, mais le résultat est très décevant », fulmine en entrevue pour #ONfr, Suzanne Bossé, directrice générale de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA).
Sujet le plus attendu par l’organisme porte-parole des francophones hors Québec, l’immigration francophone ne bénéficie effectivement pas d’un engagement concret du gouvernement.
« On souhaitait un plan cohérent pour l’immigration, voire une spécificité francophone sur ce thème, mais il n y a rien de cela dans le budget, bien que le programme Entrée Express soit mentionné », s’agace Mme Bossé.
Ce dernier, lancé à l’automne dernier, était censé dynamiser le nombre d’immigrants en dehors du Québec toujours en dessous de l’objectif initial de 4,4 % fixé par le gouvernement fédéral en 2006.
« Le système (Entrée Express) permettra de s’assurer que le régime d’immigration répond aux besoins du Canada tant sur le plan économique que sur celui du marché du travail tout en réduisant les arriérés et en améliorant les délais de traitement », peut-on lire dans le volumineux document.
Le député néo-démocrate Yves Godin, ancien porte-parole aux langues officielles pour son parti, n’a pas caché sa déception. « Il y a beaucoup de régions au Canada où les organismes ont besoin de francophones. Par exemple, l’Alberta. À la lecture du budget, on comprend que le gouvernement ne fait de nouveau pas l’effort. »
« Risqué et timide »
Autre secteur attendu au tournant : la culture. Notamment après une année marquée par les compressions drastiques à la Société Radio-Canada (SRC). Des mesures qui n’ont cessé d’inquiéter les francophones en milieu minoritaire, à commencer par la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF).
« C’est un budget risqué, timide, et électoraliste », a fait valoir son président Martin Théberge, en entrevue pour #ONfr, peu après la publication du budget. « Les aides à la culture, qui représentent un tissu social et un moteur économique, sont complètement absentes du document. »
Et de poursuivre : « Ce que nous souhaitions, à savoir une hausse du crédit parlementaire pour le Conseil des arts du Canada, une meilleure représentation du pays sur la scène mondiale et de nouveaux modèles de stratégie numérique, n’ont pas été retenus. »
À deux ans du 150e anniversaire de la Confédération, les organismes espéraient d’ailleurs une mention à la francophonie pour les célébrations de l’événement. « Là encore, il n y a rien. On parle du 150e sur seulement quelques pages, mais sans aucune spécificité à notre communauté », déplore la directrice générale de la FCFA.
À la lecture du budget, le clan Harper s’engage pourtant à accorder « un financement de 210 millions de dollars sur quatre ans, à compter de 2015-2016 » pour les célébrations.
Une approche critiquée
Outre le manque de références à la francophonie, le document n’a pas réussi à égaler les espoirs nés de la reconduction de la Feuille de route en 2013. Comprendre la stratégie quinquennale de 1,1 milliard du gouvernement conservateur pour les communautés linguistiques en situation minoritaire.
« Depuis 2013, le gouvernement a changé son approche. Celle-ci ne correspond plus à nos besoins et à la réalité », croit Mme Bossé. « Depuis deux ans, ce dernier ne nous considère plus comme un partenaire privilégié. Nous n’avons plus de réponses. »
Plus virulent encore, le député libéral Mauril Bélanger, interrogé par #ONfr, ne se prive pas d’égratigner ses opposants politiques. « Même au niveau de la Feuille de route, le montant alloué n’a pas été augmenté depuis dix ans. Ils (les membres du gouvernement) se foutent carrément de la francophonie. »