Un conseil des gouverneurs qui inquiète le Nord
SUDBURY – À peine les membres du conseil des gouverneurs de l’Université de l’Ontario français nommés, les réactions ont fusé dans le Nord. Bon nombre de Franco-Ontariens de Sudbury, Timmins ou North Bay s’inquiètent devant le mandat d’un établissement jugé trop « franco-torontois ».
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
« Déçu du manque de représentativité pour le Nord », « Comment se fait-il qu’il n’y a aucune représentation pour le Nord? », les commentaires sur les médias sociaux se multipliaient lundi 9 avril, à la suite de l’annonce du gouvernement de Kathleen Wynne.
Leader reconnu à Sudbury, Réjean Grenier a dû mal à digérer. Même s’il s’avoue peu surpris par la décision du gouvernement de ne pas nommer de francophones du Nord parmi les 12 membres du conseil. Présidé par Dyane Adam, le groupe a justement pour mission de mettre sur pied le futur établissement à Toronto.
« C’était clair depuis le début que le mandat est à Toronto. Le conseil des gouverneurs reflète donc bien cette réalité. On a nommé des gens sur ce conseil qui sont tous de la région de Toronto, hormis Koubra Haggar qui est de Hamilton. Il serait peut-être plus judicieux de commencer à appeler l’établissement l’Université française de Toronto », explique t-il à #ONfr.
Du projet d’Université franco-ontarienne relancé dans les années 1970, jusqu’aux revendications très poussées à Sudbury pour un campus « par et pour » les francophones à la fin des années 1980, M. Grenier en a vu de toutes les couleurs. « Je suis un optimiste de nature, mais il me semble que la démarche depuis plus de 40 ans est une université de langue française en Ontario. »
Celui qui siège aussi à l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) à titre de représentant pour le Nord est même un brin fataliste. « Je pense que les organismes réclamaient à la base beaucoup plus que ce qu’on a eu. »
Main dans la main depuis maintenant trois ans sur le dossier du postsecondaire, l’AFO, le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) réclament toujours une gouvernance par et pour les francophones dans toute la province.
Les francophones du Nord « pas consultés »?
Longtemps engagé dans les réseaux de jeunesse, l’étudiant à l’Université Laurentienne, Alex Tétreault, était aussi plutôt amer après la nomination des 12 membres. « Le problème, c’est qu’on essaye de nous vendre une université dite franco-ontarienne – par et pour les Franco-Ontariens – alors que ce n’est pas la réalité. On le voit bien dans un conseil des gouverneurs qui vient entièrement du Sud. »
Et de décocher : « Il ne faut pas être surpris. Considérant le mandat de l’Université de l’Ontario français, c’est-à-dire desservir la région de Toronto, ce serait absurde de voir des gens de partout en province. Mais il ne faut pas non plus se tourner de bord et de faire comme si c’était un projet pour les Franco-Ontariens. Les francophones du Nord et de l’Est n’ont jamais été consultés. »
Connu pour son franc-parler, le professeur d’histoire à l’Université Laurentienne, Serge Miville, abonde dans le même sens : « On a raté une belle occasion de former un conseil des gouverneurs pour une Université de l’Ontario français. À moins de me tromper, personne dans le conseil n’a d’expérience dans le monde universitaire francophone de l’Ontario ou d’ailleurs. »
« Répondre à la demande de Toronto », insiste Lalonde
Marie-France Lalonde, ministre des Affaires francophones, martèle que le conseil des gouverneurs est une réponse à la volonté de la communauté franco-ontarienne. « L’université a des demandes et des rapports pour bonifier l’offre de services dans le Centre-Sud-Ouest. (…) L’université va répondre à la demande de Toronto », explique-t-elle.
La ministre des Affaires francophones maintient que les 12 membres du conseil des gouverneurs ont été choisis pour leurs compétences.
Elle estime que l’Université de l’Ontario français doit se bâtir sur des bases « solides » et indique avoir pleinement confiance dans le conseil des gouverneurs.
Dans le Nord, quelques centaines de francophones sont inscrits dans des programmes à l’Université Laurentienne. À dominance anglophone, l’établissement n’a jamais réussi à attirer une proportion suffisante de francophones, louvoyant entre 10 et 20% d’étudiants issus de cette minorité. Et ce depuis sa création en 1960.
Article écrit avec la collaboration de Didier Pilon et Jean-François Morissette