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OTTAWA – La commission fédérale qui doit être créée pour évaluer les demandes de révision d’erreurs judiciaires devait être bilingue, mais les commissaires chargés de revoir les décisions n’auront pas à maîtriser les deux langues officielles. Le tout est passé au vote à Ottawa ce jeudi matin. Le NPD estime que le bilinguisme aurait constitué un frein à la diversité des futurs commissaires.

Le projet de loi C-40 vise à créer la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire et remplacerait l’actuel processus constitué d’une révision ministérielle. Le projet de loi créerait un organisme indépendant dont le mandat serait d’examiner les demandes de révision qui lui sont présentées.

L’organisme indépendant aurait un commissaire en chef ainsi que quatre à huit autres commissaires qui pourraient être à temps partiel. En comité ce matin, une motion du Bloc québécois visant à rendre obligatoire le bilinguisme pour ces neuf commissaires a été battue par les six députés conservateurs et néo-démocrates alors que les cinq libéraux et bloquistes ont voté pour.

Les nominations par le ministre de la Justice « cherchent à refléter la diversité de la société canadienne et tiennent compte de considérations comme l’égalité des genres et la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénale, notamment les Noirs et les peuples autochtones », peut-on lire dans le libellé du projet de loi.

Un obstacle à la diversité

Le député du NPD Randall Garrison a expliqué qu’il craignait qu’une telle mesure « rétrécisse le champ de candidats possibles » en excluant des avocats autochtones ne parlant pas français ou des avocats au Québec, parlant français et cri, a-t-il illustré.

« Donc, il y a une conséquence inattendue en appliquant une exigence étroite à pouvoir parler les deux langues officielles. Je détesterais voir des avocats autochtones – mon exemple étant parlant en français et cri – qui ne pourraient pas siéger à cette commission. »

La commission en tant que telle devra respecter la Loi sur les langues officielles et donc pouvoir fonctionner en français et en anglais via notamment les services de traduction ou d’interprétation.

« Le français est traité comme une langue de seconde classe et le Canada échoue à faire respecter ce sur quoi il prétend s’être bâti. Les Québécois, les Acadiens et les communautés francophones du Canada devraient être assurés que des questions aussi importantes et délicates puissent être entendues et traitées dans les deux langues, ce ne sera malheureusement pas le cas », a déploré le député bloquiste Rhéal Éloi Fortin.

L’amendement proposé par ce dernier faisait suite à une requête du Barreau du Québec. Il stipulait que « des services adéquats en français devraient être offerts aux parties et que les commissaires devraient être bilingues », suggérant Ottawa comme siège social de cette commission, pour favoriser l’usage des deux langues officielles.

Dans un mémoire au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le barreau signalait un cas au Conseil canadien de la magistrature où près de 4 000 pages de preuve en français avaient été déposées et qu’une décision avait été rendue alors qu’une partie des membres anglophones du comité n’avait pas eu droit à une traduction.

« Il est primordial que des demandeurs ne voient pas le traitement de leur dossier s’éterniser ou pire encore, être rejeté, alors que les éléments essentiels du dossier ont été fournis dans une des langues officielles du Canada, mais qui n’est pas comprise par les commissaires », est-il écrit.

Les partis devront se prononcer

Les députés conservateurs n’ont pas expliqué pourquoi ils ont voté contre. Le projet de Loi C-40 sera de nouveau étudié en troisième lecture à la Chambre des Communes. S’il est adopté, il prendra la direction du Sénat. Le projet de loi C-40 faisait suite à la recommandation de deux anciens juges, Harry LaForme et Juanita Westmoreland-Traoré, mandatés par Ottawa, qui avaient conclu la nécessité de créer un tel organisme indépendant.

Son but serait d’améliorer l’accès à la justice en facilitant et en accélérant l’examen des demandes présentées par des personnes potentiellement condamnées à tort. Celui-ci aurait notamment le pouvoir de mener des enquêtes ou encore d’offrir, dans certains cas, des remises en liberté provisoire, dans les cas d’ordonnances de nouveaux procès.