Dans le cadre du projet « Concerté.e.s pour l’égalité », LFPR cherche à réaliser un portrait statistique sur la condition féminine et sur les barrières systémiques à l’égalité des genres dans la région de Prescott et Russell. Crédit image : LFPR


Dans le cadre de l’initiative « Concerté.e.s pour l’égalité », Leadership féminin Prescott-Russell (LFPR) et Centraide Est de l’Ontario (CEO) ont présenté un profil statistique détaillant la situation des femmes et les défis systémiques à l’égalité des genres dans la région de Prescott et Russell. Une conférence a été organisée, mardi matin, rassemblant les principaux acteurs de ces organisations ainsi que des élus, tels que le député provincial Stéphane Sarrazin, le député fédéral Francis Drouin, et plusieurs représentants municipaux et régionaux.

Le but de cette étude, réalisée par le Centre de leadership et d’évaluation (CLÉ), était de dresser le portrait démographique et socio-économique des femmes et des filles de Prescott-Russell.

Selon les porte-parole de l’événement, cette analyse vise à guider les décisions relatives à la programmation, y compris le développement du plan d’action de la table de concertation « Concerté.e.s pour l’égalité », tout en offrant des ressources pour soutenir les partenaires dans leurs initiatives de planification.

D’après Marie-Noëlle Lanthier, la présidente de LFPR, « les résultats ne sont pas surprenants, mais valident publiquement la condition féminine ».

« Les recherches mettent en lumière qu’une des barrières systémiques réside dans la perception selon laquelle l’égalité n’est pas une préoccupation majeure dans Prescott-Russell. En réalité, il s’agit clairement d’un enjeu qui impacte divers secteurs et entrave le plein épanouissement des femmes et des filles. »

Une campagne de sensibilisation

Cette étude sur la condition des femmes et des filles dans l’Est ontarien s’inscrit aussi dans le cadre d’une campagne de sensibilisation intitulée « Élevons nos voix » et qui se déroulera du 20 février au 8 mars. La table « Concerté.e.s pour l’égalité » présentera une délégation aux Comtés unis de Prescott-Russell, le 28 février prochain.

Dorénavant, avec ces nouvelles données et la mise en place de cette campagne de sensibilisation, Marie-Noëlle Lanthier espère « avoir des appels à l’action ».

Marie-Noëlle Lanthier, présidente de Leadership féminin Prescott-Russell. Gracieuseté

« Il y a encore beaucoup de travail à faire et même en dehors des frontières de Prescott-Russell », pense la présidente.

Ces dernières années, « l’imposante montée de la droite n’a pas été un bon signe pour les droits de la femme et les droits de la personne », pense-t-elle.

La situation dans Prescott-Russell

En dehors des classifications émises par Statistique Canada, les habitants de l’Est perçoivent leur région comme étant rurale, avec une riche tradition agricole et une identité francophone bien ancrée.

« Il faut reconnaître que la région s’est fondée sur l’agriculture et bien que cela ait changé, cela a aussi créé des perspectives, certains modèles mentaux qui aujourd’hui sont vraiment dépassés. »

Cependant, selon la présidente, les milieux ruraux sont caractérisés par une moindre présence académique, un espace limité pour exprimer des revendications, et sont souvent des communautés plus isolées où des modèles mentaux influencent les traditions et les croyances.

Suite au Symposium organisé en octobre 2023, l’organisme a relevé plusieurs modèles mentaux dans la région :

  • « Une culture agricole qui influence les perceptions concernant les rôles de l’homme et de la femme.
  • Une éducation peu avancée et/ou valorisée.
  • Le caractère rapproché des petites communautés et la pression de ne pas briser la confidentialité.
  • La place de la religion dans la gouvernance, l’éducation, les soins.
  • Minorités linguistiques opprimées qui ont développé une mentalité de rareté et un mode de survie limitatif.
  • Le peu d’exposition à la diversité et un manque d’ouverture.
  • Vieillissement de la population et l’influence sociale de générations qui portent des valeurs traditionnelles. »

Les résultats de l’étude

Dans le rapport du CLÉ et avec les données de la Circonscription sanitaire de l’Est de l’Ontario (CSEO), les enquêteurs se sont intéressés à l’état de santé des femmes, dont la charge et la santé mentale, mais aussi les conditions de vie, dont la situation familiale, l’accès au logement et l’insécurité financière, l’éducation et les comportements sains, comme l’activité physique.

Pour ce qui est de la prévalence des troubles anxieux ou de l’humeur, l’étude démontre qu’il existe une disparité significative entre les hommes et les femmes. Une différence observée dans toutes les régions, mais notamment dans l’Est (CSEO sur le tableau) pour les troubles de l’humeur, là où 16,4 % des femmes l’ont déclaré comparativement à 7,9 % chez les hommes.

Le rapport indique que les troubles mentaux chez les femmes pourraient être intergénérationnels, « c’est-à-dire que l’on revoit les mêmes enjeux d’une génération à l’autre, et qu’ils sont souvent reliés à des difficultés relationnelles au sein de familles ». (Capture d’écran/ Rapport d’étude – Portrait de la condition féminine à Prescott-Russell)

Là encore, le manque d’accès à un logement abordable a été identifié comme l’un des défis majeurs pour les femmes dans Prescott-Russell. L’analyse en parle comme d’un enjeu transversal à la condition féminine, car il ne se limite pas à causer du stress aux femmes, mais il affecte également leur sécurité, leur participation au marché du travail, ainsi que leur capacité et leur volonté de s’impliquer dans des rôles de gouvernance.


Le tableau fait état de la situation en juillet 2023 concernant la demande de Loyer-Indexé-sur-le-Revenu par des individus à Prescott-Russell. (Capture d’écran/ Rapport d’étude – Portrait de la condition féminine à Prescott-Russell)

Enfin, le rapport prouve qu’il y aurait une tendance en matière de violence envers les femmes. Des données de Statistique Canada en 2021-2022 avait effectivement démontré une hausse de plusieurs formes de violence qui affectent les femmes de façon disproportionnée.

Leadership féminin Prescott-Russell ainsi que la Maison Interlude avaient d’ailleurs interpellé le gouvernement régional afin que soit déclarée une épidémie de violence dans l’est de la province.

En 2022, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) aurait enregistré neuf dossiers d’agression sexuelle de plus dans la région de Prescott-Russell, par rapport à l’année précédente (93 contre 84 en 2021). Bien que le nombre d’appels relatifs à des incidents de violence conjugale (sans accusations portées) ait augmenté, les accusations déposées auprès des services de police auraient diminué.

La conférence était animée par Marie-Noëlle Lanthier et Audrey Lizotte. Crédit image : LFPR

Plusieurs facteurs indiquent que la situation dans la région de Prescott-Russell est préoccupante. La PPO signale également une augmentation des cas d’agression sexuelle impliquant des enfants. Les jeunes filles âgées de 10 à 19 ans sembleraient être plus susceptibles d’être victimes d’agression sexuelle et de violence familiale que les garçons du même groupe d’âge. De plus, les actes de violence envers les femmes immigrantes et les personnes âgées auraient également augmenté.

Enfin, la région de Prescott-Russell est encadrée par l’autoroute 401 et l’autoroute Transcanadienne. Étant positionné entre deux couloirs majeurs de traite des personnes reliant Montréal, Ottawa et Toronto, où 45 % des cas ont été signalés depuis 2011, l’Est ontarien a enregistré une augmentation significative des affaires de traite de personnes, au cours de la dernière décennie.

Les données du rapport mettent en lumière les nombreuses injustices et inégalités auxquelles les femmes de l’Est de l’Ontario sont encore confrontées, que ce soit en matière d’employabilité, d’inaccessibilité aux services de garde, d’écart salarial entre hommes et femmes, ou encore de participation des femmes à l’économie. Ces obstacles continuent de constituer des défis majeurs entravant la condition féminine dans la région.