Une Journée nationale des peuples autochtones en demi-teinte en Ontario

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OTTAWA – Alors que l’on célèbre, aujourd’hui, la Journée nationale des peuples autochtones, le conflit opposant la Nation métisse de l’Ontario (NMO) aux Chefs de l’Ontario (CCO) obscurcit le tableau. Entre questionnements identitaires et indignation, l’unité des premiers peuples de l’Ontario est plus que fragile.

La présentation du projet de Loi C-53 visant à proclamer l’autogouvernance de la NMO attendu depuis 2019 n’a pas eu lieu ce lundi comme prévu mais plutôt mercredi, à la fin de la Journée nationale des peuples autochtones. Contacté par ONFR+, le bureau de la NMO a indiqué ne pas pouvoir donner de raisons concernant ce délai.

Quelques heures plus tôt, lundi, l’organisme des CCO tenait une manifestation devant le Parlement canadien en opposition à cette nouvelle mesure, pour laquelle ils regrettent de ne pas avoir été invités à débattre.

« Ces ententes sur l’autonomie gouvernementale jettent les bases de relations renouvelées entre le Canada et chacun de ces gouvernements Métis et créeront de nouvelles occasions de bâtir un avenir meilleur pour leurs citoyens, comme bon leur semble », a fait savoir Marc Miller, ministre des Relations Couronne-Autochtones, par voie de communiqué suite à l’annonce.

Marc Miller a indiqué ne pas exclure un débat en comité et au Sénat concernant ce projet de Loi. Capture d’écran internet

« Ce projet de loi est une réconciliation en action pour des dizaines de milliers de Métis de l’Ontario et les communautés métisses que représente la Nation métisse de l’Ontario », s’est réjouie Margaret Froh, présidente de la Nation métisse de l’Ontario.

Le conflit était au cœur des discussions lors de l’Assemblée annuelle de la CCO le 15 juin dernier à Toronto. Page Facebook de la CCO

En février dernier, La NMO, la Métis Nation of Alberta et la Métis Nation-Saskatchewan avaient signé des ententes d’autonomie gouvernementale avec le Canada. Un pouvoir qui leur accorderait, principalement, une reconnaissance en tant que gouvernement autochtone avec ses propres juridictions.

Contestation historique

La raison principale de l’objection des 133 communautés, représentées par la CCO, concerne le fait que cette nouvelle juridiction pourrait menacer le territoire sur et pour lequel se sont battus les peuples des Premières Nations (PN) depuis la signature du Traité Robinson-Huron en 1850.

« Il n’ont aucune terre, et c’est ce qu’ils essaient d’avoir avec ce traité en se réappropriant la nôtre » – Chef Scott McLeod

Selon le Chef Scott McLeod de la Première Nation de Nipissing Ouest, le problème n’a aucun lien avec la reconnaissance du peuple métis, lequel a vu son statut autochtone validé en 1982.

Le Chef Scott McLeod dit rejeter toutes les allégations de violence latérale émises par la NMO. Gracieuseté

Celui qui fut un des meneurs de la protestation à Ottawa, affirme que les communautés représentées par la NMO n’existaient pas historiquement et ne peuvent pas être des titulaires de droits de l’article 35 de la Constitution, lequel reconnaît et affirme les droits ancestraux ou issus de traités depuis 1982.

« Ils n’ont aucune terre, et c’est ce qu’ils essaient d’avoir avec ce traité en se réappropriant la nôtre », confie-t-il en entrevue avec ONFR+.

La NMO se défend, par communiqué, indiquant que ce projet de Loi ne concerne des fonctions internes.

« Nous ne sommes pas différents des Premières Nations » – Becca Bressette

« Il s’agit de reconnaître la citoyenneté métisse, les élections métisses, les opérations de gouvernance métisse et les services à l’enfance et à la famille métisses. Il ne traite pas des terres, de la récolte ou des droits fonciers. Il n’a aucune incidence sur les droits des Premières Nations. »

Question identitaire

En toile de fond, le débat identitaire qui remonte à 2017 avec la nouvelle identification de six communautés métisses dans toute la province, étendant le territoire métis jusqu’à la frontière entre l’Ontario et le Québec.

Pour le Chef McLeod, la Nation métisse de l’Ontario est « fabriquée », et constitue en réalité « une corporation et pas une Nation ».

« Nous ne sommes pas différents des Premières Nations. Ce n’est tout simplement pas notre faute si nous nous sommes retrouvés Métis! Nous n’avions pas le choix », lance avec émotion Becca Bressette, citoyenne métisse de la région 7, située un peu au nord de Barrie.

Becca Bressette reconnaît être très affectée par la situation conflictuelle avec les PN. Gracieuseté

Et de continuer : « Mon grand-père, un ancien Métis de la Deuxième Guerre mondiale, m’a appris l’importance de défendre notre culture et ce en quoi nous croyons. »

« Je suis désolé, mais ces personnes ne sont pas autochtones », fustige Scott McLeod qui ajoute que le processus menant à l’obtention du statut autochtone n’est pas aussi fiable que celui des PN.

« J’ai dû prouver mon identité et des connexions directes, je suis très chanceuse d’avoir l’histoire documentée transmise et la plupart ne l’ont pas », se défend Mme Bressette, qui avance que la MNO a été créée par des membres de sa famille.

Samedi dernier, alors que le gouvernement fédéral annonçait la réévaluation de la redevance territoriale pour les PN à hauteur de 10 G$, la NMO a tenu une assemblée spéciale à Toronto, au cours de laquelle 71 % des personnes présentes ont voté en faveur du retrait des citoyens dont les dossiers sont incomplets du registre de la NMO.

Un avenir incertain des relations

Margaret Froh souhaite faire savoir que la porte reste ouverte pour le dialogue avec les PN : « Les Métis et les Premières Nations ont toujours été plus forts en travaillant ensemble, comme nous le faisons depuis plus de 200 ans. Ce n’est que très récemment que la politique nous empêche de progresser ensemble. »

Margaret Froh demande aux jeunes Métis de l’Ontario de garder la tête haute. Page Facebook de la NMO

Même son de cloche chez Becca Bressette : « C’est le fait que le gouvernement nous divise depuis si longtemps, qui fait que certains pensent que nous ne sommes rien et que nous n’avons pas notre place. »

De son côté, le Chef de la PN de Nipissing Ouest n’est pas aussi optimiste et considère qu’aujourd’hui est un jour important, teinté par ce conflit, alors qu’il y a, selon lui, de vrais problèmes à régler dans la communauté.

« Nous n’avons pas autant de temps à consacrer que la NMO, quand nous le pourrons, nous allons nous battre pour les résoudre, unis avec les autres Premières Nations. »

Cet article a été mis à jour le mercredi 21 juin à 17h