Julia Ballerio-Dupé est conseillère bilingue en affaires publiques au sein du Groupe d’action sur l’accès à la justice (TAG). Elle est en charge de l’organisation de la semaine de l’accès à la justice. Son collègue, Jason Pichelli, est manager des relations externes au sein du Groupe.

La 9e édition de la Semaine d’accès à la justice débute ce lundi avec une série d’ateliers et de conférences qui seront proposés en ligne jusqu’à vendredi sur le site internet du TAG.

Être servi en français dans tout processus judiciaire n’est pas un long fleuve tranquille pour les Franco-Ontariens qui, en outre, sont confrontés à des disparités géographiques. Le TAG tente de fluidifier cet accès en s’appuyant sur un réseau de partenaires.

« Pouvez-vous expliquer ce qu’est le Groupe d’action pour l’accès à la justice? 

Julia Ballerio-Dupé : Il a été créé parce que nous avons plusieurs organisations en Ontario, plusieurs partenaires, qui s’occupent de faire avancer les choses en matière d’accès à la justice. C’est une manière de collaborer en se réunissant trois à quatre fois par an, se tenir au courant des opportunités de collaboration et les réaliser. 

Comment jugez-vous la situation de l’accès à la justice en français en Ontario? 

JBD : Il y a toujours des améliorations à faire. Un des problèmes, c’est l’accès aux ressources : les employés bilingues et les traductions, notamment. Cela peut créer des délais. On a beaucoup de partenaires comme l’AJEFO (Association des juristes d’expression française de l’Ontario) ou le Programme de pratique du droit qui font des efforts pour créer des ressources, essayer d’alléger ces délais. C’est aussi important de le mentionner aux avocats et aux juristes et parajuristes, car il y a beaucoup d’avocats qui ne sont pas en soi francophones, mais qui parlent français et pourraient offrir des services en français. Mais, soit ils ne sont pas à l’aise, soit ils ne sont pas conscients qu’ils peuvent le faire. C’est donc important de créer de l’information pour les encourager à le faire car cela pourrait beaucoup aider. 

Jason Pichelli : J’ajouterais qu’un autre problème se situe au niveau de l’aide juridique. Le seuil de bénéfice est trop bas. Elle n’est disponible que pour les personnes qui ont un salaire en dessous de 18 000 dollars par an individuellement, ou 50 à 55 000 pour une famille. C’est le cas en anglais aussi ,mais cela fait qu’il y a une tranche de la population qui ne peut pas avoir un avocat car c’est trop cher et ils ne qualifient pas pour les services d’aide juridique. 

Y a-t-il des disparités d’accès à la justice en français selon les zones géographiques en Ontario? 

JBD : Oui, c’est plus simple à Ottawa, où il y a plus de personnes bilingues par exemple. À Toronto aussi, c’est beaucoup plus présent. Il y a la FOLA (Federation of Ontario Law Associations) qui veut faire la promotion pour encourager les professionnels juridiques à aller dans les communautés plus éloignées, parce qu’il est vrai que les gens quittent souvent les campagnes pour aller en ville. 

Existe-t-il des incitations pour les avocats ou les personnes travaillant dans le droit afin qu’ils restent dans ces endroits plus éloignés?

JP : C’est une question compliquée. Depuis un an, la FOLA a demandé au barreau de faire de la recherche et des recommandations pour améliorer la situation. Nous sommes encore en train de faire cette recherche en partenariat avec d’autres organisations juridiques en Ontario. On essaie de savoir s’il y a des solutions qu’on puisse apporter pour répondre à ce défi.

De manière générale, en quoi consiste cette neuvième édition de la semaine de l’accès à la justice? 

JBD : C’est une semaine de conférences en ligne. Partout en Ontario et même au pays, on peut suivre les séances. Le but est de donner une vitrine pour l’accès à la justice. On parle évidemment des obstacles, mais surtout des solutions. Au sein du Groupe d’accès à la justice, nous échangeons entre nous, mais il faut savoir qu’il y a des professionnels de la justice qui ne font pas partie du groupe. C’est une manière de les tenir au courant en leur montrant ce qui se passe, ce qu’ils peuvent faire dans leurs communautés, mais aussi de créer des discussions et des réflexions sur la situation et ce qu’on peut faire pour l’améliorer. 

Parmi les activités offertes lors de cette semaine, il y a la possibilité de prendre un rendez-vous personnalisé pour un appel téléphonique avec un avocat francophone. En quoi cela consiste-t-il? 

JBD : C’est une initiative du Programme de pratique de droit de l’Université d’Ottawa en collaboration avec le Centre juridique de l’Ontario. On peut aller sur leur site internet, prendre leur numéro de téléphone et on a accès à une consultation gratuite de 30 minutes. Cela peut concerner n’importe quelle affaire judiciaire, cela reste confidentiel entre le professionnel juridique et la personne qui appelle. 

Quels sont les objectifs de cette neuvième édition? 

JBD : Le thème de cette année, c’est Redéfinir l’accès à la justice. C’est un gros thème, nous n’avons pas forcément l’ambition de tout redéfinir, mais c’est plus l’occasion de prendre le temps, de sortir de la routine quotidienne, de réfléchir, de voir les solutions novatrices. Cette année, il y aura beaucoup de séances qui porteront sur la technologie, notamment l’intelligence artificielle. On va aussi se pencher sur la place du français, la place des autochtones dans l’accès à la justice. Et aussi le travail pro bono que les avocats peuvent faire pour améliorer l’accès à la justice. »