Financement de Université de l’Ontario français : Mulroney contre-attaque

La ministre du Développement économique et des Langues officielles Mélanie Joly (à gauche) et la ministre des Affaires francophones de l'Ontario, Caroline Mulroney. Montage #ONFR+

TORONTO – Au lendemain de l’annonce du gouvernement fédéral d’un financement de 1,9 million de dollars pour assurer la survie du projet d’Université de l’Ontario français (UOF), les yeux sont désormais tournés vers le gouvernement progressiste-conservateur qui campe sur ses positions.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

La ministre des Affaires francophones de l’Ontario, Caroline Mulroney n’a pas tardé à contre-attaquer après la décision du gouvernement de Justin Trudeau de prendre le relais de la province pour s’assurer que l’UOF puisse maintenir ses activités.

« Avec le financement pour le projet de carrefour francophone du savoir et de l’innovation à Toronto, le gouvernement Trudeau reconnaît que son gouvernement sous-finance les francophones en Ontario. Nous sommes heureux de voir que notre message est finalement entendu par le gouvernement Trudeau. C’est un pas dans la bonne direction et nous allons continuer de faire pression auprès du gouvernement fédéral pour adresser l’écart qui existe entre l’Ontario et la moyenne canadienne », a expliqué le bureau de Mme Mulroney, dans un courriel envoyé à #ONfr.

Selon les chiffres avancés par la province, le gouvernement Trudeau, dans l’Entente Canada-Ontario, propose de verser moins de 3 $ par habitant pour les services en français en Ontario, beaucoup moins que la moyenne de 9,78 $ dans les autres provinces, citant en exemple les 35,71 $ par habitant perçus par le Manitoba et les 7,31 $ par habitant versés au Nouveau-Brunswick.

Déjà entendu en novembre, ce discours tient compte de l’entente provinciale-fédérale sur les services en français. Mais selon plusieurs experts, il ne tient pas compte des autres ententes provinciales-fédérales en matière de soutien aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. L’Ontario obtient notamment, par exemple, 33,5 % de la somme totale des transferts fédéraux pour l’enseignement dans la langue de la minorité et de la langue seconde.

Le projet est loin d’être sauvé

Selon la politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, la réponse de Mme Mulroney augure mal pour l’avenir.

« C’est une réponse qui ne tient pas la route, car ici on parle de financement pour le postsecondaire. Le gouvernement Ford essaie de détourner l’attention et tente de se déresponsabiliser. »

Elle rappelle toutefois que les fonds annoncés par le gouvernement fédéral ne sont pas à même de concrétiser le projet.

« Ce n’est pas suffisant pour ouvrir l’université en 2020 et on ne peut pas faire avancer un tel projet avec un financement année après année. Le provincial doit s’engager pour que le projet voie le jour. »

Et la réaction de la ministre de la Formation et des Collèges et Universités, Merrilee Fullerton, est à cet égard assez claire.

« Le gouvernement de l’Ontario a indiqué à l’automne qu’il n’était pas en mesure de financer le projet de l’Université de l’Ontario français pour le moment. Par conséquent, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités ne fournira pas de fonds supplémentaires pour appuyer la mise en œuvre de la nouvelle université pendant que le projet est mis en suspens. »

Elle précise toutefois que « le conseil d’administration peut obtenir des fonds privés et publics auprès d’autres entités pendant l’interruption du développement du projet ».

La présidente du conseil de gouvernance de l’UOF, Dyane Adam, encourage la province à revoir sa décision.

« La province pourrait dire qu’elle réalise qu’elle n’a pas eu le temps d’évaluer à sa juste mesure l’importance de ce projet-là pour la communauté. Avec toute la mobilisation, le gouvernement a pu voir qu’on ne parle pas juste d’un campus d’une université déjà existante. Ça n’a rien à voir! C’est des décennies de travail. »

Saveur électoraliste

Une chose est sûre, selon Mme Chouinard, l’annonce de la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonise, Mélanie Joly n’a rien d’innocente à moins de neuf mois des élections fédérales.

« Il est clair que le gouvernement fédéral veut se présenter comme un champion des communautés de langue officielle en situation minoritaire. On sait que l’élection arrive à grands pas et qu’elle sera difficile en Ontario où, dans plusieurs circonscriptions, le vote francophone a une certaine pesanteur. Le facteur électoraliste est donc à prendre en compte. »

L’AFO et le RÉFO veulent maintenir la pression

En attendant, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin réitère sa demande au gouvernement provincial de négocier avec son homologue fédéral pour trouver une solution.

« Notre travail à nous, c’est de mettre la pression sur le  gouvernement provincial pour l’inciter à faire une demande de financement au fédéral. Avec l’annonce d’hier, on a gagné un an de sursis, la prochaine étape, c’est que le gouvernement Ford fasse cette demande pour pouvoir démarrer le projet. »

Il rappelle sa proposition d’un financement de démarrage pour l’UOF qui serait fédéral pour les quatre premières années, puis provincial, pour les quatre années suivantes. Le coût de démarrage de l’UOF est évalué à 84 millions $ sur huit ans.

« Il faut que le gouvernement réexamine en étant moins sous pression, en tenant compte des réalités budgétaires », pense Mme Adam.

« Mais ce serait une solution risquée », analyse Mme Chouinard. « Dans quatre ans, ça pourrait être un nouveau gouvernement et celui-ci pourrait revenir sur son entente de financer les quatre années restantes. Cela créerait une instabilité dans le projet qui pourrait décourager les potentiels étudiants de l’Université de l’Ontario français. »

Dans un communiqué diffusé ce lundi, le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) exhorte le gouvernement provincial « à prendre ses responsabilités » et entend poursuivre son travail de mobilisation.

Du côté de l’AFO, une campagne de cartes postales à l’attention des députés progressistes-conservateurs a été lancée dont le but est de les encourager à prendre de bonnes résolutions pour 2019 : rétablir le Commissariat aux services en français ainsi que le financement de l’UOF.

Article écrit en collaboration avec Étienne Fortin-Gauthier


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