Université de l’Ontario français : pourquoi Mulroney a fait un pas

La ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney. Crédit image: Jackson Ho

[ANALYSE] 

TORONTO – Caroline Mulroney fêtait, cette fin de semaine, son premier anniversaire à titre de ministre des Affaires francophones de l’Ontario. Un an, c’est aussi le temps qu’il lui aura fallu pour dire un oui plus marqué au projet d’Université de l’Ontario français (UOF).

La petite phrase est lourde de sens. Dans une lettre écrite à la ministre fédérale de la Francophonie Mélanie Joly, Caroline Mulroney et son homologue de la Formation et des Collèges et Universités, Ross Romano, se sont dit enfin prêts à discuter de l’éventualité d’une université franco-ontarienne. « Nous serons heureux d’entamer un dialogue constructif avec vous. » En somme, une entente de principe devrait être signée, avec à la clé du financement.

Jusqu’à maintenant, Caroline Mulroney avait fait fi des lettres de Mme Joly. Depuis l’annulation brusque du projet le 15 novembre dernier, le gouvernement fédéral répétait son désir de prendre à sa charge une partie du futur établissement. Une somme de 1,9 million de dollars avait même été déposée en janvier pour assurer sa survie.

Pourquoi donc ce revirement du gouvernement provincial? Il faut probablement y voir l’approche des élections fédérales en octobre. La crise linguistique a mis une bonne épine dans le pied du chef conservateur Andrew Scheer désireux de séduire les électeurs francophones au Québec, en Acadie et en Ontario.

Par ce pas en avant, le gouvernement Ford coupe de l’herbe sous le pied des libéraux. Un échange de bons procédés entre les deux leaders conservateurs qui ont déjà marqué leur unité sur plusieurs dossiers, comme la baisse des impôts ou encore leur opposition à la taxe carbone.

Projet dorénavant plus crédible

L’autre hypothèse pour expliquer la lettre favorable de Mme Mulroney serait la crédibilité gagnée par le projet. On ne va pas se le cacher, les programmes multidisciplinaires présentés l’an passé demeuraient opaques. « Culture numérique », « Pluralité humaine » « Environnements urbains » et « Économie mondialisée », autant de noms qui avaient fait d’abord sourciller la ministre.

Mais de l’eau a coulé sous les ponts en juin. D’une, une cohorte de professeurs a été nommée. Secondo, le certificat de deuxième cycle en pédagogie de l’enseignement supérieur, dévoilé il y a quelques jours, apparaît enfin comme une avancée concrète. Donné au collège La Cité à Ottawa, il sera capable de former les futurs professeurs de l’institution. On dit que ce modèle de collaboration est aussi regardé par l’Université d’Ottawa et celle de Hearst.

On peut blâmer Mme Mulroney sur bien des choses, mais pas sur ce point. L’Université de l’Ontario français ne doit pas être belle sur le papier, il faut aussi qu’elle soit efficace et un minimum rentable.

Fédérer les programmes, un rêve inachevé

Et les doutes sont permis. Car si la présidente du Conseil de gouvernance Dyane Adam fixe à 2021 l’ouverture de l’université, il reste bien difficile de prévoir la structure du futur bâtiment.

Pour beaucoup dans les coulisses, ce projet s’avère extrêmement « broche à foin » du fait qu’il n’inclut pas les programmes déjà existants à l’Université d’Ottawa et à l’Université Laurentienne. Au moment du feu vert obtenu de la part du gouvernement provincial en 2017, les militants espéraient encore une « université fédérée ».

Le oui de Caroline Mulroney doit être aujourd’hui vu comme une chance à ce projet historique. Mais n’en déplaise aux partisans des « lunettes roses », il ne représente pas une victoire. La route est encore bien longue pour une université « par et pour » les francophones.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 2 juillet.