Université de Sudbury francophone : le gouvernement pose des conditions
SUDBURY – En exprimant sa volonté de devenir un campus 100 % francophone, la direction de l’Université de Sudbury a semé l’espoir chez de nombreux Franco-Ontariens. Mais ce fonctionnement indépendant ne pourra se faire sans certaines conditions, laisse entendre le bureau du ministère des Collèges et Universités
Dans le cas de l’Université de Sudbury, laquelle est fédérée à l’Université Laurentienne, des étapes doivent être franchies, exprime le bureau du ministre Ross Romano, dans un échange de courriels avec ONFR+.
« Le gouvernement de l’Ontario a une politique de longue date de ne pas fournir de financement de fonctionnement ou d’immobilisations aux établissements d’enseignement postsecondaire religieux, à quelques exceptions près », précise le courriel.
« Pour fonctionner indépendamment de l’université subventionnée par l’État et recevoir un financement du ministère, un fédéré ou un affilié devrait avoir une loi de la législature qui comprend le pouvoir de décerner des diplômes ou obtenir le consentement du ministre pour offrir des diplômes, être reconnu pour son financement par le ministère et abandonner ses liens avec l’Église et s’établir comme institution laïque. »
Lors de la conférence de presse ce vendredi, le recteur de l’Université de Sudbury, John Meehan, avait fait part de sa volonté de renoncer à l’aspect confessionnel de l’établissement.
Si l’université possède bien une loi lui permettant de décerner des diplômes, en revanche, elle n’a pas la possibilité de recevoir un financement direct du ministère.
Le bureau de M. Romano précise n’avoir reçu pour le moment aucune demande officielle de l’Université de Sudbury.
« Tout changement au nom d’une université ou à une autorité décernant un diplôme exigerait une demande officielle de l’université au ministère et doit être examiné en fonction des conseils d’experts de la Commission d’évaluation de la qualité de l’éducation postsecondaire pour s’assurer que l’intérêt des payeurs de taxes et des étudiants soit protégé. »
L’annonce de l’Université de Sudbury, synonyme de « petite bombe » pour l’Ontario français, intervient dans un contexte difficile pour l’Université Laurentienne. Confrontée à un déficit de plus de 10 millions de dollars, l’institution bilingue a commencé, début février, une procédure de restructuration sous supervision judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
Dans un échange de courriels, la ministre aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, évoque son envie de « collaborer avec le ministre Romano afin d’assurer un enseignement postsecondaire en français de qualité dans le Nord de l’Ontario qui répond aux besoins de la communauté ».
Prudence de l’opposition
Alors que l’Université Laurentienne n’a pas encore réagi, l’opposition politique à Queen’s Park se montre prudente.
À commencer par le porte-parole néo-démocrate aux Affaires francophones, Guy Bourgouin, qui parle néanmoins d’une « bonne nouvelle ».
« Il est peut-être trop tôt pour se prononcer, mais on a hâte de voir plus d’annonces. (…) On a besoin de ces universités en français, afin que la communauté de Nord ne soit pas obligée de se déplacer pour étudier dans sa langue. On espère juste maintenant que le gouvernement provincial ne mènera pas le même jeu politique qu’avec l’Université de l’Ontario français (UOF). »
Son homologue libérale Amanda Simard rappelle que le gouvernement provincial « doit toujours valider le projet », ajoutant que « les programmes francophones de l’Université Laurentienne doivent être rapatriés à l’Université de Sudbury ».
La députée de Glengarry-Prescott-Russell affirme qu’il est temps de développer en Ontario « un modèle de gestion de l’éducation postsecondaire par et pour les francophones ».
L’aide du gouvernement fédéral?
Toujours est-il que cette transition pour l’Université de Sudbury coûtera de l’argent. Et le gouvenrment fédéral pourrait être amené à payer la moitié de la note, comme il l’avait fait pour le financement de l’UOF.
Lors de la conférence de presse de vendredi, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, avait ouvet la voie à cette possibilité.
Interrogé par ONFR+ sur une éventuelle participation, le bureau de la ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, insiste que les établissements d’éducation postsecondaire représentant des communautés de langue officielle en contexte minoritaire « sont essentiels à la survie de nombres communautés partout au pays ».
« Tel qu’indiqué dans notre réforme de la Loi sur les langues officielles, nous allons continuer d’appuyer les institutions clés aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, car l’avenir de nos deux langues officielles passe par des communautés fortes et épanouies. Le gouvernement du Canada est prêt à travailler avec ses collègues des provinces et des territoires pour y arriver puisque l’éducation relève de leur juridiction. »
Article écrit avec la collaboration de Rudy Chabannes et Pascal Vachon