L’Université d’Ottawa obligera le bilinguisme de sa haute direction

L'Université d'Ottawa. Archives ONFR

OTTAWA – L’Université d’Ottawa (U d’O) a adopté une nouvelle refonte de son Règlement sur le bilinguisme où il deviendra obligatoire pour les membres de la haute direction d’être bilingue dès l’embauche.

Quelques nouveautés se retrouvent dans le document approuvé par les différentes instances administratives de l’université, dont le Bureau des gouverneurs. Parmi celles-ci, l’obligation dès l’embauche de l’anglais et du français « actif », donc une connaissance active des deux langues.

Par le passé, des exceptions étaient accordées à des candidats unilingues à condition d’atteindre « dans un délai qui lui sera fixé, le niveau de bilinguisme requis ». La politique oblige désormais la connaissance des deux langues officielles pour les postes de recteur, de vice-recteur, de secrétaire général, de vice-recteur associé (et équivalent) et de doyen, sauf en cas de remplacement provisoire ou dans l’exercice d’une fonction par intérim. Pour les professeurs à temps complet, il n’y a pas de changement notable.

Cette nouvelle annonce est en réponse à un rapport effectué il y a plus d’un an sur la place du français à l’Université d’Ottawa révélant une hausse de la francophobie ainsi que de « l’hostilité et de la discrimination » envers les francophones. Le manque de cours offerts en français, l’impossibilité de remettre des travaux en français et l’embauche d’unilingues anglophones à des postes bilingues étaient aussi ressortis lors de consultations réalisés auprès de 400 membres de la communauté.

Verushka Lieutenant-Duval. Crédit image: Simon Séguin-Bertrand, Archives Le Droit
Verushka Lieutenant-Duval. Crédit image : Simon Séguin-Bertrand, Archives Le Droit

L’Ud’O a été au cœur de tourmentes médiatiques dans les dernières années avec notamment le sujet de la liberté académique et toute l’histoire autour de la chargée de cours Verushka Lieutenant-Duval, où bon nombre de professeurs disaient avoir été le sujet de propos francophobes. Il y a aussi eu les nombreuses frasques du professeur Amir Attaran qui avait notamment écrit sur Twitter que le Québec était comme un « Alabama du Nord » dirigé par des suprémacistes blancs.

« J’ai l’impression qu’on avait une maison où la cuisine avait vieilli et où les salles de bains avaient besoin de beaucoup d’amour et où certains endroits étaient laissés en négligence et nous avons fait une rénovation complète », a imagé le recteur Jacques Frémont en réunion du Bureau des gouverneurs lundi.

Jacques Frémont, recteur de l'Université d'Ottawa.
Le recteur de l’Université d’Ottawa, Jacques Frémont. Archives ONFR+

Quelques modifications

Parmi les autres amendements, on note l’ajout du droit pour les employés d’utiliser l’anglais ou le français comme langue de travail et de supervision. C’est le bureau du Vice-Recteur International et Francophonie qui sera chargé de superviser l’application du nouveau Règlement sur le bilinguisme. Par le passé, c’était les vice-recteurs aux études et aux ressources et le Sénat, en partie, qui le faisaient.

L’Université exigera aussi que tout tiers ou personne externe qui offre des services à la population étudiante « possède la capacité de communiquer et de fournir des services dans les deux langues officielles à la communauté universitaire ».

Certaines modifications visent aussi l’administration centrale. Notamment, la prise de mesures positive pour favoriser une égalité réelle entre les deux langues officielles ainsi que « l’offre active des services dans les deux langues officielles plutôt que d’attendre que l’usager en fasse la demande ».

D’autres nouvelles mesures :

  • Reconnaître l’importance des savoirs scientifiques en français et dans les demandes de subventions internes
  • Prendre des mesures positives pour accroître la production et la diffusion des savoirs en français dans l’intérêt du bilinguisme.

De la résistance

Selon nos informations, il aura été plus difficile que prévu de faire adopter cette nouvelle politique. Il y aurait eu beaucoup de résistance au sein de certains membres de la communauté qui ne voulaient pas adhérer aux nouvelles mesures que désirait mettre en place le Vice-Recteur, International et Francophonie Sanni Yaya.

« Si en milieu universitaire, il n’y a pas de conversations vigoureuses, c’est que le milieu universitaire est mort alors je pense que c’est extrêmement valable les discussions qui ont eu lieu. Plusieurs sujets ont été l’objet de compromis, mais de compromis qui vont résolument de l’avant », avait affirmé la semaine dernière le recteur Frémont en entrevue.

Il s’agit de la seconde fois, depuis son instauration en 1974, que cette politique est modifiée. La dernière fois était en 2016 alors que l’institution avait désigné en vertu de la Loi sur les services en français, l’ensemble de ses facultés, excepté celles de science et de génie ainsi. Cette désignation affectait tous les services aux étudiants (alimentaires, bibliothèques) et les programmes de premier cycle, mais pas ceux de second et troisième cycle.

L’U d’O procède présentement à l’évaluation de certains de ses programmes désignés sous cette Loi pour savoir s’il était possible de faire un parcours entièrement en français. Des conclusions doivent être rendues publiques au début de 2023.