Université Laurentienne : l’angoisse monte

L'Université Laurentienne. Crédit image: Pascal Vachon
L'Université Laurentienne a connu plusieurs difficultés financières dans les dernières années. Crédit image: Pascal Vachon

[ANALYSE]

SUDBURY – Une réunion de crise tenue par le Sénat à huis clos dont rien ne filtre, des professeurs désespérés qui n’hésitent plus à parler publiquement de leur frustration, et même l’un d’entre eux offrant « son dernier cours » virtuel à plus de cent personnes, il y avait comme une ambiance de ras-le-bol cette semaine à l’Université Laurentienne.

Cette session d’hiver se termine de manière extrêmement douloureuse pour l’institution sudburoise bilingue confrontée à un déficit, tant le bout du tunnel est loin. La procédure de restructuration entamée en février, laquelle place l’université sous supervision judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), reste pour l’instant sans suite.

Sur le terrain, le pourrissement de la situation va de pair avec des signaux alarmants pour la communauté francophone.

Jeudi de la semaine dernière, La Laurentienne a annoncé mettre fin à son statut d’université fédérée. Le 1er mai, l’Université Thorneloe, l’Université Huntington, et l’Université de Sudbury seront laissées à leurs propres destins, sans les ressources financières de leur institution mère.

Du côté de l’Université de Sudbury, laquelle avait annoncé récemment son intention de devenir 100 % francophone, cette décision accélère dangereusement les étapes en la plongeant dans une autonomie forcée. D’une parce que l’université n’a pas encore déposé une demande au gouvernement pour le projet, et surtout parce que La Laurentienne refuse catégoriquement d’offrir ses programmes en français à l’Université de Sudbury.

Pour de nombreux professeurs et leaders franco-ontariens, cette possibilité de sortie de crise qu’offrait l’Université de Sudbury en remplissant un mandat « par et pour » dans le Nord s’amenuise.

Au-delà de la stratégie de mettre fin à la fédération, l’ampleur du désastre financier de La Laurentienne inquiète. D’après les derniers bruits de couloirs, on parlerait d’une dette de plus de 200 millions de dollars. De quoi alimenter davantage soit des coupes massives, ou bien la possibilité d’une faillite.

Une intervention gouvernementale?

Car ce marasme financier, doublé du silence de La Laurentienne, indique un plan de restructuration sévère. D’après les rumeurs, les premiers licenciements de professeurs seront annoncés ce lundi.

Reste la possibilité d’une intervention du gouvernement provincial, avec de l’argent mis sur la table après l’annonce du plan de restructuration. Le ministère des Collèges et des Universités pourrait aussi prendre la balle au bond en offrant un financement direct à l’Université de Sudbury.

Pour réaliser son souhait de devenir 100 % francophone, l’institution centenaire est sur le point de remplir deux des trois conditions : abandonner son statut confessionnel, et, du fait de la fin de la fédération à La Laurentienne, pouvoir décerner elles-mêmes ses propres diplômes. Pour obtenir le financement du gouvernement, elle devra cependant très vite déposer une demande au ministère laquelle sera alors évaluée par la Commission d’évaluation de la qualité de l’éducation postsecondaire.

Une triple valeur

Il n’est pas exagéré de dire que la situation derrière les murs de La Laurentienne est d’une envergure similaire à celles de l’Hôpital Montfort (1997) ou à la crise linguistique de l’automne 2018.

Critiquée pour son bilinguisme profondément dysfonctionnel, l’Université conserve tout de même une triple valeur : historique, en nourrissant depuis six décennies les espoirs et revendications des francophones, éducative ensuite, car avec plus d’un millier d’étudiants francophones, le campus forme chaque année des professionnels bilingues, et enfin symbolique en tant que point de départ du Théâtre du Nouvel-Ontario, du groupe CANO, ou encore la maison d’édition Prise de parole.

La suppression de postes y serait très dommageable. Quant à son éventuelle disparition : un gâchis pour les Franco-Ontariens.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 10 avril.