Jour des Franco-Ontariens à Queen's Park, en 2023. Photo
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2024, une année record pour l’immigration francophone en Ontario

Jour des Franco-Ontariens à Queen's Park, en 2023. Photo
En 2024, 9,58 % des nouveaux résidents permanents en Ontario étaient des francophones, soit près d’un sur dix. Photo : Jackson Ho / ONFR

L’Ontario a atteint un record de sa proportion d’immigrants francophones dans la province en 2024, doublant presque celle atteinte dans les deux dernières années, alors que près d’un nouvel arrivant ontarien sur dix parlait la langue de Molière.

C’est ce que révèle de récentes données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) concernant l’immigration francophone au pays. En 2024, 9,58 % des nouveaux résidents permanents en Ontario étaient des francophones, soit près d’un sur dix.

« C’est incroyable. Finalement, les 20 ans et plus d’efforts aboutissent enfin. Avant la pandémie, on n’arrivait pas à frôler même le 2 % », rappelle la chercheuse de l’Université d’Ottawa et spécialiste en immigration francophone, Luisa Veronis.

Ces données excluent les résidents temporaires comme les travailleurs saisonniers ou encore les étudiants internationaux. Il s’agit d’un record depuis 2015, soit les dernières données accessibles d’Immigration Canada, pour l’Ontario. L’an 2023 et 2022 suit comme la seconde et troisième année la plus faste en matière d’immigration francophone avec respectivement 5,76 % et 5,28 % dans la plus grosse province canadienne.

« Si le pourcentage d’immigrants francophones, toute catégorie, dépasse le poids démographique de la francophonie ontarienne, ça va venir (nous) affecter positivement et c’est certainement de bonnes nouvelles », réagit le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) Fabien Hébert.

Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario. Photo : ONFR/Lila Mouch

Poids démographique des Franco-Ontariens

L’AFO demande au fédéral et à la province d’augmenter le nombre d’immigrants francophones en Ontario, citant cette réclamation comme un moyen de lutter contre la chute du nombre de Franco-Ontariens au cours des dernières années. Selon le recensement de 2021 de Statistique Canada, les Franco-Ontariens représentaient 3,4 % de la population de l’Ontario.

Pour Luisa Veronis, ce bond en 2024 pourrait s’expliquer par le fait qu’un plus grand nombre de dossiers au ralenti, comme pour des travailleurs temporaires et des étudiants internationaux au pays, ont été débloqués. 

Elle souligne aussi que le programme Entrée Express, un système qui sélectionne des travailleurs qualifiés basés sur un système de pointage, accorde de plus en plus de points pour les candidats qui ont une bonne maîtrise du français. Selon IRCC, il s’agit d’année après année de la catégorie la plus représentée parmi les immigrants francophones hors Québec.

« Ils ont séparé les bassins et les francophones ne sont plus désavantagés », explique Luisa Veronis. 

« Avant, ils étaient perdus dans la masse. S’il y avait des anglophones qui avaient de meilleurs pointages, il prenait la crème de la crème », complète la titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes.

Luisa Veronis, professeure de l’Université d’Ottawa et spécialiste en immigration francophone. Photo : Gracieuseté

Parmi les autres provinces, on compte une hausse proportionnelle pour le Nouveau-Brunswick qui est passé de 26 % en 2023 à 30 % en 2024. À noter que près de 15 % n’ont pas précisé leur province ou territoire, un autre nombre plus élevé qu’en 2023 (6,25 %).

À l’échelle nationale, le fédéral a d’ailleurs atteint son objectif en immigration francophone cette année. Cela survient alors que le Canada a accueilli 483 390 immigrants permanents en 2024, un nombre amené à baisser dans les prochaines années entre 365 000 et 395 000, ce qui fait dire à la professeure de l’Université d’Ottawa que le Canada pourrait atteindre à nouveau sa cible francophone en 2025, qui sera de 8,5 %.

Mais cette dernière s’inquiète que ces chiffres pourraient cacher les difficultés autour de la crise du logement et la recherche d’emplois pour ces nouveaux résidents, rappelant que le Canada et l’Ontario perdent près du tiers de leurs immigrants francophones, selon un rapport du Conference Board du Canada.

L’atout économique ontarien

En matière de nombre pur, on parle d’un ajout de 19 706 nouveaux arrivants francophones en Ontario en 2024, la province ayant accueilli un peu moins de 206 000 immigrants, toutes langues confondues, dans la dernière année. 

À titre de comparaison, il s’agit d’un nombre similaire pour l’Ontario à ce que la francophonie canadienne, excluant le Québec, avait reçu en entier en 2023. Les provinces et territoires canadiens avaient alors accueilli 19 700 immigrants francophones. 

Il n’existe pas de données pour le moment à savoir le nombre précis d’immigrants dans les autres provinces, mais dans les dernières années, c’est près de la moitié de la population francophone immigrante hors du Québec qui avait fait le choix de l’Ontario.

« Au niveau communautaire, il y a beaucoup d’efforts et vu que l’Ontario a plus d’institutions francophones, plus de ressources et réseaux, ça l’aboutit à plus (d’immigrants) que des provinces où la francophonie est moins grande », estime Luisa Veronis.

Le président de l’AFO appelle d’ailleurs le gouvernement ontarien à mettre les bouchées doubles concernant la venue d’immigrants francophones, rappelant que la main-d’œuvre bilingue contribue à près de 80 milliards du PIB de l’Ontario, soit 12,1 % selon la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario.

« Si on augmente l’immigration francophone et rétablit notre poids démographique, ça va encore jouer un plus grand facteur », pense M. Hébert.

Luisa Veronis souligne que des villes comme Toronto, pour son attrait économique, et Ottawa, pour sa présence du français, jouent gros dans la balance pour de possibles futurs résidents permanents conversant dans la langue de Molière, qui visent la plus grosse province canadienne.

« L’Ontario est très avantagé par rapport aux autres provinces. Beaucoup d’immigrants s’intéressent au monde anglophone et donc l’Ontario est vraiment la plateforme idéale. Ils voient l’Ontario comme leur offrant le plus de possibilités », affirme la chercheuse.