Un mois plus tard, le débat autour du « plein de marde » se poursuit toujours au Parlement
OTTAWA — Près de six séances de comité, des dizaines d’heures et les libéraux et les oppositions qui s’accusent chacun mutuellement de faire de l’obstruction parlementaire, le Comité des langues officielles est toujours pris un mois après les événements dans la saga du « plein de marde » de Francis Drouin.
Le 9 mai, le Franco-Ontarien avait traité de « plein de marde » et d’« extrémistes » au Comité des langues officielles, deux chercheurs québécois qui exposaient des données de Statistique Canada portant sur le lien entre faire des études postsecondaires en anglais au Québec et l’anglicisation. Le représentant libéral de l’Est ontarien avait par la suite, après quelques jours de tergiversations, présenté ses excuses aux témoins.
Depuis ce temps, les élus débattent autour d’une motion appuyée par les trois partis de l’opposition qui réclament la démission de Francis Drouin de ses postes de président de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) et du comité. Le président du comité René Arseneault avait jugé irrecevable cette motion, mais les oppositions conservatrices, bloquistes et néo-démocrates avaient cassé sa décision.
« Ce que l’opposition demande, c’est comme si le Canadien de Montréal demandait aux Maple Leafs de Toronto : ‘C’est-tu correct si on met notre gars de quatrième ligne sur la glace?’ », a imagé Francis Drouin lors d’une séance du comité jeudi matin.
« C’est ça le principe de la motion, mais c’est pour ça qu’elle est irrecevable (…) C’est comme si l’arbitre ne pouvait pas faire sa job, la majorité a dit ‘non, on n’est pas d’accord, on a compté un but et ça va rester comme ça’ », a-t-il poursuivi.
Depuis quelques séances, les libéraux monopolisent le temps de parole en faisant de l’obstruction parlementaire évitant du même coup de se prononcer sur cette motion. Les libéraux se sont même transformés en professeurs d’histoire lors des réunions du comité racontant l’arrivée de Samuel de Champlain en Amérique du Nord, la grande déportation des Acadiens en 1755 ou encore en multipliant les anecdotes personnelles sur leurs liens avec la francophonie.
Mais le vote concernant Francis Drouin attend toujours. Le règlement de la Chambre des communes ne permet pas la fin du débat portant sur une motion tant qu’un membre veut se prononcer sur celle-ci, les libéraux s’assurant que l’un des leurs soit toujours disponible pour parler.
« C’est du gaspillage de temps », déplore le député conservateur Joël Godin qui estime qu’il y a un choc d’idée entre les libéraux et les oppositions qui « demandent à faire respecter l’institution ».
« On a de l’autre côté, le gouvernement qui fait du filibuster (obstruction) et qui demande de réduire le temps de gaspillage. Il y a une incohérence (…) Pourquoi ne procèdent-ils pas au vote? », demande le porte-parole en langues officielles conservateur.
« Je trouve ça déplorable, affirme le député du Bloc Québécois Mario Beaulieu. Il y a de l’obstruction systématique parce que les libéraux n’acceptent pas la décision de la majorité. Là, on perd beaucoup de temps en ce moment et ce n’est pas nous qui faisons perdre du temps, on attend pour voter », réclame-t-il.
Mais selon les libéraux, ce sont les autres formations politiques qui font de l’obstruction, car ils visent simplement à nuire aux projets de loi qui sont débattus au Parlement actuellement.
« C’est une motion de M. Blanchet (Yves-François Blanchet) et M. Poilievre (Pierre Poilievre), qui veulent retourner à la Chambre. Pourquoi? Pour ne pas voter sur les législations et qu’on perd du temps en Chambre. On ne retournera pas à la Chambre, on a des travaux importants à finir », tranche Marc Serré, le secrétaire parlementaire du ministre des Langues officielles.
Un vote de destitution de Francis Drouin à la tête de la présidence de l’APF avait été défait après que des députés du Parti libéral se soient ajoutés en masse dans les semaines précédant le vote.