Imad Belarbi ou le parcours inspirant d’un Algérois à Hearst
Imad Belarbi est bien installé dans la petite ville de Hearst. Photo : Gracieuseté d’Imad Belarbi
[SEMAINE NATIONALE DE L’IMMIGRATION FRANCOPHONE]
HEARST – Quelques années après son arrivée à Hearst, Imad Belarbi est déjà bien implanté dans la bourgade de 5 000 habitants. Installé comme étudiant peu avant la pandémie, celui qui se présente comme le doyen des Algériens de Hearst est désormais père de famille et employé dans une importante usine de la ville.
Imad Belarbi le savait depuis longtemps : il voulait quitter l’Algérie. Et la première solution qui s’offrait à lui était d’immigrer en tant qu’étudiant. Hésitant entre la Bulgarie et le Canada, celui-ci décidera finalement d’opter pour la seconde destination, jugeant que ses opportunités de revenus y seraient plus importantes.
Quant au lieu précis de son établissement, Imad Belarbi choisit l’Université de Hearst, séduit par ses frais de scolarité plus abordables et sa programmation en bloc de cours mettant l’accent sur la débrouillardise des étudiants.
Après avoir étudié deux ans en mathématiques et informatique dans son Algérie natale, celui-ci décide de recommencer à zéro avec un baccalauréat en gestion à Hearst.
« Ça me paraissait plus facile de m’adapter dans une petite ville et de connaître la culture locale que dans une grande ville où j’aurais plus de chance d’y rencontrer des gens de mon pays par exemple », ajoute-t-il.
Pandémie et solitude
Arrivé fin 2019, Imad Belarbi souhaitait préparer le terrain : trouver un logement, chercher du travail parallèlement à ses études, s’imprégner de la culture locale… Un choix qui s’est avéré plus que judicieux puisque, peu après la rentrée en janvier 2020, la pandémie paralysera les déplacements.
« À quelques mois près, j’aurais pu ne pas venir. Le destin fait bien les choses », lâche-t-il. Quelque temps après sa venue, celui-ci est submergé par un sentiment de solitude et peine à trouver du travail.
Il décide alors de se rendre temporairement à Montréal, tout en continuant de suivre les cours de Hearst en ligne.
« Ici, il n’y a pas beaucoup de monde, donc c’est compliqué pour moi qui vient de la capitale de l’Algérie et qui n’ai pas l’habitude des petites villes. »
Néanmoins, Imad Belarbi se réjouit d’avoir pu échapper à la pandémie : « J’ai évité Montréal pendant la pandémie et j’ai évité Hearst pendant la pandémie, donc j’ai vraiment été chanceux. »
Dernier bébé né à Hearst
En 2022, Imad Belarbi se rend en Algérie pour épouser sa compagne de longue date qui finira par le rejoindre peu de temps après avec un permis de travail ouvert.
La naissance de sa fille en mai 2023 n’a pas été sans défi, au moment où les services d’obstétrique connaissent une crise importante dans le Nord.
« Ma femme a accouché après 31 heures de travail et on nous a envoyés à Kapuskasing qui est à 100 kilomètres avant de nous renvoyer à Hearst », se rappelle le jeune papa.
Ironiquement, il s’agit du dernier bébé pris en charge par le départ à la retraite, en juin 2023, du Dr Richard Claveau, dernier médecin de famille et obstétricien de Hearst.
« Je dirais qu’on a eu de la chance, mais pas à 100% », estime M. Belarbi, qui juge que le système de santé est un gros aspect négatif de la vie à Hearst. Par ailleurs, le couple n’a, à ce jour, toujours pas trouvé de place en garderie pour leur fille.
Ajoutez à cela la difficulté de trouver un appartement en pleine pénurie de logements : « Après avoir eu ma fille, on vivait dans un petit appartement et on a mis sept-huit mois avant de mettre la main sur quelque chose de convenable. »
Être musulman à Hearst
Un autre enjeu de la vie en région pour les communautés racisées est le manque, parfois, de lieux de culte ou de produits exotiques.
Imad Belarbi regrette que Hearst ne compte toujours pas de mosquée malgré une augmentation constante de nouveaux arrivants musulmans ces dernières années, notamment à l’Université.
Toutefois, celui-ci a décidé de prendre les choses en main et tenter de faire évoluer les choses, à son échelle alors qu’il travaillait, avec son épouse, à l’épicerie locale.
« On demandait souvent s’il y avait des chances d’avoir de la viande halal et ils ont pris ça en compte à travers le temps. À tel point que c’est maintenant très souvent disponible dans les rayons. »
La philosophie d’Imad Belarbi reste, néanmoins, ancrée sur l’idée de respecter la culture du pays hôte : « Dès le départ, j’étais arrivé avec l’idée que je suis un étranger et que je resterai un étranger malgré tout. Ce n’était pas aux autres de s’adapter à ma culture ou à ma façon de penser. »
Un sacrifice personnel
Son intégration, il la doit aussi à son emploi à temps plein obtenu à la fin de ses études dans une usine de contreplaqué notable de la ville, Columbia Forest Production, où il côtoie principalement des personnes originaires de Hearst.
Son travail, c’est aussi la raison pour laquelle il a choisi de demeurer à Hearst, malgré l’isolement : « C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’activités ici, tout le monde s’ennuie, à part les gens d’ici qui ont leur propre intérêt dans cette ville, mais personnellement, je m’accroche à mon objectif de faire une grande carrière ici. »
Et d’ajouter : « C’est un sacrifice par lequel je suis obligé de passer, mais je sais que ça finira par s’arranger. »
Très vite, Imad Belarbi a pu goûter à la joie de l’ascension professionnelle en accédant au rôle de superviseur et a récemment fait une demande pour obtenir la résidence permanente via le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord.
« J’ai aussi l’opportunité de viser plus haut et je ne veux pas m’éloigner de Hearst pour l’instant », finit-il.
Chaque jour de la Semaine nationale de l’immigration francophone, ONFR vous fait découvrir un portrait d’immigrant francophone en Ontario, son parcours, ses défis, ses succès.