À la veille de la grève générale, des parents motivés… avec quelques nuances
Les pancartes des enseignants sont prêtes à la veille du grand débrayage générale. Dans l’ensemble, les parents francophones interrogés par ONFR+ semblent solidaires avec les membres de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO). Reste que la diminution des activités scolaires, puis maintenant des cours, suscitent des craintes.
Josée Chalifoux est une mère de quatre enfants en colère. Les quatre seront directement concernés par la grève de demain. Deux sont scolarisés à l’École secondaire publique Gisèle-Lalonde à Orléans, les deux autres à l’École élémentaire publique Carrefour Jeunesse de Rockland.
Mains gantées et agitées, mais voix ferme, cette mère de famille soutient les enseignants… mais les fermetures d’écoles ont un prix à payer.
« Les congés sont à répétition hebdomadaire et les enfants sont privés d’une journée scolaire par semaine. Je suis choyée parce que j’ai des ados à la maison qui peuvent s’occuper des petits, donc je n’ai pas besoin de prendre un jour de congé, moi, comme professionnelle, mais ce n’est pas le cas de tous mes collègues de travail. »
Le manque de cours commencerait à inquiéter ses enfants.
« Ils sont préoccupés par la quantité de matières qu’ils auront manquées. Dans la première phase de la grève, l’inquiétude était pour les activités parascolaires dans lesquelles ils étaient inscrits. Mon fils en 5e année, dans l’équipe de basket, a vu la flambée de la grève. Mon autre fils en 10e année, fait partie de L’Harmonie, un cours musical dont la pratique se donne tôt le matin. Ces heures ont été coupées. Il y a une préoccupation pour le concert. (…) Les enfants ne comprennent pas tout, c’est important de les rassurer avec les éléments que l’on a. »
Malgré les doutes, pas question pour Mme Chalifoux de lâcher les enseignants. Surtout sur le dossier de la taille des salles de classe, un point qui achoppe dans les négociations entre les syndicats et un gouvernement désireux d’augmenter le nombre d’élèves par enseignant.
« À 30-35 élèves, on a beau être le meilleur prof au monde, on ne peut pas atteindre un bon climat dans les salles de classe! »
Bonnet bleu vissé sur la tête, André Hamel s’exprime avec calme. Son fils en 12e année à l’école Gisèle-Lalonde subit de plein fouet les effets de la grève.
« Les activités de ski ont été annulées, mais je demeure solidaire avec les enseignants. Il est temps que le gouvernement prenne les bonnes décisions et arrête d’improviser! »
Et de poursuivre : « On ne peut pas couper dans les élèves avec des besoins spéciaux. Il faut garder les montants prévus pour l’aide en difficulté. Je ne crois pas que le gouvernement ait pleinement conscience de ce qui se passe dans les écoles. »
Taille des salles de classe, besoins spécifiques aux élèves, apprentissage numérique, mais aussi l’augmentation du salaire des enseignants, autant de points sur lesquels butent toujours les négociations entre le gouvernement et les syndicats.
Quelques critiques
Si les témoignages des personnes contactés par ONFR+ sont favorables à la grève générale, d’autres sont plus nuancées, à défaut d’être opposées.
« Je n’ai aucune hostilité vis-à-vis de la grève, puisque j’ai deux enfants niveau maternelle et 1ère année », laisse entendre Caroline Goyette Levert sur Facebook. « Je trouve ça désolant que les professionnels doivent en venir à ça pour que le gouvernement comprenne l’urgence d’agir! Bien sûr que c’est difficile sur le plan parental, présentement, car on se regarde le matin en se disant : qui reste à la maison le jour de la grève? Sera-t-elle réglée bientôt? »
Sur le même média social, Michèle A. Verdon s’interroge : « La question que l’on oublie est : sommes-nous tous d’accord pour une augmentation substantielle de l’impôt sur le revenu? »
Mélissa Villella, doctorante en éducation à l’Université d’Ottawa, met en cause le rôle de l’AEFO.
« Si l’AEFO était vraiment un syndicat par et pour les francophones, on se préoccuperait plus du fait que les profs francos enseignent des cours d’anglais pour lesquels ils ne sont pas qualifiés selon la Loi sur l’éducation et pour lesquels ils ne sont plus souvent pas formés et n’ont pas de ressources ni d’accès à des ressources adéquates dans les conseils ou au ministère pour cette matière. Le syndicat aurait un discours qui inclurait que les coupures du côté franco sont également une atteinte à la pérennité des francophones minoritaires de la province, pas juste la rhétorique des Anglais, leurs colonisateurs. Le syndicat s’occuperait également du fait que la pénurie en éducation en français est plus ou moins le résultat de racisme systémique : 37 % des profs noirs issus de l’immigration sont en chômage et les conseils embauchent des profs blancs non qualifiés via népotisme. »
Lecce maintient le cap
Dans un communiqué de presse envoyé jeudi soir en prévision de la grève générale de vendredi, le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, a de nouveau marqué son impatience.
« Vos enfants devraient être en classe; ils ne devraient pas être les victimes des moyens de pression accrus qu’utilisent les syndicats. L’objectif principal des dirigeants syndicaux devrait être de négocier une entente qui veille à garder les élèves en classe. Notre gouvernement est fermement déterminé à offrir de la stabilité aux élèves qui, durant leur parcours scolaire, sont trop souvent touchés par les moyens de pression exercés par les syndicats d’enseignants. »
Et d’ajouter : « Les parents ont perdu patience et ne veulent plus subir les perturbations causées par les syndicats, les interruptions dans l’éducation de leurs enfants et l’impact financier pour trouver des services de garde alternatifs. C’est pourquoi nous continuerons d’appuyer les parents par l’entremise du Programme de soutien aux parents qui met de l’argent directement dans les poches des parents qui travaillent. »
Article écrit en collaboration avec Camille Martel et Laura François-Eugène