Bâtir 1,5 million de logements en dix ans en Ontario : un rapport montre la voie

Des logements en cours de construction à Toronto.
Des logements en cours de construction à Toronto. Archives ONFR+

TORONTO – Dans un rapport rendu public ce mardi, un groupe d’experts émet 55 recommandations pour accroître rapidement l’offre de logements, dans un marché en crise qui a vu les prix de l’immobilier quasiment tripler. Ils demandent au gouvernement de se fixer un cap de 1,5 million de constructions et de revoir de fond en comble ses directives sur l’aménagement pour en faire une priorité.

« Nous sommes en pleine crise du logement : cela exige des réformes immédiates et radicales », plaide Jake Lawrence, président du groupe d’étude sur le logement abordable.

Dans un document étayé, son groupe s’attaque frontalement à plusieurs points de blocage majeurs comme les politiques d’aménagement et le zonage, les règles d’exclusion et les abus de procédures d’appel. Pour permettre une densité et une diversité accrues de logement, il est vital de réviser ces politiques en place, selon eux.

Les bâtiments commerciaux et industriels sous-utilisés ou superflus pourraient être par exemple réaménagés en logements et les nouvelles habitations sur des terrains non aménagés devraient être de densité plus élevée que dans les banlieues traditionnelles.

Réduire les formalités, simplifier les règles

Pour y arriver, ils recommandent de réduire les formalités et d’harmoniser les règles d’urbanisme (dont certaines seraient arbitraires et coûteuses) et d’élaborer des normes provinciales uniformes en matière d’aménagement urbain, en supprimant des règles liées aux ombres et retraits des bâtiments, à la préservation du charme physique du quartier, ou encore à la couleur, la texture, le type de matériau utilisé…

« Le Royaume-Uni et les États-Unis approuvent les projets trois fois plus rapidement sans compromettre la qualité ou la sécurité. Ils font également économiser de l’argent aux acheteurs de propriété et aux locataires, ce qui rend le logement plus abordable », notent les experts.

Chiffres clés de la crise du logement. Source : rapport du groupe d’étude sur le logement abordable

Le rapport pointe du doigt le syndrome du « pas dans ma cour » qui consiste pour les élus locaux à rejeter un projet pour des raisons électoralistes. Ils croient qu’il faut au contraire dépolitiser le processus d’approbation et réduire les formalités administratives pour accélérer la construction résidentielle.

Récompenser les villes qui jouent le jeu

Les rapporteurs sont également en faveur d’un système de récompense/sanction à l’égard des villes, suivant leur degré d’implication et de volontarisme. « Les municipalités qui font les choix difficiles, mais nécessaires pour accroître l’offre de logements devraient être récompensées, tandis que celles qui s’opposent à la construction de nouveaux logements devraient subir des réductions de financement ».

Si elles sont mises en œuvre, d’autres recommandations conduiraient à accélérer et moderniser la construction de logement, comme la numérisation du processus d’approbation et d’aménagement, une réforme le Code du bâtiment de l’Ontario, l’amélioration de la qualité des données pour éclairer la prise de décision.

  • AUTRES RECOMMANDATIONS :
  • Permettre la construction « de droit » de logements multilocataire
  • Imposer des limites aux municipalités quant aux réunions publiques
  • Rétablir le droit des promoteurs d’interjeter appel des plans officiels
  • Financer la création de modérateurs pouvant de résoudre les conflits
  • Autoriser la construction en bois pour des immeubles d’au plus 12 étages
  • Supprimer les droits d’appel pour les projets ayant 30 % de logement abordable
  • Financer l’accession à la propriété pour les personnes noires et autochtones
  • Harmoniser l’impôt foncier pour les logements locatif avec celui des condominiums

« Ce qui nous a frappés, c’est que tout le monde avec qui nous avons parlé — les constructeurs, les défenseurs du droit au logement, les élus, les planificateurs — comprend la nécessité d’agir maintenant. Une telle unité pour un objectif commun est rare, mais puissante », jugent les rapporteurs.

La balle est maintenant dans le camp du gouvernement et des villes. Steve Clark, le ministre des Affaires municipales et du Logement, a d’ores et déjà annoncé « des politiques pratiques et avant-gardistes qui déverrouilleront et accélèreront la création de domiciles pour les Ontariens ».

L’opposition veut taxer les spéculateurs

Pour le Nouveau Parti démocratique, la situation actuelle est l’héritage de près de 20 ans de politique libérale et conservatrice.

« Pendant plus de trois ans, Ford a vidé les protections des locataires, accordé des faveurs à ses copains promoteurs et permis aux spéculateurs de faire grimper les prix », a dénoncé a porte-parole du NPD en Ontario pour le logement, Jessica Bell. « Les libéraux de Del Duca ont eu 15 ans pour rendre le logement abordable mais a choisi de ne pas le faire. »

Son parti réclame, entre autres, une taxe sur la spéculation et l’inoccupation pour ceux qui ne paient pas d’impôts en Ontario, et l’interdiction pour les propriétaires d’augmenter le loyer entre les locataires.

Cet article a été modifié mardi 8 février, à 13h15.