Benjamin Cohen : s’affranchir des frontières dans le commerce international
[LA RENCONTRE D’ONFR]
TORONTO – Cofondateur de WebInterpret et de Glopal, deux leaders internationaux de solutions innovantes de e-commerce opérant dans le monde entier, ce chef d’entreprise chevronné et navigateur passionné hisse la grand-voile sur l’eau comme sur le web, en abolissant les frontières géographiques du e-commerce. De Paris et Varsovie à Toronto, découverte du parcours d’un entrepreneur qui a le vent en poupe.
« Vous avez grandi à Paris. Quelles passions vous habitaient plus jeune?
Même si j’ai en effet principalement grandi à Paris, ma mère étant bretonne, aller en Bretagne régulièrement a très tôt développé en moi la passion de la mer et l’envie de naviguer. À l’âge de 14 ans j’ai pu aller faire un cursus sports étude voile à la Baule, ce qui m’a permis de faire mon lycée tout en naviguant.
Par la suite durant mon IUT (Institut universitaire de technologie), à Nantes, mon statut de sportif de haut niveau me permettait de me dégager du temps pour naviguer. Autour des années 2000, s’est alors posée la question de passer en professionnel ou d’arrêter le bateau. Cette période de doutes m’a décidé à prendre une année sabbatique. J’ai travaillé sur des bateaux de course en tant que pro puis je suis parti en Nouvelle-Zélande pour perfectionner mon anglais.
Le lac Ontario vous permet-il tout de même de rester proche de votre élément de prédilection?
Je suis un touche-à-tout en ce qui concerne les sports aquatiques : je fais du kitesurf, du wing foil, du surf, de la voile, et ici même à Toronto, j’ai deux bateaux. Je fais partie d’un club nautique et j’ai donc la chance de tirer parti du potentiel du lac Ontario et de pouvoir m’échapper sur ses îles régulièrement.
Avez-vous toujours baigné dans le milieu de la Tech ou avez-vous travaillé dans différents secteurs auparavant?
J’ai toujours été proche de la techno, sans avoir pour autant moi-même un rôle technique même, étant plutôt dans la gestion des opérations en tant que chef d’entreprise, les relations clients et la finance.
En 2001, j’ai fait une école d’ingénieur à Paris pendant trois ans avec une expérience d’apprentissage en entreprise dans l’automobile avant de faire, en 2005, un troisième cycle à l’EM Lyon (école supérieure de commerce) dans l’entrepreneuriat. La fibre business m’habitait déjà et j’avais déjà en tête de créer ma propre compagnie. Et c’est là que j’ai rencontré Patrick Smarzynski, mon associé actuel, avec qui j’ai eu plus tard l’occasion de travailler sur une première mission en commun pour le groupe Valeo.
Vous avez cofondé WebInterpret et plus tard Glopal. Parlez-nous de la genèse des projets…
Patrick avait créé une SSII (Société de services et d’ingénierie en informatique) entre la France et la Pologne, ses parents étant polonais. On avait aimé travailler ensemble et on a eu l’opportunité de créer une société en 2007, qui s’est appelée WebInterpret.
De Paris, on s’est installé dans le sud de la France pour travailler dans un incubateur duquel nous avons eu l’idée de proposer une solution de conférence call multilingue qui a bien marché. Forts de cette expérience, nous nous sommes ensuite intéressés au e-commerce et avons concrétisé une solution de vente à l’international sur les places de marché comme eBay, qui a aussi bien fonctionné. A ce stade, l’entreprise, bien implantée en Europe, comptait déjà plus de 200 personnes avec un grand centre opérationnel en Pologne, un bureau en Chine et en Amérique du Nord.
Qu’avez-vous fait à la suite de ça?
Nous avons ensuite appliqué ce même concept de faire du commerce international sur les marketplaces aux sites internet cette fois. Nous avons donc développé une nouvelle solution, que l’on a lancée avec la société PayPal en premier lieu. Ayant à ce stade deux produits en un seul groupe, il était temps de le scinder en deux sociétés, ce qu’on a fait en 2020. Développer Glopal a été un travail à plein temps et nous avons pu faire une levée de fonds de 4 millions de dollars puis de 20 millions dans la foulée, donc la société grossit très bien.
Quelle est la principale différence entre les deux sociétés?
WebInterpret est maintenant très spécialisé sur les places de marché ou marketplaces, comme Amazon et eBay, et aide des petits marchands à se développer, quelque 30 000 clients qui achètent des services automatisés pour augmenter leur présence en ligne à l’international.
Glopal, qui compte 200 à 300 clients, fournit des services pour les sites internet de marques principalement. Parmi nos clients, on travaille par exemple avec Balmain, les marques du groupe LVMH, Dior ou encore Loewe, des retailers aussi comme Printemps.
En quoi la solution e-commerce Glopal est-elle innovante?
Elle offre un service un peu plus large axé sur trois éléments principaux : une solution marketing qui permet de répliquer les flux marketing à l’international, une solution qui permet de traduire les sites, solution pour mieux convertir les ventes avec la bonne localisation, la devise monétaire, toute la partie paiement également avec l’application des taxes et des bons moyens de livraison et enfin une solution backoffice qui aide les entreprises à expédier avec les bons documents de douane et aide les acheteurs à retourner leurs produits avec les bons schémas et bons documents de douane.
Il s’agit de s’affranchir des frontières, transformer un site e-commerce standard en un site disponible dans le monde entier, conforme à chaque pays et à chaque acheteur.
Qu’est-ce qui vous a amené à choisir de vous implanter à Toronto?
Nous avions initialement un bureau à Sacramento, proche de San Francisco. J’habitais à l’époque à Varsovie, une expérience de cinq ans, et le voyage était assez long et le décalage horaire, pas idéal non plus. Pour développer notre marché Amérique du Nord, la côte est semblait plus intéressante pour nous. Nos deux critères étaient alors de choisir une ville compétitive, bien connectée et avec accès à un bon bassin de talents. Toronto s’est imposé avec un avantage culturel non négligeable, celui d’être à mi-chemin entre la culture européenne et américaine.
Combien d’employés les groupes comptent-ils et où les bureaux sont-ils principalement localisés?
Les bureaux de WebInterpret, qui compte 150 personnes, sont principalement situés à Toronto, à Varsovie, à Barcelone et à Shenzhen en Chine. Les 90 employés de Glopal sont entre Paris, Varsovie, Toronto ou encore en Serbie et aux États-Unis. Je suis donc amené à circuler beaucoup entre ces différentes zones.
Y a-t-il certains pays avec lesquels vous travaillez le plus?
Nos clients sont principalement en Europe, Amérique du Nord, Angleterre, et nos solutions les aident à expédier dans le monde entier. On travaille également avec des marques basées en Asie, Japon, Corée, Asie du Sud-est, Thaïlande.
Avec Glopal, on considère qu’on est en début d’aventure, l’idée est de continuer à se développer encore plus en Europe et Angleterre et Amérique du Nord et on verra où ça nous mène.
Vous êtes également impliqué dans French Tech de Toronto…
Oui, en effet, j’en suis le trésorier et un des membres fondateurs. La French Tech c’est l’idée de créer une communauté de gens français et francophones passionnés de Tech à Toronto. On organise de beaux évènements annuels sur des sujets autour de la Tech qui rassemblent en moyenne 600 personnes. Nous fêtons d’ailleurs mardi prochain les 10 ans de la French Tech en haut de la Tour CN. L’année dernière, nous avons lancé le réseau franco-canadien ABEONA, pour mettre des actions concrètes en place et améliorer la parité dans le monde de la Tech, qui n’est pas toujours parfaite, partager les bonnes pratiques et aider les femmes dans leur parcours. »
LES DATES-CLÉS DE BENJAMIN COHEN :
1980 : Naissance à Paris, le 18 novembre
1995 : Départ pour La Baule, en Loire-Atlantique, pour un cursus secondaire en sport études voile
2000 : Année de césure pour naviguer sur des bateaux de course en professionnel et départ pour une année en Nouvelle-Zélande
2007 : Création de WebInterpret avec son associé Patrick Smarzynski
2019/2020 : Création de sa seconde société, Glopal, et arrivée au Canada
Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.