Budget 2022 : Ottawa veut construire 3,5 millions de logements en dix ans

Des logements en cours de construction à Toronto.
Des logements en cours de construction à Toronto. Archives ONFR+

OTTAWA – Dans son budget de 2022, le gouvernement Trudeau veut s’attaquer à la crise du logement en doublant la construction de logement d’ici 2031 avec un nouvel investissement de 10 milliards de dollars. Pour les francophones et les langues officielles, Ottawa ne fait aucun nouvel investissement.

Pour régler la crise de logement au pays, Ottawa mise sur la construction massive d’habitations. Le gouvernement estime que 3,5 millions d’unités seront nécessaires d’ici 2031 pour faire face au marché actuel et aux futures tendances démographiques. En prenant en compte l’actuelle stratégie de logement et les nouvelles mesures, le fédéral prévoit débourser 72,8 milliards de dollars d’ici 2027.

Le gouvernement estime que la meilleure façon de réduire la surchauffe dans le marché est d’accroître l’offre de propriétés aux acheteurs.

« 90 % des investissements qu’on fait ont pour but d’augmenter l’offre de logements. On reconnait que le principal défi concernant le logement au Canada est en raison d’un manque d’offres. On reconnait aussi que le gouvernement fédéral ne possède pas tous les outils concernant le manque de logements donc on essaye d’être créatif », a dit la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland.

La ministre des Finances Chrystia Freeland. Crédit image : CC BY-NC-ND 2.0 / John Lehmann/Fortune

Le fédéral créera un nouveau fonds de 4 milliards de dollars sur cinq ans qui aura pour but d’accélérer la construction d’habitations.

Ce nouveau programme prendra en compte les petites municipalités rurales comme dans le Nord de l’Ontario, précise-t-on. Pour ce faire, un mécanisme sera créé pour donner des compensations financières pour la construction de logements abordables à de petites municipalités. Cette mesure a notamment pour but de permettre à ces petites villes de passer au-dessus de certaines de leurs réglementations.

Parmi les autres mesures dans le logement :

  • Instauration d’un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété avec une épargne possible jusqu’à 40 000 $.
  • Crédit d’impôt doublé pour l’achat d’une première maison à 10 000 $
  • Permettre aux acheteurs de voir les autres offres et l’assurance d’avoir droit à une inspection
  • Les résidents (ou entreprises) étranger(e)s ne pourront pas acheter de maison dans les deux prochaines années
  • Restrictions et taxation financières sur la revente de logements après un achat dans les 12 derniers mois

Rien pour les francophones

Le budget propose d’allouer un financement de 408,3 millions pour les langues officielles. Cet argent n’est toutefois pas nouveau, car cette somme s’additionne aux 16 $ millions présentés lors de la mise à jour économique de 2021 et le 392 millions annoncés lors du budget de 2021.

Ce financement est réservé aux communautés francophones du pays et pour la réforme de la Loi sur les langues officielles « en vue d’atteindre une égalité réelle entre les langues officielles du Canada et qui inclut des bonifications vouées à répondre aux défis des communautés de langue officielle en situation minoritaire ».

La promesse des libéraux en campagne électorale de doubler le financement des institutions postsecondaires en milieu minoritaire et de le rendre permanent ne s’y trouve pas. Ils avaient promis de faire passer le financement de 40 à 80 millions de dollars.

« C’est le premier de quatre budgets. Vous n’allez pas voir toutes nos ambitions dans notre premier budget. On construit le premier de quatre chapitres. On va faire plus d’annonces dans les trois prochains budgets », a affirmé la ministre Freeland.

Pour l’opposition officielle, l’absence de cette promesse et de nouveautés dans le budget démontre un manque de conviction et de sérieux pour la francophonie.

« Ça démontre encore une fois que ce gouvernement n’a pas d’intérêt, d’appétit et de respect pour la francophonie. Il n’a pas rien prévu pour arrêter le déclin du français. Si on avait vraiment eu l’intention, on aurait eu des outils et des actions », critique le porte-parole en Langues officielles Joël Godin.

Pour l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), qui représente 22 établissements francophones au pays, c’est une déception, mais admet qu’il reste encore du temps.

« On avait une attente que ça se retrouve là (dans le budget) parce que ça se retrouvait aussi dans la plateforme des libéraux en campagne. On pensait que les fonds bonifiés auraient été disponibles dès 2022-2023. On est déçu de ne pas le voir là, mais on va faire les suivis nécessaires (…) On a un peu de marge de manoeuvre avec le prochain Plan d’action », soutient la présidente de l’ACUFC Lynn Brouillette.

Avant cette promesse électorale, le gouvernement Trudeau avait promis 121 millions de dollars sur trois ans à partir de 2021-2022. Mais un flou persiste à savoir à partir de quelle année l’argent rentre en compte, car Ottawa n’a pas réussi à envoyer le financement avant la fin de l’année fiscale.

En visite à Sudbury lors de la campagne électorale, le premier ministre Justin Trudeau et l’ancienne ministre des Langues officielles Mélanie Joly avaient promis ce 80 millions de dollars. Archives ONFR+.

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) s’est dite « étonnée que ce budget ne fasse aucune mention de la francophonie », notamment le fonds destiné aux établissements universitaires. L’organisme attend des retombées pour le dossier du postsecondaire dans le Nord de l’Ontario.

« La situation dans le nord de l’Ontario est une urgence pour la jeunesse franco-ontarienne. Dans la prochaine année, nous serons donc très attentifs à ce fonds et également au Plan d’action pour les langues officielles », a déclaré Carol Jolin, le président de l’AFO.

Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario. Source : Twitter

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) dit « souhaiter que cette augmentation se concrétise incessamment », mais s’est dite peu surprise du manque d’annonces pour les francophones.

« Les consultations pour le prochain Plan d’action pour les langues officielles s’amorcent dans les mois qui viennent, et ce plan sera capital pour nos communautés. Au sortir de la pandémie, dans une situation de pénurie de main-d’œuvre sans précédent, il faudra que le budget 2023 prévoie véritablement un plan de relance pour la francophonie », soutient Liane Roy, présidente de la FCFA.

Dette et budget fédéral

La dette du fédéral est prévue à 52,8 milliards de dollars cette année, une chute par rapport au 58,4 milliards prévu dans la dernière mise à jour économique de 2021. Le déficit de 2021 était de 144,5 milliards, alors fortement gonflé par les mesures d’aide reliées à la COVID-19, principalement disparu dans ce budget. Ottawa n’envisage pas de faire un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2026-2027, mais la dette devrait fondre à 8 milliards de dollars.

Améliorer le système d’immigration

Ce budget annonce aussi modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Cette modification donnera plus de pouvoirs au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Sean Fraser dans le cadre du programme d’Entrée express.

Cette modification législative pourra « aider à sélectionner les candidats qui répondent le mieux aux besoins du marché du travail canadien parmi le bassin croissant de candidats qui souhaitent devenir résidents permanents dans le cadre du système Entré express ». Sean Fraser avait affirmé mercredi que d’ajouter plus de flexibilité à ce programme d’immigration permettrait d’atteindre la cible de 4,4 % en immigration francophone hors Québec.

Le budget prévoit aussi 2,1 milliards de dollars sur cinq ans pour accélérer le traitement de demandes de nouveaux permanents et 187,3 millions de dollars sur la même période pour accélérer le traitement de renseignements

Soins dentaires

L’exercice financier de Chrystia Freeland planifie 5,3 milliards de dollars dans les cinq prochaines années pour offrir des soins dentaires avec une mise en œuvre complète du régime dès 2025.

Inflation

Les libéraux investissent 603,2 millions de dollars pour solidifier les chaines d’approvisionnement du pays.

Défense nationale et Ukraine

En réaction à la guerre en Ukraine, le Canada bonifie sa défense nationale avec un financement de 8 milliards de dollars dès cette année sur cinq ans, notamment dans les Forces armées canadiennes.

COVID-19

« La crise économique de la COVID-19 est passée », a dit la vice-première ministre Freeland. Elle assure qu’en raison de « l’approche fiscale responsable », le Canada est prêt concernant les incertitudes reliées au virus ainsi que la guerre en Ukraine. Aucune dépense de grande nature ne se retrouve dans cet exercice financière au cas où le pays ferait face à une sixième vague.

Ce texte à été mis à jour à 19h40