La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland. Crédit image: Stéphane Bédard
La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland. Crédit image: Stéphane Bédard.

OTTAWA – Les organismes œuvrant dans le milieu culturel ont généralement bien réagi aux mesures annoncées dans le budget 2024, dévoilé mardi par la ministre des Finances, Chrystia Freeland. Ils dénotent par contre une certaine incertitude face à la part de gâteau que pourront obtenir les communautés de langues officielles en situation minoritaire (CLOSM) et pointent du doigt la courte durée de certaines mesures.   

Le budget 2024 prévoit de nouveaux investissements au sein de Patrimoine canadien, dont 31 millions de dollars sur deux ans au Fonds du Canada pour la présentation des arts (FCPA). Selon le texte du budget, ce fonds appuie chaque année « environ 680 festivals artistiques professionnels et séries d’arts de la scène dans plus de 270 villes du pays ».

Questionnée par ONFR, la directrice générale du Centre francophone Hamilton (CFH), Julie Jardel, salue la campagne Avenir du spectacle, menée par 34 associations pour les arts vivants. Depuis 2022, la campagne milite entre autres pour rendre permanents certains investissements dans le FCPA qui allaient prendre fin cette année. Les organismes demandaient également un financement supplémentaire de 21 millions de dollars par année. Ce sont plutôt 31 millions de dollars sur deux ans qui ont été accordés au FCPA. 

« Je ne saurais pas dire si cette augmentation sera suffisante pour nous permettre d’augmenter l’ampleur ou le nombre de nos projets », affirme Mme Jardel, dont l’organisme est l’un des rares à offrir à la fois une saison artistique régulière et un festival d’envergure en français. « Le gouvernement n’a pas précisé quelle part irait aux francophones et n’a pas pérennisé l’augmentation au-delà de deux ans comme demandé par le réseau artistique », précise-t-elle.

La FrancoFEST Hamilton est un festival francophone gratuit qui se tient au parc Gage d’Hamilton. L’édition 2024 aura lieu du 21 au 23 juin. Crédit image : Rachel Crustin

Le son de cloche est semblable du côté de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF). Par voie de communiqué, l’organisme « salue la bonification de l’enveloppe » du FCPA, mais indique du même souffle qu’il « espérait toutefois une bonification permanente et plus importante de ce programme ». L’absence de mention de la francophonie canadienne et acadienne inquiète l’organisme porte-parole du milieu culturel des CLOSM.

Questionnée en mêlée de presse au sujet de la place de la culture francophone dans le budget, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a répondu en parlant du Québec. « Dans tous les programmes qu’on met en place du côté des arts et de la culture, la question de la francophonie, la question de la culture du Québec, est toujours très présente et évidemment, tous les programmes soutiennent notamment la communauté culturelle au Québec. »

Pascale St-Onge
La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge. Son ministère gère différents fonds qui recevront du financement pour bénéficier au milieu culturel. Crédit image : Stéphane Bédard

La FCCF salue différents investissements présents dans le budget 2024 qui bénéficieront à la francophonie canadienne, mais estime que « les ressources allouées ne suffisent pas à l’ensemble des besoins. La précarité des emplois, la pénurie de main-d’œuvre et l’augmentation du coût de la vie continuent de fragiliser le milieu des arts et de la culture ».

Soutien aux autres branches culturelles

En plus des arts de la scène, le budget 2024 mentionne un financement de 32 millions de dollars sur deux ans pour le Fonds de la musique du Canada, déjà annoncé le 24 mars dernier. Le 31 janvier, le gouvernement fédéral avait aussi annoncé 100 millions de dollars sur deux ans à Téléfilm Canada.

À cela s’ajoutent cette semaine 20 millions de dollars annuellement pour les deux prochaines années pour le Fonds des médias du Canada (FMC), un investissement salué par l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC), qui reste aussi prudente. « Bien que ce financement contribuera au dynamisme de l’industrie audiovisuelle, l’APFC attend toujours la pérennisation des sommes supplémentaires accordées à Téléfilm Canada et la réalisation de la promesse de doubler le budget du FMC », peut-on lire dans un communiqué tout de même très enthousiaste.

De son côté, le Fonds du livre du Canada (FLC), toujours chapeauté par Patrimoine canadien, recevra 10 millions de dollars sur trois ans. Un regroupement d’associations représentant l’industrie canadienne de l’édition et des auteurs professionnels demandait plutôt d’augmenter de 50 % le budget du FLC, une promesse à ce jour non tenue des libéraux lors de la campagne électorale de 2021.

L’industrie attend également impatiemment une modernisation de la Loi sur les droits d’auteurs. Ces deux éléments sont d’ailleurs rappelés au gouvernement par le Regroupement des éditeurs franco-canadiens (REFC) ce jeudi. Par voie de communiqué, l’organisme dit accueillir le budget fédéral « avec un brin de scepticisme ».

De l’aide plus directe pour certains

Le budget de la ministre Freeland mentionne certains organismes culturels de façon plus précise. En Ontario, 23 millions de dollars sont prévus sur trois ans pour soutenir le Festival international du film de Toronto (TIFF). Une excellente nouvelle, selon la directrice des communications du TIFF, Maria Alejandra Sosa. En réponse à ONFR, elle affirme que ces montants permettront au festival de franchir une nouvelle étape dans son développement, la création d’un marché officiel pour l’industrie cinématographique canadienne et internationale.

« Le TIFF est très reconnaissant de l’investissement exceptionnel annoncé par le gouvernement fédéral »
— Maria Alejandra Sosa

De son côté, le Centre national des arts, organisme fédéral majeur et plaque tournante de l’industrie culturelle canadienne, recevra 45 millions de dollars sur trois ans, à compter de 2025-2026. Ce montant servira à « assurer un soutien continu aux artistes et aux productions de tout le pays ».

Le Centre national des arts, situé au centre-ville d’Ottawa, présente plus de 1400 événements annuellement à travers le pays. Crédit image : Rachel Crustin

Dans l’est du pays, la Société Nationale de l’Acadie (SNA) pousse un soupir de soulagement. Le budget fédéral 2024 prévoit deux millions de dollars sur trois ans « pour permettre au Programme des célébrations et commémorations d’appuyer les célébrations communautaires organisées lors de la Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes ».

« Bien que nous accueillions cette annonce avec soulagement, nous continuerons nos démarches auprès du gouvernement afin de garantir un financement permanent pour assurer la continuité de nos célébrations et la préservation de notre culture acadienne », souligne le président de la SNA, Martin Théberge. Rappelons que le financement annuel de la Fête nationale de l’Acadie avait été mis de côté, puis reconduit partiellement en 2023, suscitant l’inquiétude de la communauté acadienne.

D’autres institutions ontariennes nommées dans le budget

  • Le Centre Harbourfront de Toronto : 10 millions de dollars sur deux ans pour des travaux de réparation majeurs.
  • Le Shaw Festival Theater de Niagara-on-the-Lake : 15 millions de dollars pour la campagne All.Together.Now.
  • La Sikh Arts & Culture Foundation et le Musée royal de l’Ontario : Montant de 11 millions de dollars partagé avec la communauté hellénique de Vancouver. En Ontario, le projet est de « créer un espace de musée à Toronto consacré aux arts, à la culture et au patrimoine sikhs ».