Casselman demande un financement pour une nouvelle source d’eau potable
CASSELMAN – La saga de l’eau brune contaminée au manganèse à Casselman, village franco-ontarien de l’Est de l’Ontario, touche-t-elle à sa fin? Alors que les résidents redoutaient de voir, une fois de plus cet été, de l’eau brune et nauséabonde couler de leurs robinets, la municipalité se veut rassurante : la situation serait désormais sous contrôle.
Au printemps dernier, la municipalité a eu l’idée d’acheter de l’eau à sa voisine Clarence-Rockland. Pour ce faire, il suffira de se connecter à son système d’eau municipale puisée dans la rivière des Outaouais.
« Il est maintenant évident que la rivière de la Nation Sud ne fournit pas de débit suffisant en été, et les problèmes que nous rencontrons à Casselman pourraient s’aggraver avec le temps », croit Geneviève Lajoie, mairesse de la ville.
Pour démarrer les travaux de construction, la municipalité sollicite un investissement de 75 millions de dollars des gouvernements provincial et fédéral.
« Nous ne nous attendons pas à ce qu’un seul des deux finance la totalité du montant, mais nous avons besoin de ces 75 millions pour sécuriser un pipeline reliant Clarence-Rockland à Casselman. C’est une nécessité. Nous n’avons pas d’autre choix. »
Mme Lajoie insiste : « Le gouvernement doit nous accorder ce financement, car l’eau à Casselman n’est pas une solution viable à long terme. Elle ne provient même pas d’une grande source, mais de plusieurs ruisseaux qui se rejoignent. Avec le temps et les changements climatiques, nous risquons de manquer d’eau un jour. »
D’après la mairesse, Clarence-Rockland et La Nation ont récemment sollicité des fonds auprès du gouvernement provincial pour démarrer la construction des conduites d’eau. « Si le ministère choisit de financer ces projets, il serait logique qu’ils approuvent également le nôtre. »
En entrevue avec ONFR, le maire de Clarence-Rockland, Mario Zanth, s’est dit prêt à aider la municipalité, mais prévient que rien n’est encore décidé. « Ce sera au conseil de prendre la décision, mais nous n’avons encore rien signé. Ma priorité reste Clarence-Rockland et, si nous le pouvons, nous sommes toujours ouverts à aider nos voisins. »
Un partenariat similaire existe déjà avec le village de La Nation, mais M. Zanth veut éviter tout quiproquo : « Nous avons eu une bonne délégation à Toronto, au mois de janvier, incluant Clarence-Rockland, La Nation et Casselman. Nous avons fait des demandes et attendons des réponses, mais pour l’instant, tout est hypothétique. »
Des fonds disponibles pouvant soutenir Casselman dans sa transition
En début août, le gouvernement provincial a annoncé un investissement de 970 millions de dollars dans les infrastructures d’eau potable et d’eaux usées, dans le cadre de la première phase du Fonds pour les systèmes d’eau favorisant le logement. Cette première phase financera 54 projets répartis sur 60 municipalités, visant à « développer, réparer, réhabiliter et étendre les infrastructures d’eau potable, d’eaux usées et d’eaux pluviales ».
Dans un échange de courriels, le porte-parole du ministère de l’Infrastructure a confirmé que « les municipalités et les députés provinciaux sont encore en train d’annoncer les projets retenus, et la liste complète sera publiée au début de l’automne. » Pour l’instant, seuls 11 sont retenus pour l’Est ontarien.
Un été plus calme pour les résidents de Casselman
Les pluies abondantes de juin et juillet auraient contribué à diluer les concentrations de manganèse dans la Rivière de la Nation Sud, même si Mme Lajoie attribue également ce succès au projet pilote lancé en mai dernier.
Pour réduire les taux de manganèse, la municipalité a mis en place une solution temporaire : l’installation d’un générateur de dioxyde de chlore pour désinfecter l’eau et réduire la turbidité.
Le manque d’eau dans la rivière avait été identifié comme étant la cause principale d’un taux historique de manganèse dans l’eau potable du village l’été dernier. Jusqu’à 0,45mg/L de manganèse avait été retrouvé alors que la concentration maximale acceptée par Santé Canada est fixée à 0,12 mg/L.
« Il y a eu du progrès. Maintenant, il ne nous reste à obtenir l’aide du gouvernement et un financement pour aller de l’avant avec le projet d’une nouvelle source d’eau. »
Quant à lui, le projet pilote devra tenir, le temps de rejoindre le plan d’eau voisin. Selon les estimations municipales, le raccordement avec Clarence-Rockland pourrait prendre entre six et sept ans avant d’être pleinement opérationnel.
Depuis mai, les résidents de Casselman sont également invités à économiser l’eau afin de respecter la capacité hydraulique de l’usine de traitement. « Le système de traitement ne peut pas répondre à la demande, explique Mme Lajoie. Si nous pouvions réduire notre consommation, nous pourrions traiter davantage. »
Cependant, cette restriction est perçue par certains comme une privation supplémentaire, comme en témoignent les commentaires sur le groupe Facebook « Casselman and area – I NEED TO KNOW », qui regroupe plus de 4800 habitants du village.
Actuellement, Mme Lajoie cherche à recueillir des témoignages pour dresser un portrait de la situation vécue par Casselman. Le 20 août prochain, lors des conférences de l’Association des municipalités de l’Ontario (AMO), elle rencontrera la ministre de l’Infrastructure, Kinga Surma, pour lui présenter ces témoignages et espérer conclure un accord de principe.
À ce jour, seulement deux personnes ont répondu à cet appel, malgré le grand nombre de membres actifs sur le groupe Facebook.
Le maire de Clarence-Rockland et collègue de Mme Lajoie aux Comtés unis de Prescott et Russell n’a pas obtenu de délégation pour les conférences de l’AMO, mais il se réjouit que sa collègue ait pu en avoir une auprès de la ministre de l’Infrastructure. « J’espère qu’elle obtiendra bientôt un nouveau système d’eau. La question n’est plus de savoir si elle doit l’avoir, mais plutôt quand elle pourra l’obtenir », affirme-t-il.
Si Casselman doit attendre jusqu’à l’automne prochain pour savoir si la province lui accordera un financement, il pourrait encore falloir patienter davantage avant de confirmer que Clarence-Rockland lui vendra effectivement de l’eau.
Pour Geneviève Lajoie, « les préoccupations et les peurs ressenties l’été dernier étaient fondées. Les habitants avaient toutes les raisons de s’inquiéter », déclare-t-elle, avant d’ajouter : « Nous avons mis en place une technologie qui, espérons-le, résoudra le problème du manganèse. C’est quelque chose que nous avons réalisé en moins d’un an, et je travaille jour et nuit pour eux. »