« C’est extrêmement difficile de faire perdurer » la Franco-Fête, confie José Bertrand
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
José Bertrand est le directeur général de Groupe Simoncic, entreprise privée responsable de la Franco-Fête de Toronto, mais aussi du Festival de la curd de St-Albert et du Festival franco-ontarien, à Ottawa.
LE CONTEXTE :
La Franco-Fête de Toronto est un événement gratuit qui existe depuis 1983. D’abord tenu autour de la Saint-Jean-Baptiste, le festival s’est déplacé quelques fois dans le calendrier et dans la ville pour atterrir dans les dernières années à la fin juillet, dans le quartier Trinity-Bellwoods.
L’ENJEU :
La Franco-Fête peine à se remettre de la pandémie. L’édition 2024 pourrait bien ne pas avoir lieu, faute de subventions. Le plus récent refus oblige Groupe Simoncic à choisir entre une annulation totale et une édition fortement réduite. La décision devrait être annoncée dans les deux prochaines semaines.
« Quelle est cette subvention qui vous a été refusée dans les derniers jours?
Ça s’appelle Ma rue principale. C’est un programme de l’Agence fédérale de développement économique, pour le Sud de l’Ontario. C’était la dernière qu’on attendait pour savoir à quelle ampleur on faisait le festival. C’était une grosse demande et on se l’est vue refusée, mais ce n’est pas la seule.
On a eu une subvention du Conseil des arts de l’Ontario. On a reçu du financement sur trois ans du programme Développement des communautés de langues officielles (de Patrimoine canadien), ce qui est bien et nous donne de l’espoir pour rebâtir la Franco-Fête, parce qu’on a de la difficulté depuis le retour de la pandémie.
On a aussi de l’appui de la Ville de Toronto. Mais on attendait une subvention de la Fondation Trillium et celle de Ma rue principale, qu’on n’a pas eues, ce qui fait qu’on a à peine 70 000 dollars en subventions.
C’est un événement gratuit, donc on n’a pas de revenus autonomes autres que ceux des commanditaires. C’est extrêmement difficile de faire perdurer un événement gratuit, dont ça aurait été la 42e édition cette année.
Vous dites ‘ça aurait été’… L’édition 2024 est-elle annulée?
On se questionne. Ce sont des nouvelles fraiches. Bien qu’on ait anticipé cette possibilité, on ne s’est pas vraiment penchés à savoir comment on va le faire exactement. Si on fait quelque chose, ça va être très modeste, probablement en salle, car les infrastructures pour faire un spectacle extérieur sont trop coûteuses.
Est-ce que les subventions qui ont été refusées sont des montants que recevez habituellement?
Pour Ma rue principale, non, effectivement. La Fondation Trillium, ce sont des programmes de deux ou trois ans. Ça fait environ six ans qu’on ne l’a pas. À la Ville de Toronto, on a changé de programme, ce qui a diminué nos fonds. C’était dans le but de pouvoir ramener ça à plus gros, plus tard.
Est-ce un effet d’accumulation ou bien c’est cette année que le bât blesse?
C’est vraiment cette année que ça donne un gros coup. C’est surtout le délai d’attente. L’an dernier, on a pris la décision au début juin pour faire l’édition de la fin juillet. On a pris le risque de le faire quand même, sans savoir si on allait avoir une subvention qui nous a été confirmée au mois de septembre. On a fait un déficit pour l’année 2023. Donc, cette année, on ne veut pas mettre l’organisme à risque.
Combien de festivaliers visitent la Franco-Fête annuellement?
C’est difficile à évaluer. Ça aurait été notre troisième année dans le quartier Trinity-Bellwoods, dans l’Ouest de Toronto, où l’on essaie de redévelopper une clientèle. Avant la pandémie, on était sur Dundas Square, où il y avait 8 000 passants à l’heure. Avant ça, on était à Harbourfront et l’on pouvait calculer facilement 6 000 festivaliers par édition. On aimerait tranquillement revenir à 3 ou 4000 festivaliers par année.
Une version payante pourrait-elle être envisagée?
La Franco-Fête a toujours été gratuite. Ce n’est pas le but d’avoir une billetterie, comme on le vit avec le Festival franco-ontarien (FFO) d’Ottawa. On se pose même la question inverse : est-ce qu’on enlève la billetterie au FFO? Les bailleurs de fonds ne regardent pas les festivals du même œil dans ces formules-là.
Si un mécène vous arrivait avec un super montant pour répondre à votre cri du cœur, auriez-vous le temps d’organiser une Franco-Fête en juillet?
Tout s’organise en deux semaines, mais personne ne va venir. Il faut au moins quatre semaines pour attirer les communautés, et ce n’est vraiment pas beaucoup. Si ça arrivait, ça pourrait se faire autour de la mi-août.
Le Festival de la curd est aussi à la croisée des chemins. Comment va Groupe Simoncic en général?
Ça va… C’est presque officiel qu’on aura un Festival de la curd à la fin septembre. Ce sera encore au centre communautaire, car il y a des défis au niveau des gros terrains dans la région. Ce n’est pas le souhait du conseil d’administration de retourner dans une édition à grand déploiement pour l’instant.
C’est une nouvelle cuvée des événements chez Simoncic. Il faut les repenser, les remanier, les revoir. Le FFO va très bien, on est très contents de l’édition qui vient de se dérouler. On a eu plus de 6000 visiteurs pendant la fin de semaine, malgré une soirée annulée. Les gens semblent avoir aimé les changements qu’on a apportés. »