Christine Elliott, un deuxième départ d’ampleur à trois mois des élections

Christine Elliott, vice-première ministre et ministre de la Santé. Crédit image: Jackson Ho
Christine Elliott, vice-première ministre et ministre de la Santé. Crédit image: Jackson Ho

TORONTO – Après l’annonce du départ de Rod Phillips, c’est une nouvelle défection de premier ordre qui touche le clan progressiste-conservateur en Ontario. La ministre de la Santé et vice-première ministre, Christine Elliott, ne briguera pas de nouveau mandat de députée en juin prochain. Coup dur pour la Ford Nation.

Mme Elliott a mis fin au suspense ce vendredi en annonçant qu’elle se retirait de la vie politique à l’issue de son mandat actuel. « J’ai annoncé au premier ministre Ford que je ne chercherai pas à être réélu lors du prochain concours provincial en juin (…) Il m’a demandé d’assumer mes fonctions jusqu’au printemps et je suis en accord avec cela sans hésitation », a-t-elle déclaré dans une lettre rendue publique ce matin.

Si elle conserve son portefeuille de la Santé jusqu’aux élections, son retrait à titre de vice-première ministre est en revanche à effet immédiatement.

Mme Elliott est une des rares ministres à avoir conservé le même ministère en dépit des remaniements ministériels. Avocate de formation et députée depuis 13 ans, elle a été élue pour la première fois en 2006 dans la circonscription de Whitby-Ajax, tentant à trois reprises de conquérir la chefferie progressiste-conservatrice. Sa dernière tentative, face à Doug Ford, avait failli être la bonne.

Christine Elliott ne se représentera pas devant les électeurs le 2 juin prochain. Crédit image : Jackson Ho

De ce fait, l’élue de Newmarket-Aurora a obtenu une place centrale dans le dispositif gouvernemental en 2018, lorsque le parti est arrivé au pouvoir. À la fois au portefeuille de la Santé et à celui de vice-première ministre, la pandémie a fait d’elle une élue de premier plan, très sollicitée mais aussi exposée à la critique.

« Je me suis engagée en politique à cause d’un désir profond d’améliorer la qualité de vie des gens ayant autant des besoins spéciaux que des défis en santé mentale », dit celle qui a notamment piloté la réforme du système de santé menant à la création d’une agence centrale de santé et des équipes Santé Ontario, et maintenant les entités de planification en français.

Ford salue une « leader intègre »

Le premier ministre Doug Ford a salué un « élément clé, une amie et une leader intègre » (…) à (ses) côtés depuis le début de la pandémie. Elle reste essentielle pour aider l’Ontario à traverser l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire de notre province (…). Grâce à ses réformes, nous avons pu réinvestir des centaines de millions de dollars par an auparavant gaspillés en bureaucratie. »

Avocate de formation, elle a été la première ombudsman des patients de l’Ontario, nommée en 2015 par l’ancienne première ministre libérale Kathleen Wynne. Elle n’a pas indiqué les raisons qui ont conduit à sa décision de ne pas se représenter devant les électeurs au prochain scrutin provincial, le 2 juin, mais s’est montrée confiante envers la reconduction au pouvoir de son parti.

En conférence de presse ce vendredi, elle a assuré qu’après la fin de son mandat, elle allait prêter attention aux opportunités du secteur privé et continuer de servir les Ontariens « dans une voie différente ».

Désir de chefferie brisé, usure pandémique, désaccord politique… plusieurs hypothèses

« C’est un gros morceau de l’équipe qui part, une des ministres les plus solides du cabinet », analyse la politologue Stéphanie Chouinard. « Ce n’est pas pour rien que M. Ford lui avait donné le poste de vice-première ministre et de ministre de la Santé. »

« Avec la COVID-19, ça a été le ministère le plus exposé ces deux dernières années », rappelle la professeure du Collège militaire royal et à l’Université Queen’s. « Il faut peut-être y voir de la fatigue due à la gestion de la COVID-19 mais aussi tenir compte du contexte dans lequel le gouvernement prend des décisions qui ne semblent pas nécessairement guidées par la science en matière de déconfinement rapide. Je me demande si on ne peut pas y voir une démonstration de désaccord de la part de Mme Elliott vis-à-vis de M. Ford », avance-t-elle.

« C’était prévisible », complète Peter Graefe, politologue à l’Université McMaster à Hamilton, soulignant son « travail ingrat depuis deux ans avec la pandémie dans son rôle de ministre de la Santé ».

Et d’ajouter : « Il est clair pour elle qu’elle n’aurait pas eu d’autre promotion. Il n’était pas les plans qu’elle devienne la future ministre des Finances et sa volonté d’être cheffe du parti s’est éteinte. Cela aurait été frustrant pour elle de continuer dans l’hypothèse d’une réélection de M. Ford dans un conseil des ministres où elle n’a pas plus d’influence et où elle ne partage pas nécessairement les choix politiques de M. Ford et son entourage. »

C’est la seconde défection d’un pilier de la Ford Nation après l’annonce en janvier dernier du départ de Rod Phillips, l’ancien ministre des Soins de longue durée et des Finances. Les deux politologues s’accordent à dire que ces départs n’auront pas d’impact significatif dans la campagne électorale et les intentions de vote.

« Ça peut rendre M. Ford moins intéressant comme choix électoral mais seulement pour une infime partie de l’électorat qui, dans l’ensemble, fait son choix sur d’autres critères », juge M. Graefe. « Ça va dépendre à quel point le parti sera capable d’aller chercher du sang neuf avant les élections », nuance Mme Chouinard.