Décès de Jean Malavoy : « Des délais difficilement justifiables » conclut la coroner
GATINEAU – Dans un rapport sur le décès de l’ancien directeur du Muséoparc Vanier rendu public ce lundi, le Bureau du coroner du Québec met en lumière plusieurs brèches dans les délais de renouvellement d’équipement médical et la communication au sein de l’Hôpital de Hull.
Bien qu’accidentel – consécutif à une chute dans les escaliers de son domicile –, le décès de Jean Malavoy survenu en octobre 2020 aurait-il pu être évité sans le va-et-vient entre deux hôpitaux pour cause d’équipement en panne? Si la question reste sans réponse, la coroner Julie-Kim Godin qualifie le « délai difficilement justifiable » pour procéder au remplacement d’un CT-Scan (machine capable de détecter des saignements chez les patients polytraumatisés) et à l’achat d’un second appareil prévu depuis 2016.
Tributaire de ce seul appareil en fin de vie et déclaré en panne le soir de l’admission du patient, les équipes médicales de l’Hôpital de Hull ont dû transférer en urgence M. Malavoy à l’Hôpital de Gatineau. Son examen sur place a révélé une rupture de la rate et la présence de sang dans l’abdomen mais, faute de chirurgien disponible, il a alors été à nouveau transféré vers l’Hôpital de Hull, afin d’y être opéré. Son état s’est dégradé par la suite, en soins intensifs, avant qu’il ne décède.
« On savait depuis plusieurs années qu’il y avait des risques pour la sécurité des usagers à n’avoir qu’un seul CT-scan et qu’il y aurait éventuellement d’autres victimes si des changements n’étaient pas faits, rendant la situation d’autant plus intolérable », résume la coroner Julie-Kim Godin.
Et de pointer dans son rapport d’enquête la lenteur du processus pour remplacer un tel appareil et en acquérir un second qui aura pris finalement cinq ans, soit quelques mois après le décès du Franco-Ontarien de 71 ans. Une responsabilité qui appartient au Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO) dont fait partie L’Hôpital de Hull.
La coroner émet à ce titre deux recommandations :
- De poursuivre et d’intensifier ses actions dans le but d’optimiser la planification et le processus d’acquisition de l’équipement médical requis afin de prévenir tout bris de service ou diminution de la qualité des soins. Des responsables de projet doivent notamment être nommés et tenus responsables de la planification, de l’acquisition et de l’installation de l’équipement requis;
- De poursuivre et d’intensifier ses actions dans le but de réduire les délais en cas de bris ou d’interruption de service d’un équipement médical, d’améliorer les communications et de prévenir la survenance d’incidents ou d’accidents pour ses usagers.
Un autre point ressort de ce rapport concernant la véracité de la panne au moment où M. Malavoy a quitté l’établissement en ambulance vers 1 h 33. Au même moment, le CT-scan de l’Hôpital de Hull était fonctionnel et en cours d’utilisation, mais un manque de communication n’a pas permis de le déterminer avant le transfert de M. Malavoy, peut-on découvrir dans le document de 16 pages.
« Si les procédures et la communication avaient été optimales, il est bien possible que M. Malavoy soit demeuré à l’Hôpital de Hull pour y subir son CT-scan », en déduit la coroner. « Dans ce cas, les transferts interhospitaliers auraient été évités et les délais auraient certainement été réduits. M. Malavoy aurait été opéré plus rapidement et son pronostic en aurait bénéficié. »
À ce titre, le CISSSO s’est d’ores et déjà engagé à améliorer ses procédures en cas de bris, à consolider les responsabilités des intervenants impliqués et à bonifier les canaux de communication incluant lors de transferts interhospitaliers.
« Je conviens que la gestion de bris techniques et de l’achat d’un appareil de radiologie spécialisé est complexe. En revanche, cette complexité ou la lourdeur administrative ne devrait pas devenir une excuse à des délais indus ou à des ruptures de service », conclut Me Godin.
Successivement à la tête de l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français (AAOF), de la Fondation Trillium, du Centre francophone de Toronto, de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et de la Nouvelle Scène, Jean Malavoy était directeur du Muséoparc Vanier dans ces ultimes fonctions.
La brutale disparition du septuagénaire en octobre 2020 avait suscité l’émotion et, en février 2022, une enquête publique avait été ordonnée pour déterminer et établir et de comprendre la trajectoire de soins du leader franco-ontarien, les décisions prises et les circonstances entourant la panne de l’appareil de tomodensitométrie. Lors de l’enquête au mois de septembre suivant, 17 témoins ont été entendus.