Décès de l’ancien premier ministre ontarien Bill Davis

Bill Davis (au premier plan) au côté de Christine Elliott, l'actuelle ministre de la Santé. Archives ONFR+

BRAMPTON – Le 18e premier ministre de l’Ontario, Bill Davis, est décédé ce dimanche à l’âge de 92 ans. Au pouvoir pendant 14 ans, de 1971 à 1985, le père de la politique des « petits pas » est notamment à l’origine des collèges d’arts appliqués et de technologie, de la chaîne TVO, du bilinguisme dans les tribunaux, et a dû faire face à la résistance franco-ontarienne.

Élu pour la première fois à Queen’s Park en 1954, l’ancien député progressiste-conservateur de Peel a été ministre de l’Éducation sous le gouvernement de John Robarts, à qui il a succédé en 1971, enchaînant quatre mandats consécutifs, dont deux minoritaires. Sous sa houlette, les systèmes de santé et d’éducation se sont fortement développés mais ses rapports avec les francophones n’ont pas été un long fleuve tranquille en la matière.

Bill Davis a dû en effet essuyer plusieurs crises scolaires franco-ontariennes survenues tout au long des années 1970, d’abord à Sturgeon Falls en 1971, puis Cornwall en 1973, Windsor en 1975 et Penetanguishene en 1979.

Résistance franco-ontarienne

Tandis que des manifestations réclamaient plus d’écoles, d’autres revendiquaient à la même époque des services administratifs et judiciaires en français. Un des points culminants de cette période tumultueuse a été l’emprisonnement, en 1975 à Ottawa, de la militante Jacqueline Pelletier, refusant de payer une contravention écrite en anglais. Cet acte de désobéissance civile s’inscrivait dans un vaste mouvement contestataire appelé « C’est l’temps! ».

https://onfr.tfo.org/la-contestation-jusquen-prison-le-mouvement-cest-ltemps/

Ces années de lutte pousseront le premier ministre Davis, avocat de formation, à faire plusieurs concessions en faveur des droits des Franco-Ontariens, notamment avec l’ouverture en 1979 de l’École secondaire de la Huronie à Penetanguishene, et l’introduction en 1984 du français dans les tribunaux, comme une langue égale à l’anglais.

Bill Davis avait, dès 1972, fait adopter une politique de prestation de services en français permettant l’émission de permis de conduire bilingues ou encore la traduction de documents publics, mais cette politique était bien loin des promesses de son prédécesseur portant sur le droit de s’exprimer en français dans la fonction publique et de bénéficier de services d’interprétation dans les tribunaux.

M. Davis est aussi connu pour avoir fait obstacle à l’adoption du projet de loi privé encadrant l’offre de services provinciaux en français, ancêtre de la Loi sur les services en français, déposé en 1978 par le député libéral d’Ottawa-Vanier, Albert Roy.

Le premier ministre a posé son veto alors que le texte avait passé l’épreuve de la seconde lecture à l’Assemblée législative de l’Ontario et il faudra attendre 1986 pour que la fameuse Loi 8 devienne réalité.

Créateur des collèges et du télédiffuseur TVO

C’est aussi sous le gouvernement Davis que la première Loi des collèges d’arts appliqués et de technologie (CAAT) a été adoptée, en 1970. La province en compte aujourd’hui 24, dont deux francophones : Boréal et La Cité.

M. Davis a également donné son feu vert la création de la chaîne TVO en 1970, à une époque où TFO n’existait pas mais où les émissions en français constituaient 5% de la programmation, puis 10% l’année suivante.

Bill Davis, 18e premier ministre de l’Ontario. Source : Assemblée législative de l’Ontario

C’est sous troisième mandat que les ministères de la Santé et des Services sociaux et communautaires ont adopté des politiques de services en français en 1979 et 1980.

Le natif de Brampton a mis fin à sa carrière politique en 1984 en démissionnant pour reprendre sa carrière d’avocat. Il a été remplacé par Frank Stuart Miller qui occupera les fonctions de premier ministre seulement quatre mois avant que les libéraux ne prennent le pouvoir. On lui doit enfin la création des universités Trent et Brock, sous le gouvernement Robarts, lorsqu’il était ministre de l’Éducation.

Nombreuses réactions sur les réseaux sociaux

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a salué, sur les réseaux sociaux, le « créateur du système de collèges communautaires et de TVO » qui a « grandement contribué à bâtir l’Ontario d’aujourd’hui ».

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a indiqué que la province mettrait ses drapeaux en berne en hommage à celui qui a « servi la population de l’Ontario avec dignité et classe ». Sa ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, a qualifié M. Davis d’« homme politique dévoué et visionnaire ».

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a évoqué pour sa part « un héritage marqué par un incroyable dévouement dont les effets se feront certainement sentir pendant des générations ».