
Dépendances : neuf sites contraints de fermer sans prise en charge des usagers

Malgré l’injonction de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, neuf des dix sites de consommation supervisée (SCS) sont désormés fermés. Si le ministère de la Santé a affirmé que, dès ce 1er avril, ses nouveaux carrefours de désintoxication sont opérationnels, selon plusieurs sources, rien n’est en place pour la prise en charge des usagers vulnérables exposés aux risques de surdose.
Malgré l’injonction de la Cour autorisant les SCS à demeurer ouverts jusqu’à ce qu’un verdict soit rendu, dans des poursuites judiciaires contre la loi provinciale, neuf des sites identifiés comme trop proches d’écoles ou de garderies ont officiellement dû fermer leurs portes ce mardi.
Le Kensington Market overdose prevention site (KMOPS), du groupe The Neighbourhood Group Community Services (TNGCS) reste quant à lui ouvert, car il est autofinancé.
Pour les neuf autres sites, profiter de l’injonction en restant ouverts signifiait perdre la promesse de financement pour la conversion en HART hubs, le nouveau concept imposé par le ministère de la Santé, des carrefours d’aide à la désintoxication fondés sur l’abstinence.
Une des conditions dans la promesse d’un financement futur : « Le financement provincial pour fonctionner en tant que centre HART est conditionnel à ce que les centres ne recherchent pas d’autres financements pour fournir des services de consommation de drogues maintenant ou à l’avenir », confirme Hannah Jensen, la porte-parole de la ministre de la Santé Sylvia Jones.
Par ailleurs, sans l’obtention d’une exemption fédérale, les sites ne peuvent pas offrir des services de consommation supervisée. Or, cette échéance expirait ce 31 mars pour plusieurs SCS et n’aurait pas pu être renouvelée sans financement provincial garanti. Il s’agit de la même échéance choisie par le gouvernement pour la fermeture des sites.
Selon Bill Sinclair, le PDG du TNGCS, « les autres SCS ont été mis face à un choix impossible : soit obtenir un financement à la condition de ne plus avoir de services de consommation supervisée soit pas de financement du tout. »
Celui-ci explique que les HART hubs sont seulement conçus pour les personnes qui sont prêtes à arrêter de consommer : « Nous voulions cette option de traitement et plus de personnel depuis longtemps, mais pas en remplacement de nos services qui sont vitaux pour beaucoup d’usagers. »
« Établir de nouveaux modèles et établissements prend du temps. J’avais demandé au gouvernement un délai plus long, mais ils ont été catégoriques. »

Une transition incertaine : la vie des usagers en jeu
« Notre gouvernement investit 529 millions de dollars pour créer 27 nouveaux centres de traitement et de rétablissement des dépendances pour les personnes sans-abri, opérationnels d’ici le 1er avril », a assuré le ministère de la Santé.
Or, une source nous a informés que les SCS censés transitionner dès aujourd’hui n’ont encore rien reçu pour opérer : « Pas de nouvel espace, pas de lit de convalescence. Rien ne nous a été donné et rien n’est prêt pour transitionner comme prévu par les HART Hubs ».
Le ministère soutient lui que « tous les carrefours en transition ont reçu un financement de démarrage pour assurer la continuité des services dès leur ouverture aujourd’hui », sans fournir de détails sur le montant ou l’échéancier.
Selon également la députée de Nickel-Belt France Gélinas, porte-parole en Santé pour le NPD, « aucun des centres qui ferment n’a reçu son argent, aucun n’est capable d’offrir des services dès aujourd’hui. Par contre ils n’ont plus le droit de garder les gens en vie en prévenant les surdoses ».
Selon l’élue d’opposition, les carrefours ne pourraient pas être opérationnels, au plus tôt, avant l’automne prochain, pointant du doigt le temps nécessaire, le fonds, ne serait-ce qu’à l’embauche de personnel, l’équipement, l’aménagement d’espaces supplémentaires, etc.
« Tout ça est basé sur de la discrimination du gouvernement contre des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendance, et non basé sur ce que les données probantes et les experts disent. »
Et de s’insurger : « Depuis quand est-ce au gouvernement de décider du plan de traitement de gens malades? »
La députée rappelle que la loi 223 de la province, contestée en justice, interdit au fédéral de délivrer des exemptions aux services d’injection supervisée en Ontario et qu’en théorie l’injonction de la Cour suspend ce véto.
« Quand un gouvernement ignore une injonction de la cour, c’est grave pour une démocratie. »
Si les SCS restants s’attendent à un afflux considérable de visites, Bill Sinclair entrevoit toutefois un autre obstacle. Les études prouvant que ces populations vulnérables, qui tendent à ne pas se déplacer à plus de 15 minutes, se tourneront vers les drogues de rues et auront de grandes chances d’en mourir.
« Je suis également très préoccupé par des communautés qui n’avaient qu’un seul site, comme Guelph, Kitchener et Thunder Bay, désormais privées de ces services. Il y a eu plus de morts par overdose que par Covid, et en tant que société, nous ne faisons rien pour l’empêcher », se désole-t-il.
Les neuf SCS qui ont fermé leurs portes :
- Parkdale Queen West Community Health Centre (PQWCHC) – 168, rue Bathurst, Toronto
- Regent Park Community Health Centre – 465, rue Dundas Est, Toronto
- The Works – Santé publique de Toronto – 277, rue Victoria, Toronto
- South Riverdale Community Health Centre – 955, rue Queen Est, Toronto
- Guelph Community Health Centres – 176, rue Wyndham Nord, Guelph
- Hamilton Urban Core Community Health Centre – 70, rue James Sud, Hamilton
- Region of Waterloo Public Health and Paramedic Services and Sanguen Health Centre – 150, rue Duke Ouest, Kitchener
- Somerset West Community Health Centre – 55, rue Eccles, Ottawa
- NorWest Community Health Centres and Dilico Anishinabek Family Care – 525, rue Simpson, Thunder Bay
Le seul des 10 SCS qui demeure ouvert :
- Kensington Market Overdose Prevention Service (KMOPS), The Neighbourhood Group – 260, avenue Augusta, Toronto