La 13e nuit « Soirée sans-abri » avait une saveur particulière cette année. Crédit image : Inès Rebei

CHELMSFORD – C’était toute une expérience qu’ont vécue les jeunes de l’École secondaire catholique Champlain (ESC) de Chelmsford, alors que près de 85 d’entre eux ont passé la nuit dans la rue pour prélever des fonds et vivre la réalité du sans-abrisme. Ils ont pu aussi vivre une rencontre imprévue mais marquante avec avec un sans-abri.

La 13e édition de la Soirée sans-abri a pris fin ce jeudi matin après une soirée qui s’est déroulée dans des conditions optimales.

Cette année encore, l’objectif était de sensibiliser les jeunes à l’itinérance et de récolter des vêtements d’hiver pour des familles dans le besoin et d’offrir des articles à la banque alimentaire pour nourrissons à Sudbury ainsi qu’à la banque alimentaire de Chelmsford.

Des membres de la communauté ont fait don de produits alimentaires durant la soirée. Crédit image : Inès Rebei

Des boites pour dormir, un simple diner avec hot dogs et soupe servi en début de soirée et rien d’autre que de bonnes discussions et des cartes pour socialiser : tout a été pensé pour vivre une nuit comme le ferait une vraie personne sans abri.

Olivia Lachapelle et Alexie Blais et Jonathan Houle sont tous trois de retour cette année après avoir apprécié leur expérience de l’année passée.

Bien que ceux-ci récoltent 10 heures de service communautaire qui iront pour le compte de leur diplôme en fin d’année, leur participation va au-delà de tout intérêt curriculaire.

Olivia Lachapelle et Alexie Blais et Jonathan Houle, de gauche à droite, avaient hâte de revivre l’expérience cette année. Crédit image : Inès Rebei

« J’aime beaucoup, car ça nous montre la vraie vie, et qu’on n’est pas tous chanceux », pense Olivia Lachapelle.

Et la température très clémente de la soirée, en plus de la faciliter, a permis une certaine réflexion sur l’expérience. « Il fait beau aujourd’hui, mais les gens sans abri font ça par -30 à -40 degrés même, donc on est très chanceux, doublement aujourd’hui », souligne Alexie Blais.

Les enseignants ont passé la nuit avec les élèves pour partager la même expérience. Crédit image : Inès Rebei

Une visite inusitée

Assis avec des élèves, dans l’ombre de l’édifice, le regard tourné vers le sol, il y avait ce jeune homme que l’on pourrait presque confondre avec ces derniers. Anthony Marinier est sans abri depuis quatre mois.

« On lui a offert de venir souper avec nous et il nous a raconté son histoire », fait savoir une élève.

La vingtaine entamée, des vêtements bien trop amples pour sa corpulence, Anthony Marinier n’a pas hésité une seule seconde lorsqu’on lui a proposé de venir à l’événement.

Anthony Marinier a partagé son vécu avec les jeunes tout au long de la soirée. Crédit image : Inès Rebei

Que pense-t-il de l’initiative? « C’est original. Il y a beaucoup de personnes sans abri à Sudbury et dans le monde », confie-t-il avant de fondre en larmes en expliquant qu’il a tout perdu, même son chien, qu’il a dû remettre à un organisme en raison du froid et du risque lié aux animaux sauvages.

« Il ne peut pas avoir d’emploi, car il n’a pas d’adresse, c’est vraiment injuste », se désole Olivia Lachapelle.

Le jeune itinérant raconte avoir rencontré les enfants alors qu’ils brandissaient des pancartes en marchant et les avoir questionnés sur le sens de leur démarche. Crédit image : Inès Rebei

Se nourrir n’est pas non plus évident pour le jeune homme qui dit s’être fait refuser l’envoi de nourriture à la banque alimentaire de Chelmsford : « Même si je pourrais y avoir droit, ils ne peuvent même pas m’envoyer de la nourriture, car je n’ai pas d’adresse, alors tous les jours je dois quémander de l’argent. C’est horrible ».

Il ajoute qu’avec l’inflation les gens sont moins généreux qu’en temps normal et que même trouver un endroit où dormir dans les rues de Chelmsford est de plus en plus difficile : « J’ai reçu une amende de 400 $ pour avoir dormi à l’entrée d’une banque. »

Une pierre à l’édifice

Avec la situation du sans-abrisme qui empire dans la plus grande ville du Nord, une telle visite prend tout son sens pour les élèves de l’ESC. C’est ce que pense Alexie Blais : « Voir les gens de la communauté de Sudbury qui vivent cette situation-là ça, c’est sûr que ça mérite de l’action », estime Alexie Blais.

La soirée tombe, hasard du calendrier, une semaine après que la ville du Grand Sudbury a annoncé vouloir mettre fin au sans-abrisme pour 2030.

Un feu de camp a été allumé pour recréer des conditions réelles de l’itinérance. Crédit image : Inès Rebei

« Cette soirée-là ça ne va pas guérir tout ce qui va mal dans la ville, mais ça commence quelque chose », confie la jeune Olivia Lachapelle qui rêve à une carrière de journaliste.

« C’est un bon exemple de ce que peut faire la communauté quand elle se rassemble », Jonathan Houle.

Le bruit des klaxons qui saluent les enfants s’est fait entendre toute la soirée et de nombreux curieux se sont arrêtés dans ce quartier très francophone du Grand Sudbury pour témoigner de leur admiration.

« Il y a plusieurs personnes qui sont venues nous voir pour nous remercier car ça a aidé quelqu’un de la communauté », déclare avec émotion le jeune de 17 ans.

Les élèves ont pu profiter de jeux coopératifs organisés jusqu’au couvre-feu imposé à 23h. Crédit image : Inès Rebei

Et après?

Après la nuit, les élèves ont eu le droit à une douche froide – littéralement – à l’école suivie d’une discussion encadrée au gymnase avec tous les écoliers pour revenir sur les enjeux de la nuit avec une réflexion plus large sur la situation du sans-abrisme.

« Depuis que mes enfants ont vécu cet événement-là, ils aident plus les sans-abris et d’eux-mêmes ils font des dons de nourriture à la communauté », explique Julie Gareau, directrice adjointe de l’ESC et parent d’anciens élèves ayant pris parti à l’initiative.

C’est la première fois que Julie Gareau participe à l’événement en tant que directrice-adjointe. Crédit image : Inès Rebei

Comme chaque année, pour participer à l’événement, les élèves ont recueilli bien plus que les 20 $ nécessaires avant l’événement, pour lesquels certains ont même réussi à récolter près de 100 $.

« Les gens de la communauté sont très généreux, ils donnent énormément de fonds », se félicite Carol Bradley-Whissell, enseignante qui chapeaute la soirée.

 « Autant c’est une activité de notre école, mais c’est aussi une activité communautaire », ajoute-t-elle.

Carol Bradley-Whissell se dit très satisfaite de l’engouement constant de la communauté pour l’événement. Crédit image : Inès Rebei

Les dons amassés s’élèvent à près de 3 000 $ pour l’événement et les boites de conserve n’ont cessé de s’accumuler sur les tables de l’école.