Des libéraux critiquent ouvertement leur propre projet de loi sur les langues officielles
OTTAWA – Des députés anglophones du Québec en ont contre le projet de Loi C-13 de leur collègue Ginette Petitpas Taylor visant à réformer la Loi sur les langues officielles assurant qu’il va trop loin.
Le problème est la référence à la Loi 96 au Québec, la Charte de la langue française dans C-13. En entrevue avec CTV News, le député de Mount-Royal Anthony Housefather a critiqué toute mention à la Charte de la langue française dans la mouture du gouvernement libéral.
« ll ne devrait y avoir aucune mention de la Loi 96 dans la Loi sur les langues officielles et je vais faire de mon mieux pour les sortir », affirme ce dernier dans une entrevue diffusée mercredi.
La loi adoptée par le gouvernement Legault en mai 2022 est mentionnée à deux reprises dans la mouture d’Ottawa. Tout d’abord, il reconnaît divers régimes linguistiques des provinces. Par exemple, il reconnaît au Nouveau-Brunswick que les francophones et anglophones ont « un statut et des droits et privilèges égaux. » Au Québec, il reconnaît la Charte de la langue française et « dispose que le français est la langue officielle du Québec ».
La seconde mention est celle qui offre aux entreprises à charte fédérale le choix entre l’utilisation du régime linguistique québécois ou celui du fédéral.
« Avec l’appui d’un certain nombre de nos collègues, nous avons proposé des amendements qui supprimeraient ces deux références au projet de loi pour qu’il ne soit plus dans la Loi sur les langues officielles », avance le député, qui souligne que déposer C-13 était pour offrir une option « beaucoup plus flexible » que la Loi 96.
En entrevue avec ONFR+, le député Housefahter précise qu’il ne souhaite pas supprimer la mention de la Charte de la langue française à la partie de la Loi concernant l’usage du français dans les entreprises privées de compétence fédérale. Il s’agirait seulement des deux mentions à la Loi sur les langues officielles.
Outre sa collègue Patricia Lattanzio qui est au Comité des langues officielles, il ne mentionne pas l’identité des autres députés qui l’appuient dans sa démarche. Il ajoute s’inquiéter que toute future contestation judiciaire pour donner plus de pouvoirs au gouvernement du Québec pourrait s’inspirer de la Loi C-13.
Justin Trudeau a toutefois contredit cette position en soulignant l’importance de l’imposition d’une telle mesure aux entreprises fédérales pour qu’elles « respectent le principe du français d’abord au Québec ainsi que dans les communautés du pays où on parle français ».
« C’est une façon de protéger le français d’un bout à l’autre du pays, et on en est fier », a affirmé le premier ministre à la période des questions mercredi.
Avancer à pas de tortues
Mardi avait lieu la première réunion consacrée à l’étude de chaque amendement du projet de loi au Comité des langues officielles qui a finalement été consacré, en bonne partie, aux discours de députés en défense des anglophones du Québec.
Pour le moment, seul un amendement, qui a été rejeté, a été officiellement débattu. Il en reste près de 200 à débattre avec près de 14 heures de séances restantes, s’il n’y a pas d’ajout. La prochaine séance est prévue à la fin janvier après que la Chambre des communes a ajourné ses activités hier.
Mardi, le député libéral de Westmount Marc Garneau, qui n’est pas membre du Comité, avançait qu’il s’agirait « d’une grande erreur… de laisser le champ libre au Québec pour faire tout ce qu’il pourrait vouloir faire en matière de langue au Québec ».
Sa collègue Patricia Lattanzio allait dans le même sens pointant vers l’utilisation de la clause dérogatoire dans la Loi 96.
« La Loi 96 est à l’abri de toute contestation de la minorité anglophone, ce qui pose un grave problème et une référence à celle-ci dans une loi fédérale est une inquiétude considérable pour cette communauté. »
Au début novembre, les libéraux avaient tenté d’accélérer l’adoption de C-13, car il y avait urgence d’agir pour freiner le déclin du français au pays, selon la ministre des Langues officielles. Les communautés francophones du pays, dont la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) presse depuis des mois le gouvernement d’agir au plus vite dans ce dossier. Approchée par ONFR+ à la sortie du caucus libéral mercredi, la ministre Petitpas Taylor a refusé de répondre à nos questions.
De son côté, le député de l’Est ontarien Francis Drouin évite de critiquer ses collègues anglophones du Québec affirmant être en mauvaise situation « en tant que Franco-ontarien, de commenter les affaires du Québec ».
« C’est certain qu’il y a des inquiétudes au niveau de la communauté anglophone, mais il ne faut pas que ça vienne aux dépens des communautés francophones hors Québec (…) Il faut que ça l’avance », presse le membre du comité et représentant libéral de Glengarry–Prescott–Russell.
Cet article a été mis à jour le 15 décembre à 17h13.