Le comité directeur du Regroupement communautaire pour une école secondaire de langue française, Ottawa-Centre, fait appel à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, afin que le gouvernement provincial finance l'ouverture d'une école secondaire pour plus de 700 ayants droits. Photo : Canva

OTTAWA – Un groupe de parents dépose une requête devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour la construction d’une école secondaire francophone en centre-ville d’Ottawa. Depuis 2019, les parents concernés ont tenté de sensibiliser le gouvernement provincial à l’urgence de cette demande. En raison de l’inaction de la province et du silence du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario, André Poulin-Denis, Mathieu Mault et Patrick Clermont ont déposé une requête constitutionnelle le 23 mai, exigeant que ces deux entités agissent sans délai.

La requête judiciaire vise à reconnaître que l’absence d’une école secondaire de langue française à Ottawa-Centre viole les droits linguistiques garantis par la Charte canadienne. Les plaignants demandent au gouvernement de collaborer avec le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO) pour ouvrir une école dans les plus brefs délais.

Les parents d’élèves d’Ottawa, représentés par André Poulin-Denis, Mathieu Mault, et Patrick Clermont, ont déposé cette requête contre le gouvernement de l’Ontario, invoquant l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils demandent à la Cour supérieure de justice de rendre une déclaration sur leur cas.

Patrick Clermont est père de deux enfants à Ottawa. Un de ses enfants se trouve dans une école élémentaire en centre-ville et son deuxième traverse la ville pour apprendre dans une école secondaire francophone loin du domicile.

Patrick Clermont fait partie des trois parents qui poursuivent la province. Gracieuseté de Patrick Clermont

« J’ai grandi au Québec et si vous m’aviez dit que dans mon futur, un jour, je m’adresserais à la Cour pour faire en sorte que mes enfants aient accès à l’éducation en français, je serais tombé en bas de ma chaise », déclare-t-il en entrevue avec ONFR.

« Depuis que j’habite à Ottawa, je suis beaucoup plus conscient des réels risques d’assimilation. La situation qu’on vit en ce moment, elle est réelle. »

Il est temps de passer à l’action

« Il est minuit moins une, estime Patrick Clermont. Nous savons qu’il existe une réelle opportunité avec l’investissement historique de 1,3 milliard de dollars annoncé par le gouvernement de l’Ontario. »

Au début du mois d’avril, la province débloquait cette somme pour financer la construction et l’agrandissement de 60 écoles dans la province.

Le regroupement communautaire pour une école secondaire de langue française à Ottawa-Centre par l’entremise de Jennifer Larocque, et Patrick Clermont en entrevue avec ONFR, explique que « devant le manque d’éléments concrets, on ne voit pas vraiment d’autres avenues que de se tourner vers la Cour ».

Depuis la création de leur regroupement en 2019 et malgré les récentes demandes formulées par les parents et le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO), le gouvernement ontarien n’a pas montré d’intérêt pour leur cause. Patrick Clermont, l’un des porte-parole, affirme : « Nous pouvons démontrer de manière très objective que la construction de cette école entraînera automatiquement l’arrivée d’élèves. »

L’avocat David Taylor, associé chez Conway Baxter Wilson et en charge du dossier devant la Cour, qualifie ce nouveau rebondissement de crucial. « La première phase est de prouver que les parents ont raison, explique-t-il. Il y a une obligation constitutionnelle de fournir une école homogène de langue française pour ce nombre d’élèves. »

David Taylor est l’avocat en charge du dossier. Il entend bien faire valoir l’article 23 de Charte canadienne des droits et libertés. Photo : gracieuseté de David Taylor

Le nombre d’enfants admissibles pour une école secondaire dans le secteur Ottawa-Centre est estimé à 721 élèves. Il y a actuellement 1 655 enfants de 12 à 17 ans dans la zone de fréquentation Ottawa-Centre, une zone de 40 km sans école secondaire de langue française, mais avec deux écoles élémentaires francophones. Selon les projections, le nombre d’enfants francophones dans cette zone dépassera les 1 850 au cours de la prochaine décennie, d’après l’avis de requête soumis à la Cour supérieure de justice.

Carte de la zone de l’emplacement des écoles à Ottawa.
Photo : secondaireottawacentre.ca

Face à l’urgence de construire une école pour éviter la perte de ces francophones au profit de l’assimilation, l’avocat souligne que c’est au gouvernement provincial et au CEPEO de passer à l’action. « Ce n’est pas aux parents de fournir les dessins architecturaux, de rechercher les permis de zonage ou de trouver le terrain, insiste-t-il. C’est vraiment le travail du gouvernement. »

L’autre aspect important que soulève M. Taylor, c’est que dans cette requête judiciaire, il sera attendu que le ministère de l’Éducation et le CEPEO rendent compte dans six mois au plus tard ou dans une période appropriée à la Cour.

Pas de résultat sans grands moyens

Si la priorité est l’ouverture rapide d’une école secondaire francophone pour répondre aux besoins de la communauté d’Ottawa-Centre. Le processus pourrait prendre du temps. L’avis de requête, déposé le 23 mais, sera suivi de déclarations sous serment et d’interrogatoires. Une fois les preuves réunies, les parties soumettront des mémoires avant une audience pouvant arriver en 2025.

Les parents sont ouverts à des discussions avec la province et le CEPEO pour résoudre le problème en dehors des tribunaux.

Jennifer Larocque est membre du regroupement pour une école secondaire au cœur du centre-ville. Photo : Gracieuseté de Jennifer Larocque

À préciser que la demande concerne une école secondaire publique et non catholique. Selon le recensement de 2021, seul un quart des enfants ayants droit dans Ottawa-Centre sont catholiques, ce qui signifie qu’il y a trois fois plus d’enfants non-catholiques admissibles à l’éducation en français.

D’après Mme Larocque, ce que les parents veulent maintenant, c’est une promesse d’engagement du ministère de l’Éducation, « qu’ils vont financer et faire partie de la solution, mais aussi un engagement de la part du conseil avec des échéances concrètes. Chaque cohorte qui termine la sixième année représente une perte supplémentaire pour la communauté francophone et pour les effectifs du système de langue française de l’Ontario. »

Jennifer Larocque, mère de famille et membre du regroupement de parents, insiste : « Pour la pérennité de la langue et pour le bien de ces enfants et ces familles qui ont choisi de poursuivre leur éducation en français dans le secteur Ottawa-Centre, il faut une solution immédiate. »

Dans les prochaines semaines, lorsque le ministère de l’Éducation et le CEPEO auront nommé leurs avocats, David Taylor entamera les démarches pour faire valoir les droits constitutionnels de ces ayants droit devant un juge.

L’urgence pour les parents est qu’une décision soit prise avant que l’enveloppe de 1,3 milliard de dollars ne soit épuisée.