Difficile d’allier sport de haut niveau et études en français dans les petites universités
[SPORT UNIVERSITAIRE]
En dehors de la capitale fédérale et de l’Université d’Ottawa, il est bien difficile de combiner sport de haut niveau et études en français. Suite de notre dossier sur le sport universitaire avec quatre institutions majeures qui offrent des programmes d’étude en français : l’Université de l’Ontario français à Toronto, les universités de Hearst, de Sudbury et Laurentienne dans le Nord de la province.
Sur ces quatre institutions, seule la Laurentienne possède un programme sportif évoluant dans le U Sports. Dans l’ombre de sa voisine, l’Université de Sudbury (qui n’offre plus de programmes actuellement) ne se consacre pas au sport.
En ce qui concerne Hearst, le manque de moyens fait qu’il est très compliqué de se doter des infrastructures nécessaires propices à la performance sportive de haut niveau, comme l’explique le recteur, Luc Bussières.
« On a 330 étudiants répartis sur trois campus qui sont à 3 h l’un de l’autre, donc c’est difficile d’avoir une masse critique assez importante pour ça. Mais on a eu il y a quelques années un groupe très motivé parmi nos étudiants africains pour constituer une équipe de football. Un de nos campus étant doté d’un gymnase, ils ont été capables de s’entrainer en salle et de terminer deuxièmes d’un tournoi provincial. »
Et d’ajouter : « Ça restait l’initiative d’une poignée d’individus. Nous autres on a toujours dit : « si vous avez un projet, si vous avez un plan, on va vous appuyer ». C’est ce qu’on avait fait cette année-là, juste avant la pandémie. Au-delà de ça, il n’y a pas de projet du fait de nos limitations importantes. »
Fabrice Marvin Zongo, une histoire d’abnégation
Une autre initiative personnelle, celle-ci plus marquante qui a abouti à une participation en U Sports, a eu lieu sur le campus de Hearst. C’est celle de Fabrice Marvin Zongo. Arrivé du Burkina Faso en février 2019 à Hearst, ce jeune athlète qui pratiquait l’athlétisme depuis son plus jeune âge dans son pays natal avait pour objectif de combiner ses études et le sport au Canada. Mais il s’est vite rendu compte que cela allait s’avérer difficile à Hearst.
« Quand je suis arrivé, dans ma tête c’était sport-études ou rien », confie-t-il. Face à cette situation compliquée, il n’a pas baissé les bras et a tout de même réussi à trouver un entraîneur et à se préparer avec les moyens du bord.
Il a même réussi à s’inscrire à une compétition U Sports qui avait lieu à Toronto. C’est là qu’il a été en mesure d’attirer l’attention des programmes sportifs ontariens. Il a dû ensuite faire le choix de quitter Hearst pour poursuivre son ascension sportive. Là encore, il a dû faire face à des problématiques importantes qui l’ont mené à la Laurentienne.
« C’était important pour moi de pouvoir poursuivre mes études en français, parce qu’en anglais je n’étais pas très à l’aise à l’époque – maintenant ça va beaucoup mieux. Je me suis dit que, vu que c’est une université bilingue, ça allait être facile pour moi de m’intégrer et de trouver une communauté francophone. C’est vraiment la raison principale pour laquelle je suis venu ici. »
Fabrice Marvin Zongo n’a pas été en mesure de retrouver le même programme d’étude que celui qu’il suivait à Hearst (étude des enjeux humains et sociaux0, mais il a tout de même pu s’y retrouver. « Je voulais faire droit et justice depuis bien longtemps, donc ça a été une bonne occasion pour moi de changer. J’ai pu transférer mes crédits après deux ans à Hearst. C’était aussi une des conditions pour venir à la Laurentienne, car je ne voulais pas prendre de retard. Ils ont réussi à convertir et cela m’a donné de l’avance pour pouvoir finir mon bachelor. »
L’histoire de Fabrice Marvin Zongo se finit bien avec un transfert réussi dans une université qui lui a permis de continuer à étudier en français tout en pouvant évoluer au plus haut niveau universitaire sur le saut en longueur et le triple saut, ses disciplines de prédilection. L’athlète se dit redevable des efforts de la direction de Hearst qui l’a toujours soutenu dans ses projets sportifs malgré des moyens limités.
Pour Luc Bussières, accompagner l’étudiant dans ses objectifs, quitte à le voir quitter son établissement, s’est fait de manière naturelle.
« On avait quelqu’un devant nous qui poursuivait un rêve et qui avait un potentiel incroyable. Donc on l’a suivi dans sa carrière, dans sa poursuite des résultats sportifs. On aimait le saluer et l’encourager. C’était à lui qu’on pensait d’abord. C’est une chose qu’on doit se rappeler : on travaille pour nos institutions mais on travaille aussi pour l’ensemble de la francophonie. »
Si la Laurentienne a fait figure de transition parfaite avec un programme adapté pour Fabrice Marvin Zongo, le lundi noir en février 2021 avec la suppression de 28 programmes en français a quelque peu réduit les opportunités pour les athlètes franco-ontariens.
Un vide abyssal dans la région de Toronto
Surtout que dans la région du Grand Toronto, l’Université de l’Ontario français, ouverte en 2021, n’a pas pour objectif de développer le sport universitaire dans ses premières années d’existence.
« Les éléments les plus saillants en ce moment sont le soutien au logement, les services de placement pour trouver des emplois et l’aide financière », cerne Gilles Fortin le vice-recteur de l’UOF. « Lorsqu’on fait la hiérarchie des besoins des étudiants, les activités sociales et sportives sont souvent celles qui arrivent le plus bas sur leur liste. Avec moins de 300 étudiants, les possibilités de faire des équipes de sport restent mince. « On va s’adapter aux besoins. Chaque année, nous faisons des sondages. Lorsque le besoin se fera sentir, on pourra faire quelque chose à cet effet », anticipe-t-il.
En plus du manque d’effectif et d’une priorité mise sur d’autres aspects de la vie étudiante, la problématique des infrastructures sportives revient, comme c’est le cas pour l’Université de Hearst.
« Pour le moment, nous louons des espaces au centre-ville, donc nous n’avons pas d’installation qui permettrait de développer les programmes. Nous n’avons d’ailleurs pas de programme liés nécessairement au sport universitaire. »
Les étudiants athlètes franco-ontariens de la région du Grand Toronto n’ont donc pas vraiment le choix que de poursuivre leurs études en anglais dans les grands programmes sportifs tels que ceux des Universités de Toronto et York, ou de s’éloigner de la région pour aller à Hamilton, Laurier, Guelph, voire Windsor.
Nipissing pôle anglophone d’athlètes francophones
Ils vont même parfois jusque dans le Nord de l’Ontario, où il est difficile de passer à côté d’un pôle important d’athlètes franco-ontariens qui poursuivent leurs études en anglais, mais se retrouvent en grand nombre du côté de l’Université de Nipissing, à North Bay.
« Près de 20 % de nos athlètes sont franco-ontariens, indique Robb Fenton, responsable de l’information sportive de Nippissing. Notre meilleure joueuse de hockey, Oceane Raymond-Leduc (native d’Ottawa), est Franco-Ontarienne ainsi que nos entraîneurs de hockey masculin et féminin et celui de volley féminin. »
Cette part importante d’athlètes non seulement francophones, mais surtout bilingues s’explique par un grand nombre de communautés où l’on parle le français dans les alentours de l’université. « Entre ici, Sudbury et le Nord, il y a beaucoup de régions et villes à forte présence francophone. Beaucoup de nos athlètes viennent de ces endroits », précise-t-il.
Historiquement, Nipissing a brillé en volley féminin et masculin notamment dans ses années où elle évoluait dans la ligue collégiale (OCAA en anglais) et les premières années de son équipe de hockey masculine. Aujourd’hui, elle attire grâce à ses bons résultats en hockey et soccer féminins ainsi que par son équipe de ski nordique.