Éducation sexuelle : le gouvernement privilégie des changements mineurs

Crédit image: Thinkstock

TORONTO – À dix jours de la rentrée scolaire, le gouvernement a dévoilé plusieurs changements mineurs dans le programme élémentaire d’Éducation physique et santé qui englobe l’éducation sexuelle, un domaine que le premier ministre promettait de réformer depuis un an.

Annoncée comme étant la plus vaste jamais menée en Ontario, la consultation provinciale sur le système d’éducation, débutée à l’automne dernier, a conduit le gouvernement à finalement privilégier des changements en douceur.

Mis à part quelques nouveautés comme le vapotage en 4e année, les opioïdes en 6e  et le cannabis en 8e, peu de changements interviennent pour les élèves des écoles élémentaires. Contesté par une frange conservatrice, l’orientation sexuelle et l’identité de genre seront bien enseignées à la rentrée, mais décalées de deux ans, pour être abordées respectivement en 5e et  8e années.

Le reste des contenus (puberté, appareil reproducteur, consentement et abstinence) demeure pour l’essentiel inchangé. Ce qui fait dire au porte-parole néo-démocrate, Michael Mantha, que « le gouvernement a dépensé un million de dollars pour mener une consultation inefficace ».

Selon le député francophone néo-démocrate d’Algoma-Manitoulin, la grande consultation lancée par le ministère « n’a fait que conforter les attentes des parents dans ce qu’on retrouvait déjà dans le précédent curriculum ».

« Ces changements minimes sont une victoire des parents. M. Ford a voulu faire plaisir à son parti et, maintenant, il va devoir répondre de sa politique à tout le monde car presque rien n’a changé. »

« Un affront fiscalement irresponsable »

Le ministère de l’Éducation, de son côté, met l’accent sur l’arrivée de nouveaux apprentissages, prenant en compte les « réalités de la vie des élèves d’aujourd’hui », en insistant sur la portée plus large du programme, pas seulement limité à l’éducation sexuelle, mais élargi à la santé dans tous ses aspects. Les commotions cérébrales, le respect de la diversité, la cybersécurité et la prévention de l’intimidation font en effet leur entrée dans le curriculum 2019-2020.

La députée d’Ottawa-Orléans, Marie-France Lalonde. Archives ONFR+

La députée libérale d’Ottawa-Orléans estime qu’« après toute l’agitation, l’anxiété, les sous dépensés, on revient au curriculum développé par le gouvernement libéral, en 2015, et critiqué par idéologie. Ça illustre un manque de vision qui, à quelques jours de la rentrée, est un manque de respect envers les enseignants qui ont autre chose à penser. C’est juste un show, un affront fiscalement irresponsable. »

Exemption : une approche plus formelle

Dans ce contexte, la difficulté pour les conseils scolaires va être de former les enseignants dans un laps de temps très court. Sur ce plan, Martin Bertrand se veut rassurant. « Ce programme ne représente que 10% du curriculum et ne concerne que le palier élémentaire », relativise le directeur de l’éducation du conseil scolaire Viamonde. « Nous avons le temps nécessaire pour nous ajuster », dit-il, voyant d’un bon œil le retour ou l’apport de thématiques nouvelles, comme la santé mentale et la cybersécurité.

Ce qui demandera plus d’efforts, en revanche, résidera surtout dans l’élaboration d’une procédure commune à tous les conseils scolaires, permettant aux parents d’exempter leurs enfants des cours d’éducation sexuelle.

« Ça va être un changement« , confie M. Bertrand. « Mais on a une marge de manœuvre pour aboutir. Ça na va pas se faire dès la rentrée, mais d’ici le mois de novembre. Auparavant, on invitait les parents à discuter pour démystifier les contenus. Il était rare qu’ils exemptent leurs enfants. Maintenant, ça va demander toute une planification. On compte toujours jouer notre rôle envers eux et les mettre à l’aise avec les notions clés de l’éducation sexuelle, dans un esprit de dialogue et d’ouverture. »

La santé mentale pointée du doigt

Le ministère met, enfin, à l’avant-scène un apprentissage approfondi des problèmes liés à la santé mentale, en y incluant un volet socio-émotionnel.

Pas suffisant aux yeux du député Mantha : « Les coupures en santé mentale prouvent que les priorités du gouvernement ne sont pas celles de la population. Cela se voit aussi dans la place qu’on donne à la santé mentale dans l’enseignement. Pourquoi a-t-on priorisé les besoins du gouvernement, avant de prioriser la santé et le bien-être des familles? » interroge l’élu, qui précise vouloir étudier plus en profondeur ce programme qui, à n’en pas douter, va animer la rentrée parlementaire.

Le député Michael Mantha. Source : Facebook

« Au Nouveau Parti démocratique (NPD), on va avoir une grosse discussion là-dessus en caucus à Thunder Bay, pour préparer notre retour à Queen’s Park. »

Mme Lalonde, quant à elle, reproche un manque de vision globale du gouvernement dans tout ce qui touche à la santé mentale. 

« Le gouvernement a voulu faire dérailler le curriculum de 2015, mais il faut rappeler qu’il avait été instauré après une consultation de plusieurs années, englobant les professionnels de la santé, comme les médecins et les infirmières, devant lesquels les élèves se retrouvent en cas de problème de santé ». Or, « les coupures budgétaires en santé mentale ont eu un impact extraordinaire dans la province dont on verra les effets plus tard ».