Élections : un vote francophone en milieu minoritaire à saveur libéral?

Les promesses de Justin Trudeau et des libéraux en langues officielles. Avertissement : Le site contient une vidéo Youtube qui peut présenter certains obstacles à l'accessibilité.
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ONFR+ a demandé l’avis à trois politologues pour savoir vers qui et comment le vote francophone en milieu minoritaire pourrait pencher. Selon ces derniers, le Parti libéral pourrait bien être encore le choix de prédilection des francophones hors Québec.

En Ontario, le vote francophone est surtout concentré dans la région d’Ottawa et le Nord. Si des circonscriptions de la capitale canadienne comme Ottawa-Vanier et Orléans devraient rester en rouge, dans Glengarry–Prescott–Russell en revanche, qui compte près de 60 % de francophones, la course est au coude à coude entre les bleus de Susan McArthur et les libéraux du sortant Francis Drouin.

Dans le Nord, le duel est aussi serré, notamment dans le Grand Sudbury où les deux territoires électoraux (Sudbury et Nickel Belt) sont le théâtre d’une chaude lutte entre libéraux et néo-démocrates. À Sudbury, la politologue Geneviève Tellier croit que l’impact du vote francophone pourrait déterminer la victoire entre Nadia Verrelli du NPD et la libérale Vivianne Lapointe.

« À Sudbury, je pense que Jagmeet Singh a fait une gaffe importante sur la question de l’Université Laurentienne et ça ne doit certainement pas aider sa cause et celle du NPD dans Sudbury. Si la candidate du NPD gagne, j’ai l’impression que c’est parce que d’autres enjeux auront été importants et la question francophone aura moins pesé qu’on l’aurait pensée », croit la professeure de l’Université d’Ottawa.

La canidate du NPD dans Sudbury Nadia Verrelli avec son chef Jagmeet Singh et un partisan. Crédit : Pascal Vachon

Ces luttes serrées amènent un poids supplémentaire au vote francophone, selon cette dernière.

« Chaque vote compte, surtout si un candidat est capable d’aller chercher l’enjeu qui pourrait faire une différence. Naturellement, les francophones qui s’intéressent aux questions linguistiques vont voter davantage pour les libéraux, mais il faut dire que ce n’est pas juste les francophones qui votent en fonction de la question linguistique. »

Une chose ressort toutefois : le vote conservateur est moins populaire chez les Franco-Ontariens, ce qui ne surprend pas Mme Tellier qui y voit l’ombre du premier ministre ontarien derrière ça.

« Regardez ce qui s’est passé dans l’Est ontarien. On a essayé Amanda Simard et on a eu une mauvaise surprise. Je pense qu’on peut être un peu échaudé et aller davantage vers la visite qu’on connait, même si c’est imparfait, plutôt que d’aller vers l’inconnu et faire le pari pour se retrouver avec moins de choses qu’auparavant, comme c’est arrivé avec Doug Ford. »

C’est un peu le contraire dans l’Ouest canadien qui est probablement l’un des seuls endroits où les francophones en situation minoritaire sont les plus ouverts au vote conservateur, note Frédéric Boily.

« Le blocage que pourrait avoir certains francophones face aux conservateurs en raison des positions sur le bilinguisme a un peu disparu. Ça n’a pas complètement disparu, mais c’est moins fort qu’auparavant. Même les conservateurs sous Erin O’Toole s’engagent à moderniser la Loi sur les langues officielles. On n’est plus dans une position où les libéraux sont les seuls garants du bilinguisme », avance le professeur en sciences politiques au Campus Saint-Jean.

Un vote libéral pour les Acadiens

Au Nouveau-Brunswick, c’est surtout dans des régions comme Acadie–Bathurst, Beauséjour et Madawaska–Restigouche que le vote francophone est très ressenti. Ces trois circonscriptions qui comptent entre 60 % à 85 % de francophones sont représentées par des Acadiens libéraux qui n’ont pas à craindre pour leur poste selon le site d’élections Qc125.

« La vie politique fait en sorte que les Acadiens se sentent plus représentés par les libéraux au niveau provincial et fédéral. Dans d’autres régions en Ontario et dans l’Ouest, les francophones sont aussi plus près des libéraux. Par contre, ça n’empêche pas que les francophones votent conservateur… Mais dans cette élection, il n’y a rien qui indique que le vote francophone tourne le dos aux libéraux », observe Roger Ouellette, professeur à l’Université de Moncton.

En dehors du Nouveau-Brunswick, le professeur ne voit pas beaucoup de poids pour les francophones outre le comté de Nova-Ouest, défendu par le conservateur et Acadien, Chris d’Entremont.

« Mais oublions ça à Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard, c’est très marginal et en Nouvelle-Écosse, c’est vraiment dans Nova-Ouest qu’on verrait une certaine représentation francophone. Il y a une petite communauté francophone à Halifax, mais ça reste marginal quand même. »

Ouest canadien

Pour M. Boily, c’est surtout au Manitoba dans les alentours de Winnipeg que les francophones peuvent avoir un certain poids, notamment dans Saint-Boniface–Saint-Vital. Dans ce comté à 12 % francophone, le Franco-Manitobain Dan Vandal est quasi assuré d’une réélection sous la bannière libérale. Le portrait est toutefois un peu différent ailleurs.

« En Alberta, le vote francophone est très dispersé au niveau démographique. Il n’y a pas de régions avec des concentrations très fortes même si dans le Nord, il y a des villages francophones. Pour avoir un impact politique vraiment important, il faudrait qu’il y ait une forte concentration de francophones. Par contre, dans la circonscription d’Edmonton-Strathcona, le vote francophone à un certain poids, car c’est un des rares endroits où le vote francophone est concentré (…). En Saskatchewan, c’est encore plus marginal, car ce n’est pas une francophonie nombreuse et c’est dispersé dans l’espace géographique. Leur vote compte, mais ils ne forment pas un bloc qui peut peser sur l’élection. »

Le député sortant de Saint-Boniface–Saint-Vital. Dan Vandal. Gracieuseté

Ce dernier ne voit pas beaucoup de changements dans l’Ouest le jour de l’élection. Les conservateurs devraient encore une fois remporter la majorité des comtés, mais il prévoit des courses plus serrées dans certains des grands centres urbains comme Calgary et Edmonton.

En Colombie-Britannique, comme en Alberta, le vote francophone est trop éparpillé, croit-il. De plus, c’est l’incertitude totale dans la province côtière, alors qu’une triple égalité semble se dessiner.

« C’est tellement serré que c’est difficile à prévoir surtout à cause du vote vert qui est incertain. Je crois qu’Annamie Paul n’est pas encore allée à Vancouver et ça laisse une drôle d’impression alors qu’habituellement le vote pour le Parti vert est fort en Colombie-Britannique. Ça pourrait ne pas être le cas cette fois et ça pourrait profiter aux libéraux. Même si ça a l’air d’être 30 %-30 %-30 % dans les intentions de vote, ça pourrait se traduire par un appui plus important du côté libéral ou néo-démocrate. »

Verdict le 20 septembre.