Énoncé économique : vers un second « jeudi noir »?

Le premier ministre Doug Ford. Archives ONFR+

[ANALYSE] 

TORONTO – Les deux derniers énoncés économiques du gouvernement ontarien avaient eu plus de répercussions que les dépôts du budget. Dans ces conditions, on attend beaucoup de celui qui sera dévoilé mercredi à Queen’s Park. Cette mise à jour des comptes du gouvernement, à mi-chemin entre deux budgets, parle un peu de projets, de lignes directrices, et surtout de chiffres.

En novembre 2017, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne avait sorti les bonbons en vue des élections prochaines : feu vert à l’université franco-ontarienne et officialisation du statut bilingue de la Ville d’Ottawa annoncés au cours de l’énoncé économique.

Un an plus tard, l’équipe conservatrice de Doug Ford avait profité de ce même énoncé pour sortir la hache. Les Franco-Ontariens n’oublieront jamais ce « jeudi noir » du 15 novembre 2018 où le commissaire aux services en français et l’Université de l’Ontario français passaient à la trappe.

Les coupes ne se limitaient pas aux francophones, puisque Doug Ford en profitait aussi pour se débarrasser du commissaire à l’environnement et de l’intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes.

12 mois après, un nouveau scénario catastrophe est-il envisageable? Probablement pas. D’une, le premier ministre de l’Ontario n’a pas le choix d’effectuer un virage vers le centre s’il veut garder une chance de conserver le pouvoir en 2022. La déroute subie par le Parti conservateur d’Andrew Scheer en Ontario lors des dernières élections fédérales est en partie la résultante de la frustration contre Doug Ford. Le message est clair : il faut changer son fusil d’épaule.

Par ailleurs, l’équipe Ford a donné de nouvelles estimations budgétaires. Après avoir rabâché pendant des mois le fameux 15 milliards de dollars hérités des libéraux, le ministère des Finances a fait état d’un chiffre de 7,4 milliards, en septembre. Une donnée revue à la baisse qui semble à priori éloigner le spectre de coupes massives.

Le climat politique n’est pas non plus propice à l’affrontement. Le gouvernement est actuellement engagé dans le processus de négociations avec les syndicats d’enseignants. Ce n’est donc pas vraiment le moment d’annoncer moins de moyens pour l’Éducation.

Le contenu de l’énoncé à prévoir 

Qu’attendre alors de cet énoncé économique? Le ministre des Finances, Rod Phillips – entré en fonctions seulement au mois de juin – devrait donner une nouvelle estimations du déficit, et peut-être livrer les grandes lignes pour atteindre le but recherché : l’équilibre budgétaire en 2023.

Il y a fort à parier que le ton sera nouveau. M. Phillips préférera sans doute parler de la nécessité d’une compétitivité économique plutôt que du « gaspillage des 15 ans au pouvoir des libéraux ». C’est en tout cas le discours qu’il avait choisi devant les membres du Club Canadien, le 10 octobre.

Des atouts encore pour Ford 

L’énoncé économique ne pourrait être en somme qu’une mince parenthèse dans une année 2019 très compliquée pour Doug Ford. Mais il serait faux de voir les deux ans et demi de pouvoir restants comme un lent déclin de la Ford Nation.

Le premier ministre bénéficie encore de deux atouts sérieux dans sa manche. Le premier : les difficultés de la chef néo-démocrate Andrew Horwath d’incarner une vraie opposition, tandis que le Parti libéral reste en lambeaux. Secondo, Doug Ford dans son imprévisibilité conserve la capacité de faire des volte-face, et suivre le sens du vent avec comme conséquences… le meilleur comme le pire.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 4 novembre.