État d’urgence : l’opposition accuse Ford d’opportunisme politique

Les manifestations à Ottawa se poursuivent
Crédit image : Simon Lefranc

Suite aux annonces successives du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, relatives à l’instauration de l’état d’urgence dans la province puis, trois jours après, de l’annulation pure est simple du passeport vaccinal à partir du 1er mars prochain, l’opposition est montée aux barricades. Celle-ci dénonce une politique à deux poids deux mesures, tout en brandissant la situation qui perdurent à Ottawa comme preuve.  

La politologue et professeure à l’École d’études politiques de l’université d’Ottawa, Geneviève Tellier, nous le disait dans une récente entrevue : « C’est la méthode forte qui est sans doute la mieux pour Doug Ford au vu des prochaines élections. Je serais très surprise qu’il ne l’emploie pas pendant les prochains jours. »

C’est chose faite, Doug Ford a instauré l’état d’urgence dans l’ensemble de la province vendredi dernier. Une mesure qui a conféré aux autorités compétentes le pouvoir requis afin de déloger, manu militari, les manifestants qui obstruaient le passage frontalier sur le pont Ambassador, à Windsor.

Geneviève Tellier, politologue et professeure à l’École d’études politiques de l’université d’Ottawa. Gracieuseté

« Doug Ford ne s’est jamais gêné pour critiquer ou condamner avec virulence ceux qui ont un comportement que l’on pourrait questionner. On l’a bien vu pendant l’apogée de la pandémie, et les gens ont aimé ça. Donc il a tout à gagner à le refaire », explique la politologue.

Ottawa, la laissée pour compte

Toutefois, un constat s’impose de lui-même, si la situation à Windsor n’a pas tardé à être débloquée, celle à Ottawa perdure malgré un état d’urgence applicable sur toute la province.

« Pourquoi le gouvernement a attendu si longtemps pour déclarer l’état d’urgence, on est à la troisième semaine d’occupation à Ottawa. On a vu le succès qu’ont eu les policiers à Windsor, je ne comprends pas pourquoi on ne fait pas autant à Ottawa. Cette ville est en Ontario et pas au Québec, à ce que je sache », ironise le porte-parole aux Affaires francophones de l’opposition officielle, Guy Bourgouin.

Guy Bourgouin, porte-parole aux Affaires francophones de l’opposition officielle. Archives ONFR+

Et de reprendre sur un ton plus ferme : « La ville d’Ottawa souffre, et elle a assez souffert comme ça. Pourquoi on n’y met pas les mêmes moyens que ceux déployés à Windsor? Qu’est-ce qu’on doit comprendre? Que quand il s’agit d’intérêts économiques, le gouvernement réagit, mais quand il s’agit de citoyens qui passent par des moments durs ou qui se sentent menacés, il prend son temps. »

Même son de cloche sur le banc des libéraux. « Les intérêts économiques que représente la situation à Windsor ont réveillé le gouvernement. Par contre, ici à Ottawa, rien a changé sur le terrain. À l’heure où je vous parle, les policiers sont débordés, ils ne semblent pas en mesure de gérer le nombre de manifestants », déplore Lucille Collard, députée libérale d’Ottawa-Vanier.

« Opportunisme politique », scande l’opposition

L’autre sujet suscitant l’ire de l’opposition qui a suivi l’annonce de l’état d’urgence en Ontario puis l’évacuation du blocus de Windsor qui en a découlé, réside dans le « hasard » du calendrier électoral.

En effet, au premier abord, cette mesure paraît contraster avec le silence du premier ministre sur le plan médiatique depuis le début des manifestations et que ses adversaires politiques n’ont pas manqué de dénoncer à maintes reprises. Ces derniers lui reprochent d’avoir effectué une volte-face dictée par un calcul politique en prévision des prochaines élections provinciales.  

« Il y a de quoi se questionner sur la solidité des principes qui guident les décisions de M. Ford. Des décisions qui donnent l’impression d’être ajustées à la direction dans laquelle souffle le vent de la popularité. Peut-être qu’il a voulu au début protéger le vote des camionneurs, puis il s’est rendu compte que la situation est beaucoup plus sérieuse et que la population générale est contre ce mouvement », avance Lucille Collard.

La députée libérale Lucille Collard
La députée libérale Lucille Collard. Archives ONFR+

Et de poursuivre : « M. Ford sait utiliser les moyens à sa disposition quand il est acculé au pied du mur et c’est ce qu’il a fait. Avec les élections qui s’en viennent, on peut parler d’opportunisme politique. Le premier ministre est en compagne de séduction. »  

Ceci dit, au niveau fédéral, le premier ministre libéral Justin Trudeau a lui aussi déclenché des mesures d’urgence, en invoquant ce lundi la Loi sur les mesures d’urgence, une manœuvre qui doit offrir plus d’options afin de faire cesser les manifestations à Ottawa.