Fierté dans la capitale : « On doit respecter toutes les parties de nos identités, » dit le francophone Francesco MacAllister-Caruso
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Francesco MacAllister-Caruso est coprésident du conseil d’administration et directeur des affaires francophones de Fierté dans la capitale.
LE CONTEXTE :
Le festival de Fierté dans la capitale a lieu du 19 au 27 août un peu partout dans la région d’Ottawa. Le défilé de la fierté se tiendra le 27 août.
L’ENJEU :
En tant que Franco-Ontarien, Francesco travaille à améliorer l’offre et l’accessibilité aux activités de Fierté dans la capitale pour les francophones LGBTQ+. Iel nous parle aussi de l’importance des activités de la fierté dans le contexte social actuel.
« Quel est l’historique de Fierté dans la capitale?
Notre organisation a été créée à partir d’un organisme précédent qui avait fermé ses portes. Nous avons ouvert les nôtres en 2015. Depuis ce temps, nous organisons le défilé et le festival de la Fierté en été. Depuis 2019, nous organisons aussi la fierté hivernale en janvier et février.
Quelle est l’importance de Fierté dans la capitale dans la communauté LGBTQ+?
La fierté était d’abord un mouvement de protestation contre les injustices. À mesure qu’on a gagné des droits, c’est aussi devenu un moyen de célébration pour se rappeler nos victoires précédentes. Mais aujourd’hui, on voit une montée de la haine anti-queer et surtout, anti-trans. La fierté est un bon rappel qu’il faut continuer à lutter.
À Ottawa, on fait ça à la fin août parce que c’est l’anniversaire de la manifestation We Demand (1971), la première manifestation canadienne à grande échelle à exiger des droits queers et trans.
Ottawa n’a pas échappé aux manifestations anti-drag dans les derniers mois. Comment réagissez-vous en tant qu’organisme?
Ça nous désole de voir qu’on fait encore face à cette haine-là. Des droits qui ont été décidés il y a bien longtemps réapparaissent dans le »débat public ». Nous avons vu nos propres événements se faire cibler par des groupes d’extrême droite. Nous avons aussi vu des membres de la communauté se faire lancer des jurons, se faire battre et voler. Nous insistons sur le besoin de continuer de lutter tout en continuant de célébrer.
Quels sont les événements phares de la programmation?
La programmation se veut un espace où tout le monde peut se sentir accueilli et à l’aise. L’événement que tout le monde connaît est le défilé de la fierté. Mais il y a aussi, par exemple, le concours de la fierté, où des artistes drags vont compétitionner pour différents titres, plusieurs activités familiales, des estrades communautaires accessibles gratuitement, etc. Il y a aussi des activités plus ciblées sur la sensibilisation : un panel de discussion sur les droits trans, un atelier sur la fierté dans les milieux de travail.
En quoi consiste votre travail pour bonifier l’offre francophone?
Les espaces qui se disent bilingues sont souvent des espaces anglophones qui ajoutent des affiches en français, souvent mal traduites. Ma mission est de m’assurer que l’offre est concrète. On a des activités en français et des partenariats avec des organismes communautaires pour soutenir leur programmation.
Par exemple, on travaille avec Jeunesse Idem, un organisme de Gatineau qui organise des spectacles de drag francophones. Il y a d’autres exemples dans notre guide de la fierté.
D’un côté, on mise sur des événements propres aux francophones. De l’autre, on améliore notre communication générale. Je m’assure que tout est bien traduit, mais aussi qu’on parle de ce qui nous intéresse. On espère montrer aux francophones qu’être queer n’est pas obligé de se passer uniquement en anglais. On doit respecter toutes les parties de nos identités si on veut vraiment célébrer ensemble.
Vous vous identifiez vous-même comme fier Franco-Ontarien queer et non binaire. Comment se vit cette identité?
Le français est une langue explicitement genrée et très prescriptive. C’est difficile d’exprimer nos identités non binaires, mais ça se fait. Il y a une personne sur notre conseil d’administration qui est traducteur pour le gouvernement. L’un de ses projets préférés est de montrer comment on peut s’exprimer en français d’une façon moins genrée.
Par exemple, on fait de la sensibilisation sur l’utilisation des pronoms. En anglais, tu peux utiliser le they/them. En français, tu peux utiliser le iel, mais il faut aussi préciser les accords.
Dans les cercles plus prescriptifs, on a tendance à dire que le non genré vient de l’anglais et que ce n’est ni possible ni désirable en francophonie. Nous, on explique qu’il y a bel et bien des francophones non binaires. Ça vient de notre désir de s’exprimer dans notre langue, et non d’anglophones qui imposent leur vision.
Comment peut-on se poser en allié?
Une des façons, c’est d’intervenir quand on entend des propos haineux ou déplacés.
Juste un petit mot, comme : c’est blessant ce que tu viens de dire, voici pourquoi, et voici ce que tu pourrais dire à la place. Ce n’est pas tout le monde qui sera réceptif, mais le fait que les gens te voient intervenir, ça envoie un message clair comme quoi tu es une personne sécuritaire pour les personnes queers.
À part ça, c’est de nous laisser la place pour lutter comme on le croit. Assistez aux manifestations, surtout quand il y a des groupes d’extrême droite qui ciblent nos événements. Venez contre-manifester si vous le pouvez. Et si vous ne le pouvez pas, partagez sur les réseaux sociaux, parlez de l’importance de lutter pour ne pas laisser nos droits reculer.
C’est aussi pourquoi on a choisi le thème de cette année, qui est Crions notre fierté haut et fort. On veut rappeler aux gens que c’est important de ne pas se laisser intimider et d’être fiers de qui nous sommes, dans toute notre diversité. »