Financement : dépôt d’un projet de réforme à Queen’s Park
TORONTO – Le gouvernement libéral de l’Ontario veut bannir les contributions politiques des entreprises et des syndicats, limiter la publicité politique par des tiers et donner des allocations aux partis en fonction du nombre de votes qu’il récoltent lors d’élections générales.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
C’est ce qui ressort d’un projet de réforme du financement politique dans la province qu’a déposé le ministre Yasir Naqvi, mardi 17 mai.
« Il y a un large consensus autour de la nécessité d’agir », a déclaré M. Naqvi lors d’un point de presse à Queen’s Park. « Nous sommes confiants que cette proposition initiale sera la première étape d’une réforme en profondeur. C’est un point de départ », a ajouté le leader en chambre du gouvernement, ouvrant la porte à d’autres changements à la suite d’un « vaste processus de consultations ».
Le projet de réforme, pour lequel deux rondes de consultations publiques sont prévues, à l’été et à l’automne, pourrait avoir force de loi aussi tôt que le 1er janvier 2017.
Les libéraux de Kathleen Wynne proposent dans un premier temps de mettre fin aux contributions politiques des entreprises et des syndicats, comme c’est le cas notamment au niveau fédéral. Ils souhaitent aussi réduire les contributions maximales d’individus à 7750$ dans une année électorale, contre près de 20000$ à l’heure actuelle.
Rien n’empêcherait toutefois des entreprises et des syndicats de faire des dons presque aussi substantiels aux partis politiques par le biais de leurs employés, puisque les donateurs individuels ne seraient toujours pas tenus de divulguer le nom de leur employeur en vertu des nouvelles règles.
Par contre, le projet de réforme de M. Naqvi imposerait aux organisations qui financent des campagnes publicitaires à des fins politiques un plafond des dépenses de 600000$ six mois avant des élections générales, et de 100000$ pendant une campagne électorale. Il n’y a aucun plafond à l’heure actuelle.
Ce plafond des dépenses sur la publicité par les tiers ne s’appliquerait toutefois pas lorsqu’un gouvernement est minoritaire, puisqu’il est virtuellement impossible de prévoir la date des élections.
Allocation par nombre de votes
Pour amortir l’impact de la fin des contributions d’entreprises et de syndicats sur les finances des partis politiques, le clan Wynne voudrait aussi donner dès l’an prochain à toutes les formations officiellement reconnues par la province une allocation de 2,26$ par vote recueilli lors des dernières élections générales. Cette allocation diminuerait de 25% chaque année jusqu’en 2022 et ferait alors l’objet d’un examen.
« La démocratie n’est pas gratuite », a fait valoir M. Naqvi.
Le plafond des dépenses liées à des campagnes électorales demeurerait le même, c’est-à-dire 0,80$ pour chaque électeur dans toutes les circonscriptions électorales dans lesquelles un parti présente un candidat.
L’élimination des contributions d’entreprises toucherait autant les libéraux que les progressistes-conservateurs, qui reçoivent respectivement 44% et 43% de leur financement du secteur privé. L’élimination des contributions syndicales toucherait surtout les néo-démocrates, qui reçoivent 23% de leur financement des mouvements syndicaux.
« Je crois qu’il va y avoir moins d’argent dans le système politique. Et c’est une bonne chose », s’est réjoui le chef progressiste-conservateur Patrick Brown, le 17 mai. « S’il y a moins d’argent en jeu, il y aura moins de publicités négatives qui sont franchement néfastes pour notre démocratie. »
Les plus petites organisations, comme le Parti vert de l’Ontario, qui reçoit 99% de son financement de dons individuels, pourraient être avantagées par la réforme que propose le gouvernement libéral. Le chef de la formation écologiste, Mike Schreiner, voit d’ailleurs d’un très bon œil l’idée d’une allocation par nombre de votes, qui pourrait permettre à sa troupe d’engranger un peu plus de 525000$ l’an prochain.
« Nous subventionnons déjà les partis politiques à hauteur de 13 millions $ à travers des crédits d’impôts sur les contributions. Les allocations par nombre de votes coûteraient environ 10 millions $. Je crois que c’est plus démocratique de donner aux électeurs la possibilité de faire un don avec leur vote. Et ça coûte moins cher », a comparé M. Schreiner à la presse parlementaire.
Réforme libérale
Les partis d’opposition s’entendent toutefois pour dénoncer d’une même voix une mainmise des libéraux de Kathleen Wynne sur le projet de réforme du financement politique.
« Ce processus est géré seulement par le Parti libéral. Nous aurions besoin d’entendre des opinions différentes. Il reste des échappatoires », a signalé M. Brown, faisant allusion aux activités de financement des ministres qui ne seraient pas explicitement interdites. « Si le gouvernement veut vraiment apporter des changements, il doit éliminer toutes les échappatoires. »
« Il s’agit, après tout, du même gouvernement qui a mené des consultations budgétaires alors que son dernier budget était déjà prêt », a critiqué à son tour la chef néo-démocrate Andrea Horwath. « Cette discussion sur la réforme du financement politique devrait avoir lieu dans l’espace public. Ça ne devrait pas être l’affaire d’un seul parti politique. Ce n’est pas démocratique. »
Dans les faits, le projet de réforme qu’ont présenté les libéraux à Queen’s Park, le 17 mai, est presque une copie carbone d’une ébauche rédigée par la première ministre un mois plus tôt, avant même de consulter une première fois les leaders de l’opposition.
Le ministre Yasir Naqvi a relancé la balle à ses adversaires.
« Je ne crois que nous ayons eu une conversation robuste avec tous les partis politiques. J’ai eu une conversation très positive et engageante avec le Parti PC », a fait savoir M. Naqvi. « J’ai eu une bonne conversation aussi avec le Parti vert », a-t-il ajouté. « Le NPD n’a pas répondu autrement que sur Facebook. J’espère que le parti s’engagera d’une manière (plus) significative. »