Francophonie en Fête : une 19e édition ancrée dans le multiculturalisme torontois

TORONTO – Placée sous le signe de la célébration de la diversité francophone torontoise, la 19e édition du festival Francophonie en Fête a rempli cette mission cette fin de semaine. Une programmation éclectique, tant par les styles musicaux que par les origines des artistes. Si l’audience n’était pas à hauteur des attentes pour cette édition, l’organisateur compte miser sur une promotion à plus grande échelle pour l’année prochaine.
« Vous savez, Toronto est la ville qui est peut-être la plus multiculturelle au monde, même plus que New York. Dans cette immigration, il y a beaucoup de pays où l’on parle le français. C’est surtout cela qu’on va chercher, cette diversité immigrante qui fait partie de l’identité de la francophonie mondiale. Pour nous, le festival doit refléter ces communautés, qui sont de plus en plus importantes et participatives. Elles se reconnaissent dans ce festival. »
Dans un entretien accordé à ONFR quelques jours avant le lancement de cette 19e édition de la Francophonie en Fête, Jacques Charette, le directeur général du festival, avait planté le décor de cette édition « quatre fois plus grosse » que les précédentes.

Le ton a été donné dès vendredi soir avec Tali de York, une poète et autrice-compositrice-interprète ontarienne, qui a emmené les spectateurs dans leurs souvenirs lointains et même au-delà, à travers des chansons de l’époque de ses parents et ses grand-parents. C’est ensuite Anne Sophie Roy, une pianiste originaire du Québec qui a partagé son répertoire, suivie de Rouslan Trio, un jeune groupe canadien composé d’anciens élèves et lauréats des conservatoires de musique de Minsk et d’Odessa. Le groupe a présenté son répertoire diversifié, allant du Jazz à la musique expérimentale, en passant par des partitions modernes.
Dans la foulée, c’est Folklassico qui a pris le micro. Cet artiste d’origine camerounaise résidant à Toronto a rendu le spectacle interactif en impliquant le public à travers des exercices vocaux en prémisse d’une participation à une chanson montée à plusieurs voix.
La fin de la soirée de vendredi a pris un tournant plus dansant avec DJ Clembox, représentant fièrement ses deux pays d’origine, le Cameroun et le Congo, ainsi qu’avec le Québécois LeMIND et l’Ottavien SMPTY, qui se sont succédés aux platines. La première soirée s’est conclue sur de la musique électronique Afro House Congolaise avec Kizaba, le maître en la matière au Canada.

Le lendemain, les spectacles ont repris sous le signe des sonorités orientales avec les prestations de Maryem Tollar, une Canadienne d’origine égyptienne, interprétant de la musique arabe classique, en ouverture de la journée, puis de Kazdoura en milieu de programmation, qui ont réinventé les classiques de manière plus moderne. En fin de journée, c’est un groupe de Jazz arabe, Moneka, qui a offert un mélange de sonorités originaires de l’Irak, pays d’origine du fondateur du groupe, avec des rythmes africains hérités de la famille Moneka.
Les musiques afro-caribéennes ont également trouvé leur place dans cette deuxième journée de programmation avec les performances du chanteur haïtien Dieufaite Charles et de la dominicaine Ana Lía. Ces deux prestations avaient succédé à des spectacles de musique africaine, Alpha Rythm roots et ses percussions, ainsi que Njacko Backo, le maître du Kalinga, un style musical originaire du Cameroun.
Enfin, le chanteur de R’n’B originaire de France Dee Joyce et le DJ montréalais Dual-IT ont apporté une touche urbaine à la programmation du samedi soir, tandis que le groupe Cactus Rock était présent pour ravir les fans de rock’n roll.

Le point noir : une audience réduite
En plus des concerts, l’organisation a vu grand avec une zone famille où étaient proposés des spectacles et des jeux pour les enfants, avec notamment la présence de Mamie Gâteau de TFO. Une autre portion du festival était dédiée à l’échange culturel avec la présence de nombreux organismes communautaires et des kiosques de nourritures variés.
L’événement s’est poursuivi dimanche sous l’autoroute Gardiner à la scène Bentway (250 boulevard Fort York) avec une programmation toujours aussi variée qui aurait dû attirer toutes les communautés de la francophonie torontoise.

Malheureusement, le gros point noir de l’événement demeure l’affluence qui n’a pas été au niveau des attentes. Les milliers de spectateurs attendus n’ont pas été au rendez-vous. Insuffisant pour décourager l’organisationn qui a préféré voir le côté positif, cette plus grande édition faisant guise de test en amont de la vingtième édition en 2025.
« On se rend compte que ce n’est pas facile de rejoindre la communauté francophone à Toronto, a confié Jacques Charette. J’ai l’impression qu’il faut faire énormément de promotion, pas seulement dans les médias francophones, mais aussi anglophones. Malheureusement, c’est beaucoup plus cher. »
« Cette année, on apprend beaucoup en vue de la vingtième et on sait qu’on devra beaucoup plus miser sur la promotion l’année prochaine. On va aussi essayer de collaborer plus avec les écoles pour mettre au courant les familles et faire venir ce public. C’est certainement à ce niveau-là qu’il faudra faire des améliorations. »
M. Charette peut compter sur des membres de l’organisation qui le soutiennent dans son projet, à l’image de Thierno Soumaré, animateur de l’événement sur la scène principale lors des trois jours et l’homme derrière l’idée des kiosques multiculturels. Pour lui, hors de question de baisser les bras dans l’adversité, ce festival est une nécessité pour la communauté francophone torontoise. Plein d’optimisme, il le voit continuer à grandir et à s’imposer comme un événement incontournable dans les années à venir.
« Notre idée est de créer un festival qui est comme un village francophone, explique-t-il. Ce festival, depuis 19 ans, essaie de réunir toute la francophonie. On dit toujours qu’il n’y a pas de quartier francophone à Toronto. Nous voulons, une fois dans l’année, que ce festival représente ce quartier francophone. Cela va prendre du temps, mais une fois que la communauté comprendra qu’on peut être ensemble autour de quelque chose, d’ici quelques années, vous verrez, toute la communauté francophone va se regrouper autour de cet événement, qui sera le porte-drapeau de cette francophonie. Il faut continuer à le supporter à tous les niveaux. »
Cohabitation avec la Franco-Fête
Pour l’instant, malgré le déficit budgétaire évoqué par le directeur général dans l’entretien accordé à ONFR, la reconduction du festival pour 2025 n’est pas en danger. Une question se pose, en revanche, quant à la cohabitation avec la Franco-Fête, l’autre festival de musique francophone torontois qui a eu lieu cette année à la fin du mois d’août.
Si la fusion des deux pourrait apparaître comme une solution évidente, elle n’est pas envisagée par les organisateurs de part et d’autre. On considère que les deux festivals peuvent cohabiter, mais une problématique demeure, celle de la trop grande proximité temporelle entre les deux événements, qui ont, en plus, un nom très proche.
« Parfois, les gens confondent les deux et nous disent qu’ils ont participé à Francophonie en Fête », confie M. Charette.
Selon nos informations, il se pourrait que ce problème soit résolu dès 2025. En effet, la Franco-Fête songerait à déplacer l’événement en juin, comme c’était le cas initialement. Cette initiative permettrait aux deux festivals de se démarquer, l’un au début de l’été et l’autre à la rentrée.
Francophonie en Fête n’est pas terminé. Le festival propose deux concerts en salle avec LGS pour fêter le jour des Franco-Ontariens le 26 septembre, puis l’artiste franco-italien Nicolas Ciccone qui se produira le 28 septembre. Les deux événements se dérouleront au Paradise Theatre à Toronto. Les billets sont disponibles sur le site internet de Francophonie en Fête.