Immigration et pandémie : un frein, mais aussi une chance pour le Nord

Les villes du Nord profiteraient des migrations secondaires et interprovinciales selon plusieurs intervenants en immigration. Crédit image: Rudy Chabannes

Alors que s’ouvre la Semaine nationale de l’immigration francophone ce lundi, plusieurs indicateurs sont dans le rouge en Ontario, loin de sa cible de 5%. Dans le Nord, malgré la situation, les acteurs locaux entrevoient des signes positifs inattendus et des opportunités à saisir pour les nouveaux arrivants.

L’immigration francophone s’est effondrée en l’espace de quelques mois, accusant une chute de 70% au deuxième trimestre 2020. Depuis, la courbe se redresse péniblement : 700 immigrants d’expression française ont obtenu leur résidence permanente en Ontario au cours de l’été (contre 1215, l’année dernière à la même période). Mais les délais de traitement des demandes exaspèrent les candidats à l’immigration.

« C’est sûr que les difficultés se sont rendues également dans le Nord de l’Ontario », constate Thomas Mercier, coordonnateur du Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord. Il estime cependant que la région a été plus épargnée en raison des migrations secondaires.

« Avec la pandémie, les gens dont le premier point de chute était Ottawa, Toronto ou Montréal ont tendance à se diriger vers des communautés plus petites en Ontario. »

La généralisation du télétravail aurait renforcé cette tendance, selon lui.

Thomas Mercier, coordonnateur du Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord. Gracieuseté

Le spécialiste en immigration prend pour preuve l’effervescence du marché immobilier dans les secteurs éloignés des grandes villes et le pic d’activité des organismes offrant des services en français d’employabilité et d’établissement.

« Il y a eu une explosion fulgurante du nombre de personnes qui utilisent les services aux nouveaux arrivants, dès les premiers mois de la pandémie. Il y a eu beaucoup d’accompagnement pour obtenir la prestation canadienne d’urgence, mais aussi trouver un emploi. »

Les mines, les hôpitaux, les garderies et les écoles sont de gros recruteurs qui se tournent vers les nouveaux arrivants. « Tout ça continue à plein régime », fait remarquer M. Mercier, ajoutant que le tourisme a été moins frappé que dans le reste de la province.

« On n’a pas eu le problème d’Ottawa avec ses hôtels vides ni celui du Niagara avec l’effondrement du tourisme de masse. Ici, c’est un tourisme récréatif. On a augmenté notre nombre de touristes en provenance du reste du Canada. »

« Quand on regarde le taux de chômage à Sudbury, Timmins, North Bay ou encore Hearst, on n’est pas revenu au taux d’avant, mais presque », rapporte-t-il, mettant à part le cas de Sault-Ste-Marie, plus en difficulté. « On est en train de se remettre beaucoup plus rapidement de la crise que le reste de la province. »

Un « braconnage » de travailleurs qualifiés plus intense

« La COVID-19 est une opportunité économique à saisir pour notre région », abonde Christian Howald, directeur régional Nord à la Société économique de l’Ontario (SÉO). « Le Nord n’est pas une priorité pour les multinationales. Beaucoup d’entreprises ont dû se débrouiller et cela a ouvert la porte à des initiatives locales et des projets qui n’auraient pas été viables en temps normal, notamment dans des secteurs de l’extraction des ressources naturelles et de la transformation agro-alimentaire. »

Christian Howald, directeur régional Nord à la Société économique de l’Ontario. Archives ONFR+

Si ces nouveaux projets ont généré des emplois, trouver la main d’œuvre pour les combler reste un immense défi, reconnaît-il. « La pénurie n’a pas disparu. On a toujours besoin d’attirer des milliers de personnes pour pallier les départs massifs à la retraite. Avant la pandémie, il y avait déjà un braconnage de travailleurs qualifiés, mais il se faisait surtout par l’industrie minière qui allait chercher des travailleurs agricoles et dans la construction en proposant des salaires plus élevés. »

Aujourd’hui, ce braconnage s’est répandu dans quasiment tous les secteurs, observe-t-il.

Des services inédits pour convaincre les nouveaux arrivants

M. Howald croit que la stratégie de régionalisation de l’immigration est en train de porter ses fruits, malgré les défis que pose la pandémie. Toronto et Ottawa ne sont plus les seuls points de chute de la province, mais le Nord apparaît aussi sur le radar des nouveaux arrivants grâce à des financements du ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

La ville où il est basé, Sudbury, est identifiée comme une des 14 communautés francophones accueillantes canadiennes dont l’objectif et d’augmenter la proportion de résidents permanents d’expression française.

L’Association des francophones du Nord-Ouest de l’Ontario (AFNOO) à Thunder Bay, le Collège Boréal à Timmins ou encore l’Université de Hearst – via ces centres d’intégration des acquis – ont également reçu des financements fédéraux pour ouvrir des services d’établissement aux résidents permanents et réfugiés, qui sont accompagnés dans leurs démarches d’emploi, de logement, de formation et d’intégration.

Depuis avril dernier, Nancy Jacques gère justement la mise en place de nouveaux services d’établissement sur le corridor de la Route 11, entre Hearst et Smooth Rock Falls. Le lancement de ce projet est intervenu quelques temps après que le Canada ferme ses frontières.

Nancy Jacques, directrice des services en établissement du Corridor de la Route 11. Gracieuseté

« La pandémie a eu des répercussions sur l’influx de nouveaux arrivants et nous incite à trouver d’autres façons de rejoindre une clientèle qui ne peut pas se déplacer, qu’elle soit déjà dans la région ou encore à l’étranger, se préparant à venir. »

Mais elle veut aussi voir le revers de la médaille. « L’aide à l’établissement le long du Corridor de la Route 11 n’existait pas avant. On espère que ça sera rassurant pour les nouveaux arrivants. »

L’emploi, la vie en milieu rural et la francophonie sont plusieurs facteurs d’attraction et de rétention qui jouent en faveur du Nord à long terme. Elle en est convaincue.

Les rendez-vous de la semaine dans le Nord

Kapuskasing : lancement de la Semaine nationale de l’immigration francophone et session d’information pour attirer la main d’œuvre immigrante, le mardi 3 novembre, à 17h, au Club de golf de Kapuskasing.
Hearst : lancement de la Semaine nationale de l’immigration francophone, le mercredi 4 novembre, à 17h, au Centre Inovo, à Hearst.
Timmins : édition spéciale de « Bienvenue à Timmins LIVE » et découverte des organismes francophones de Timmins impliqués dans le continuum de services aux nouveaux arrivants, le mercredi 4 novembre, à 18h30, en ligne.
Sudbury : Speed Mentoring en français avec le Collège Boréal et Access Employment, rencontres et réseautage avec des professionnels et des conseils en face à face, le jeudi 5 novembre, à 14h, en ligne.
North Bay : table-ronde sur la réalité du parcours des nouveaux arrivants francophones issus de la diversité afin de connaitre leurs parcours, leurs implications et leurs besoins, le jeudi 5 novembre, à 17h, en ligne via Zoom.
Thunder Bay : Nuit du conte avec le Club culturel de Thunder Bay, le samedi 7 novembre, à 19h30, en ligne.

Liens et détails sur le site officiel : https://www.immigrationfrancophone.ca/fr/calendrier-evenements?reload=1