Immigration francophone, chemin Roxham : le ministre Monte McNaughton fait le point
Dans le contexte de l’accord signé avec Ottawa, doublant la capacité d’immigration économique de l’Ontario, de la fermeture du chemin Roxham après l’entente avec Washington, avec des délais de traitement des demandes d‘Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) plus longs, l’immigration est au cœur des enjeux. En entrevue avec ONFR+, Monte McNaughton, le ministre du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences de l’Ontario, fait le point sur ces questions.
« Le Programme ontarien des candidats à l’immigration (POCI) a dépassé son objectif de 5 % pour l’immigration francophone avec 6,6 % en 2022. Avec la capacité d’immigration en Ontario qui double, souhaitez-vous aller au-delà de ce ratio pour les francophones?
Absolument, c’est une priorité pour moi de recruter des francophones en Ontario. Le ministre Sean Fraser et moi avons travaillé ensemble pendant 18 mois pour finaliser ce nouveau contrat pour l’Ontario. Il y a 10 ans, le POCI ne comptait qu’un millier d’immigrants, c’est donc vraiment historique que le gouvernement fédéral donne à l’Ontario autant son mot à dire en matière d’immigration. En plus de pouvoir accueillir un plus grand nombre de personnes, cela va nous permettre une plus grande flexibilité et sélection. C’est définitivement l’un de mes engagements que d’attirer autant de francophones que possible.
Quel genre d’actions souhaitez-vous entreprendre dans ce sens?
Je veux mettre en place un volet dédié aux francophones pour les recruter. Cela sera déployé dans les semaines à venir, car nous priorisons actuellement les travailleurs qualifiés, les travailleurs de la santé, les francophones, les camionneurs, les travailleurs des filières technologiques, donc encore une fois, ce nombre plus élevé nous donnera plus de flexibilité pour recruter.
Les délais d’attente d’IRCC peuvent être très longs. Selon IRCC, il y a actuellement 10 000 francophones en attente de leur résidence permanente pour l’Ontario. Quels sont l’impact et l’implication pour l’Ontario?
Cela a des répercussions sur l’Ontario c’est certain. Au cours des derniers mois, il y avait 2,5 millions de personnes dans les files d’attente fédérales attendant une approbation pour entrer, elles sont donc vraiment congestionnées. Avec le POCI, nous approuvons en moyenne les demandes de résidence permanente dans les 90 jours.
L’investissement de 25 millions que l’Ontario a annoncé le 28 mars dernier va servir à l’expansion de notre informatique, de nos logiciels ainsi qu’au recrutement de plus de personnel pour nous assurer que nous respectons le délai de traitement de 90 jours.
Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral qui fera une annonce dans quelques semaines sur l’amélioration du système pour l’accélération des demandes. Nous pensons que nous pouvons vraiment intervenir et les aider lorsqu’il s’agit d’approuver les demandes. Nous leur avons offert notre soutien.
L’Ontario ressent-il la nécessité d’intervenir parce que le gouvernement fédéral n’est pas assez proactif?
Le volet le plus lent du gouvernement fédéral est celui des travailleurs qualifiés. Il fallait en moyenne environ quatre ans pour approuver un travailleur qualifié pour venir en Ontario ou au Canada et il est clair que nous n’allons pas combler la pénurie de main-d’œuvre si cela prend quatre ans. Mais c’est vraiment autour de cet arriéré que nous sommes intervenus. Nous embauchons également plus de personnes dans notre ministère pour approuver plus de demandes.
C’est donc sous l’impulsion de l’Ontario que les choses vont dans la bonne direction?
La pandémie a eu un impact sur le gouvernement fédéral en ce qui concerne l’approbation des demandes. L’Ontario fait face à une pénurie générationnelle tellement énorme, avec 380 000 postes vacants, que nous sommes désespérés de faire venir des travailleurs qualifiés. Notre communauté en a cruellement besoin. C’est aussi par nécessité que nous intervenons auprès du gouvernement fédéral pour offrir un soutien total. Il s’agissait d’identifier un problème et de le résoudre et l’immigration est l’un des outils dont nous disposons pour combler les pénuries de main-d’œuvre.
Pensez-vous que la fermeture du Chemin Roxham soit précipitée?
Je pense que c’était en préparation depuis un moment. J’ai eu plusieurs discussions avec M. Fraser à ce sujet. Plusieurs maires demandaient au gouvernement fédéral d’agir, notamment à Niagara Falls, Cornwall et Windsor. Les ressources se faisaient très rares. Nous avons donc continué à défendre les intérêts de ces municipalités locales. Le gouvernement fédéral a quant à lui conclu une entente avec les États-Unis pour laquelle il aura fallu beaucoup de négociations.
Ne craignez-vous pas que cela engendre la création d’autres passages illégaux au Canada et aux États-Unis?
Je suppose que c’est toujours une possibilité. Le gouvernement fédéral a le devoir de protéger nos frontières, mais ma position est la suivante : si les gens ont les compétences et qu’ils veulent venir ici, ils doivent candidater par les voies normales et nous devons les faire entrer dès que possible.
Que va-t-il arriver aux réfugiés qui sont déjà ici? Vont-ils avoir un permis de travail et être relocalisés ailleurs en Ontario?
Je sais que l’une des choses sur lesquelles le gouvernement fédéral travaille, et que j’appuie, est le fait de déterminer les compétences de chaque travailleur afin que nous puissions les intégrer au marché du travail le plus rapidement possible. Je ferai tout ce qu’il faut pour travailler avec Ottawa dans ce sens. Nos programmes de formation leur seront ouverts.
Je sais que le gouvernement fédéral espère les déplacer de Niagara Falls, Windsor et Cornwall vers d’autres communautés, ils y travaillent. L’une des choses que je veux faire est d’amener les immigrants à s’installer à l’extérieur de la Région du grand Toronto (RGT) vers les régions rurales du Nord de l’Ontario, où le coût de la vie est moins élevé pour les nouveaux arrivants. Nous avons beaucoup de pénuries dans ces petites villes, c’est donc une façon d’utiliser l’immigration de manière stratégique.
Le premier ministre Doug Ford a déclaré que les immigrants faisaient partie de la solution à la pénurie de main-d’œuvre. Est-ce toujours la position actuelle?
Absolument et c’est une chose pour laquelle le gouvernement fédéral nous a accordé beaucoup de crédit et je pense que cela a été pris en compte dans la décision de nous donner plus de poids. Nous sommes la première province au Canada à éliminer l’exigence d’expérience canadienne.
Il y a deux ans, nous avons également ouvert tous nos programmes de formation aux nouveaux arrivants pour la première fois. S’ils ont besoin de formation linguistique, nous consacrons des millions de dollars pour les y aider. Et s’ils n’ont pas de certification spécifique de leur propre pays, ils peuvent entrer dans un programme de formation et obtiennent jusqu’à 20 000 $ pour une formation d’un an.
L’une des plus grandes injustices est que seulement un immigrant sur quatre travaille dans le domaine qu’il a étudié. Cela signifie que 75% d’entre eux qui sont déjà ici ne travaillent pas dans leur champ professionnel. Donc, ouvrir des programmes de formation est important pour leur apporter un meilleur niveau de vie. »