Immigration francophone : quand les chiffres se contredisent
[ANALYSE]
OTTAWA – Les chiffres du recensement de 2016 continuent d’être diffusés au compte-goutte par Statistique Canada. Mercredi dernier, la cinquième fournée de données concernait directement l’immigration. Mais les réactions ont été plutôt discrètes après leur publication.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Pour les francophones, les résultats sont somme toute dans la lignée des années précédentes. Entre 2011 et 2016, un peu plus de 26 000 immigrants avaient le français comme première langue officielle parlée (PLOP) dans le Canada hors Québec, l’équivalent d’une immigration francophone de 2,6 %.
Plusieurs constats s’en dégagent. Tout d’abord, l’immigration est en baisse, d’autant que lors de la période 2006-2011, on parlait d’un chiffre de 2,9 %. L’Ontario suit cette dynamique. La province a délivré plus 15 000 résidences permanentes à des francophones durant cette période. Le 3,2 % obtenu reste tout de même en légère baisse en comparaison de 2006-2011 (3,5 %).
Secondo, est encore très loin des cibles fixées. Celle du fédéral de 4,4 % d’immigration francophone reste encore une douce chimère. L’objectif de 5 % de nouveaux arrivants de langue française fixé par le gouvernement de l’Ontario l’est tout autant.
Dernier constat : les données sur l’immigration francophone dévoilées régulièrement par l’agence fédérale, ou les médias, ne se ressemblent jamais, créant dès lors un sentiment de confusion. L’immigration francophone en Ontario semble louvoyer entre 1 et 3,5 %.
Plusieurs mesures pour calculer l’immigration
En vérité, il y a plusieurs mesures utilisées pour calculer la vitalité linguistique d’une population, sans qu’aucune ne fasse encore consensus. La première, c’est de choisir la langue maternelle en guise de calcul. Problème : cette mesure reste très restrictive et exclut ceux dont le français peut-être la langue d’usage à la maison et au travail. Si l’on suit ces calculs, on arrive à une immigration de seulement 1,6 % en Ontario sur la période 2011-2016.
L’ancienne présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Marie-France Kenny, utilisait vraisemblablement ce mode de calcul quand elle pestait contre une immigration à peine au-delà des 1,5 %.
Une autre possibilité de plus en plus prisée par Statistique Canada, c’est d’utiliser la PLOP. Un choix qui permet ici de doubler le nombre d’immigrants, et s’avère un moyen de comptage bien plus juste. Désavantage pour certains : les nouveaux arrivants comptabilisés sont plus susceptibles d’être assimilés.
Enfin, le dernier calcul, est celui qui fait maintenant légion au ministère des Affaires civiques et de l’Immigration en Ontario. La province compile les données du gouvernement fédéral autour de trois mesures : la langue maternelle, la PLOP, et les résidents permanents issus d’un pays francophone. Les résultats obtenus sont ici sensiblement les mêmes que celui dans la PLOP.
Moins d’immigrants francophones qu’en 2011 et 2012
C’est cette même unité de mesure qui permet d’affirmer que l’immigration francophone dans la province en 2016 fut de 2,16 %. Bien loin en somme du taux à plus de 3 % affiché en 2011 et 2012. Cette période « faste » explique en partie le chiffre de plus de 3 % d’immigration francophone dévoilé par l’agence fédérale.
Pour atteindre cette cible de 5 %, l’immigration a besoin plus que jamais d’un coup de barre. Or, sur les 100 000 nouveaux arrivants chaque année en Ontario, seuls 5 700 sont sélectionnés par la province. Preuve que le gouvernement a bien les mains liées sur ce dossier. Au détriment finalement d’une des deux langues officielles.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 30 octobre.