Insatisfaits des mesures de précaution, les enseignants ontariens se tournent vers les tribunaux
TORONTO – Le ton monte de nouveau entre le gouvernement ontarien et les enseignants. Ce lundi, les quatre syndicats principaux incluant l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) annoncent qu’ils présenteront une requête à la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO).
En cause : leur insatisfaction « du respect des normes d’application de normes appropriées de santé et de sécurité dans les écoles financées par des fonds publics ».
Les quatre syndicats qui représentent plus de 190 000 enseignants de l’Ontario estiment que le gouvernement n’a pas mis en place toutes les mesures de précaution pour une rentrée sécuritaire face à l’épidémie de COVID-19.
« Doug Ford aime nous comparer à d’autres travailleurs de première ligne, mais je peux vous dire que ce n’est pas la même chose du tout qui est appliquée dans les écoles, loin de là. Quand j’ai été faire mes emplettes en fin de semaine, je devais garder une distanciation de six pieds, et là, on va demander à 29 enfants de quatre à cinq ans d’être dans la salle de classe et qui ne seront pas obligés de porter le masque », dénonce Rémi Sabourin, président de l’AEFO. « On revendique la sécurité de nos membres et des élèves et on n’arrêtera pas. S’il avait vraiment voulu travailler avec les acteurs du monde de l’éducation, on n’en serait pas où nous en sommes aujourd’hui. »
L’AEFO indique que la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (OSSTF/FEESO), la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO) et l’Ontario English Catholic Teachers Association (OECTA), présenteront chacune « une requête à la CRTO affirmant que le Guide relatif à la réouverture des écoles de l’Ontario du ministère de l’Éducation ne prend pas toutes les précautions raisonnables pour protéger les travailleuses et travailleurs, comme l’exige l’alinéa 25 (2) h) de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. »
Les syndicats précisent que le ministère du Travail n’avait pas répondu à toutes leurs demandes en date du 28 août. À quelques jours de la rentrée seulement n’est-il pas un peu tard pour déposer une poursuite?
« C’est la suite logique après avoir tenté d’avoir des discussions et après avoir eu des rencontres formelles. Nous sommes rendus où nous en sommes et on n’aurait pas pu faire ça plus tôt, car on n’avait pas l’approbation de tous les partis. C’est navrant, mais tout ça aurait dû se faire il y a plusieurs mois, mais on se retrouve où l’on est aujourd’hui », affirme Rémi Sabourin.
Des annonces insuffisantes
À la mi-août, le ministère de l’Éducation de l’Ontario avait autorisé les conseils scolaires à piocher dans leurs fonds de réserve : l’accès à 500 millions de dollars devait leur permettre, entre autres, de recruter du personnel et de trouver de nouveaux espaces, propices au respect des mesures de distanciation.
Une décision jugée alors très insuffisante par les quatre syndicats d’enseignement.
« Toutes ces annonces-là sont survenues suite à des pressions des parents et des enseignants ontariens. Le 4 août, il ne l’avait pas cet argent-là. M. Ford se demande pourquoi la ventilation n’a pas déjà été faite par les conseils, mais c’est beaucoup plus compliqué que de dire que ça doit être fait. Pour l’argent, il y en a qui vient du fédéral et des conseils scolaires, mais ce n’est pas juste un problème monétaire. Si au mois on avait eu cet argent au moins de juin pour vraiment mettre en place un plan », affirme le président de l’AEFO en entrevue avec ONFR+.
Doug Ford a déclaré, en conférence de presse, ne pas comprendre l’action des syndicats d’enseignants.
« Ils voulaient plus de ventilation, ils ont eu de la ventilation. Ils voulaient plus d’argent, ils ont eu des fonds de réserve. Plus de nettoyage aussi… », s’est-il défendu, alors qu’il était en déplacement à Etobicoke, ce lundi.
« On a fait absolument tout ce qu’ils voulaient. On n’a rien épargné », mais « les syndicats d’enseignants veulent juste se battre avec tout le monde », estime le premier ministre.
L’AEFO déplore une « rentrée politique »
L’AEFO déplore le fait que Doug Ford fasse de la rentrée en éducation « un sujet politique » en réagissant plutôt qu’en prenant des actions.
« Je parlais avec des enseignantes aujourd’hui et ils ne savent pas qui sera dans leur salle classe, ils ne savent pas quelle année ils vont enseigner. Là, on leur demande la semaine prochaine de tout démarrer et on s’attend à ce que tout soit parfait? Ça n’a pas d’allure! Au lieu de faire de la politique, on devrait être en train de discuter pour avoir des solutions, alors on va à CRTO pour mettre des solutions en place », déplore Rémi Sabourin.
De son côté, M. Ford indique que des enseignants sont venus lui parler pour s’excuser de la « façon dont leurs syndicats se comportent ».
« Je supplie les syndicats de travailler avec nous. Mais je veux être clair là-dessus, je supporte nos enseignants, en première ligne, qui vont tout faire pour garder nos enfants en sécurité. Mais je n’arrive pas à comprendre. On a travaillé avec toutes les organisations possibles à travers le pays de différents domaines. 99,9 % de ce monde-là s’entend avec nous autres, excepté un groupe, les syndicats des enseignants. Pourquoi? », s’interroge le premier ministre ontarien.
Rémi Sabourin réfute les propos de M. Ford affirmant que c’est plutôt son gouvernement qui fait la sourde oreille.
« Le gouvernement parle de travailler avec eux, mais on n’a jamais la chance de travailler avec eux. On a juste la chance de présenter un plan, mais c’est depuis le mois de mars qu’on essaie de vraiment discuter avec eux pour mettre le problème au centre de la table pour trouver une solution… M. Ford peut continuer de faire de la politique avec ça, mais ce sont les parents, les élèves et non les syndicats qui parlent. »
Article écrit avec la collaboration de Rudy Chabannes et Pascal Vachon